Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié depuis Overblog

15 Septembre 2018 , Rédigé par Christine, Marie Mazeaud/Charles Mesaric

 

Samedi 1er septembre 2018

Derniers préparatifs, dernières courses avant notre départ pour cette fameuse Transatlantique dont nous parlons depuis si longtemps. Mise en attente l’année dernière après l’accident de Charles, mais jamais abandonnée !   

L’excitation est à son comble et je sens au fond de moi que je vais vivre une aventure exceptionnelle. Je ne ressens (pour l’instant) aucune angoisse car nous partons dans de bonnes conditions sans aucune contrainte de temps et de calendrier. Il suffit que nous soyons à Malaga début décembre pour retrouver notre compagnon de route, Orce, homme d’expérience que nous avons rencontré chez Marijo à Paklenica et qui fera la transat avec nous. Quant à ma petite sœur Nathalie, qui sera elle aussi du voyage, elle nous rejoindra aux îles Canaries. Je suis totalement soulagée de faire cette traversée avec eux. Passer quelques nuits  à naviguer à deux, on peut encore le faire mais vingt et une nuits, à notre âge,  ce n’est plus raisonnable. Ce serait bien trop dur physiquement. Soyons intelligents la traversée doit rester un plaisir !

Nous avons donc presque trois mois pour rejoindre l’Espagne, ce qui est largement suffisant pour naviguer dans de bonnes conditions et profiter de ce qui nous sera offert. Je pense à la Sicile. Notre arrêt à Messine en ramenant l’Alcazar de France nous a vraiment donné envie de mieux la connaître. Prendre notre temps et découvrir.

Pour l’instant nous organisons le bateau pour y être le mieux possible. Ce n’est pas toujours simple de faire rentrer dans cet espace (qui est heureusement tout à fait convenable) toutes

nos courses, denrées alimentaires, droguerie, parfumerie, bouquins, oh oui ! ne pas oublier les livres. Pour la lecture à deux, le « Dictionnaire amoureux de la mer » de Yann Queféllec, « Cosmos » de Michel Onfray et une biographie de Milosevic. J’aime ces moments où je fais la lecture à voix haute à mon amoureux et où nous discutons de ce que je lis. C’est une expérience à deux intéressante et enrichissante. Quant à moi, j’apporte une quinzaine de livres en espérant que je n’en manquerai pas ! Je ne pense pas car j’ai d’autres projets notamment continuer à écrire ce que j’ai commencé il y a quelques années et y mettre de l’ordre ! Et aussi apprendre le croate (il serait temps, n'est-ce pas ?) avec la méthode Assimil qui a fait ses preuves.  Espérons que mon désir sera le plus fort ! (N’est-ce pas Monsieur Spinoza ?) Bien penser à prendre la musique que j’aime et que j’écouterai certainement la nuit, en tenant la barre… !

 

Jeudi 13 septembre

Le grand jour ! Le grand départ ! Nous sommes enfin prêts ! Bien fatigués après ces derniers jours de préparatifs… mais heureux !

 

Nous larguons les amarres en tout début d’après-midi. Le soleil n’est pas au rendez-vous mais il fait chaud. Pas de vent. Juste un petit souffle léger d’Ouest. On espère en attraper un peu plus tard. 

Nous laissons notre maison pour plusieurs

mois. Petit pincement au cœur mais vite

oublié par l’aventure qui nous attend.

J’emporte avec moi mes enfants et mes

petits enfants qui vont me manquer c’est

évident mais heureusement le réseau

téléphonique est bien développé en

Europe ! Pour après on verra. J'espère qu'ils pourront venir nous rejoindre de l'autre côté de l'Atlantique.

Nous naviguons encore une fois entre l’île de Pag que je connais si bien. Je ne répéterai pas toute la beauté de ce paysage que j’ai déjà décrit dans mes précédents voyages mais comme toujours je suis emportée !

 

 

 

Le capitaine a droit à son premier whisky coca, inutile de préciser qu’il l’apprécie même s'il lui manque  les glaçons !

 

 

 

En fin de journée Vir nous offre une bouée à laquelle nous nous amarrons  sans problème

pour une nuit calme. Je suis éreintée et j’ai mal partout. Je crois que mon corps me crie son

ras le bol de tous ces allers-retours de la maison à l’Alcazar à transporter nos boîtes et nos

paniers ! 

 

 

vendredi 14 septembre 2018

 

Ce matin, le soleil tente de se lever entre les nuages devant le pont de Vir, ce fameux pont trop bas qui nous oblige à un énorme détour, pourquoi ne l’ont-ils pas fait plus haut ?

Le temps est maussade, il donne à la mer une couleur grisâtre et terne, mais la météo nous annonce du beau temps, alors je reste optimiste.

Un nombre impressionnant de voiliers et de catamarans naviguent et se disputent le petit détroit entre l’île d’Uglan et celle de Rivanj. Cela m’étonne car nous sommes mi-septembre mais finalement la saison touristique dure de plus en plus longtemps. La Croatie et ses îles plaisent, c’est une évidence.

Charles, ce matin, s’est  réveillé « grand pêcheur ». Il a fabriqué un support pour sa canne à pêche. A quand le premier poisson ? Il a l’air d’y croire mais n’arrive pas à lever mon scepticisme !

 

Petit arrêt à Mala Rava pour tenter de voir un ami que nous avons rencontré chez Marijo à Paklenica au mois de juin. Pas de chance Hrvoje est à Zadar aujourd’hui, pas de petit "gemischt" (vin blanc et eau pétillante, très frais) ensemble pour fêter notre départ, ça attendra l’année prochaine !

 

 

Toujours rien au bout de la ligne, par contre nous longeons Dugi Otok et trouvons un parc d’élevage de poisson sur plus de 500 mètres. Impressionnant de voir chaque bassin relié par des mètres et des mètres de tuyaux qui se chargent de distribuer la nourriture dans un ronronnement continuel. On n’ose pas imaginer quel genre de farine doivent ingurgiter ces bars et ces dorades pour grossir le plus vite possible. La Croatie n’est peut-être pas encore dans cette course-là ? On peut espérer.

Les poissons sautent et frétillent dans ces bassins recouverts d’un filet vert, sans doute pour éviter que de gourmands cormorans et autres poissons pêcheurs ne viennent se servir.

Le soleil a fait son apparition depuis un bon moment et le maillot de bain est de rigueur, l’eau doit tourner autour des 28° ce qui est très raisonnable et j’avoue avoir une grosse envie de me baigner tellement j’ai chaud. Mais, il y a toujours un « mais »  ma phobie des poissons me reprend et ne me lâche pas. 

 

Peut-être demain après une bonne nuit dans une petite crique bien calme, avec des eaux turquoise ? 

Et cette crique nous la trouvons ! Avec en prime, pour faciliter notre amarrage, une bien jolie bouée !

Un bateau de pêcheur s’approche de nous une fois la nuit tombée pour nous prévenir qu’ils doivent poser leurs filets demain matin de bonne heure : « Pas de souci nous lèverons l’ancre à 6 heures… » dixit le Capitaine.

 

Samedi 15 septembre

Donc lever à 5h30. Il fait encore bien nuit. Pas le temps de se faire un café, on verra plus tard. On aperçoit au loin le bateau de pêche et on lui laisse la place. Il navigue tous feux éteints sans aucune immatriculation ! Pas très réglo tout ça. 

 

Naviguer au milieu des Kornati (que nous connaissons bien maintenant) est toujours époustouflant. Quelle beauté ! Je n’arrive pas à trouver les bons mots pour décrire ces îlots striés de murets en pierre.

Le soleil a fini par émerger de la brume matinale et donne à ces perles d’eau une lumière unique.

Nous remarquons une brebis avec son petit agneau noir qui broute les rares herbes aromatiques sur un îlot désertique. C’est curieux, je ne vois pas de troupeau. Se serait-elle perdue ? Ou mieux, isolée pour mettre bas et oubliée par le berger ? Allez savoir…

 

La mer est un lac, pas un souffle d’air et c’est  bien dommage pour un voilier ! Les moteurs tournent doucement, le ronronnement n’est pas désagréable. Je me tourne à droite, à gauche, je regarde devant, derrière. Tout n’est que calme et beauté …

 

Mais (toujours le fameux mais…) Charles se rend compte d’un petit souci au niveau d’une de nos cuves d’eaux noires. Il attaque le démontage dans une odeur nauséabonde et je reste à la barre, moteur au ralenti. Nous faisons du surplace pendant près de 3 heures. Il débouche et rince la cuve comme il peut, je l’entrevois de temps en temps toujours le sourire (mais comment fait-il ??)

 Les joies du bateau ! 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il aura bien besoin d’un bon bain !

 

 

 

 

 

 

Et d’un petit arrêt restaurant à Smokvica !

Comme il est tard, nous décidons d'y passer la nuit.

 

 

 

Dimanche 16 septembre

 

Nous quittons Smokvica à l’aube, enveloppés d’une douceur mauve, nous attendons le lever du soleil. Il est magnifique et laisse sur la mer une traînée rouge qui nous suit comme une amie fidèle. Il est encore tôt, quelques bateaux de pêche poursuivis par des mouettes affamées nous croisent quand nous quittons les Kornati, direction Vis, l’île la plus occidentale de la Dalmatie.

Je vais me plonger dans son histoire singulière pour mieux la connaître quand nous nous promènerons dans ses ruelles.

 

Mais avant, je profite du merveilleux lever de soleil, moment magique où je me sens toujours si petite. Je regarde la perfection, les frissons parcourent mon corps et l’émotion m’étreint. Je pense à ceux partis bien trop tôt qui me manquent tellement… Je regarde mon amoureux à la barre et je reprends mes esprits.

 

Je retourne à Vis … qui subit l’influence vénitienne  du 15ème à la fin du 18ème siècle (On en verra certainement les traces lors de notre visite). Elle passe sous la domination de l’Empire Austro-Hongrois jusqu’en 1918.  

Pendant la seconde guerre mondiale, l’Italie fasciste occupe cette première île yougoslave et les partisans de Tito entrent en résistance contre la violence de ces ennemis. Après la capitulation de l'Italie en septembre 1943, l’île passe aux mains des partisans. Elle sera la seule partie de la première Yougoslavie (1918-1941) à ne pas être occupée par l'armée allemande.

Tito, chef des partisans, coordonne ses actions avec les forces alliées dans un QG installé dans une grotte au centre de l’île. Cette île devint, pour les Britanniques notamment, une base militaire importante.

Affectée entre 1945 et 1989 à la marine yougoslave, Vis est interdite aux touristes et transformée en une vraie forteresse avec un tunnel souterrain pour les navires de guerre.   De nombreuses épaves d’avions et de bateaux gisent toujours au fond de la mer et sont devenues des « spots » pour la plongée sous-marine attirant de nombreux touristes.

Pendant la guerre d’indépendance de 1991, une nouvelle fois Vis est occupée. Cette fois-ci par les forces armées yougoslaves qui ne seront évacuées que fin mai 1992, quelques mois après la reconnaissance internationale de l’indépendance de la Croatie.

Les  habitants, surtout des pêcheurs (thons et sardines), des agriculteurs (agrumes et olives) et des viticulteurs (Plavac pour le rouge et Vugava pour le blanc), ont vécu péniblement cette période d’isolement et je me demande si nous les trouverons différents des autres croates. Un passé tel que celui-ci doit laisser des traces.

Escale obligatoire pour les navigateurs, Vis délivre les papiers d’entrée et de sortie du territoire croate. Même si la Croatie fait partie de l’Europe depuis 2013, elle n’est pas encore dans l’espace Schengen et les formalités sont obligatoires.

Bon, nous verrons tout ça le moment venu.

Pour l’instant nous naviguons à bonne allure avec un vent d’Est soufflant à 10-15 nœuds dans la GV et le gênois. Comme c’est bon ! Nous glissons sans secousse, tout dans la douceur en retrouvant les joies de la voile.

 

Le Capitaine observe les recoins de son mât à la recherche d’une amélioration pour que certains bruits cessent. Il a l’oreille sensible cet homme-là  et le bruit des drisses le hérissent sans doute ! Evidemment il trouvera et retournera à la barre satisfait. En attendant le prochain grincement !

 

Et moi, je rêvasse devant un énième phare ! Est-ce que celui-ci serait à louer ?

Je suis encore surprise par le nombre de bateaux que nous rencontrons et qui semblent se diriger dans la même direction que nous. La baie de Vis sera-t-elle assez grande pour recevoir tous ces voiliers ?

Enfin le phare de Vis nous accueille en fin d’après-midi, c’est un peu la bousculade dans cette baie comme on l’avait imaginée. Mais tout est très bien organisé : un zodiac « port authority » vient à notre rencontre et nous montre les trois dernières bouées libres dans la baie de « Luka ».

 

Petit clin d’œil, le Capitaine va être content, nous nous amarrons juste en face du Monastère franciscain situé sur la péninsule de Prirovo ! Nous allons connaître le plaisir des cloches dès six heures du matin. Ce qui n’est pas très grave puisque nous aimons nous lever tôt !

Je deviens experte dans le maniement de la gaffe pour attraper l’anneau de la bouée, passer notre bout d’amarrage et tirer, Charles me donne un coup de main quand mon bras défaille ! Tout se passe comme sur des roulettes et après avoir réglé notre nuit, nous montons dans l’annexe pour une première découverte de la ville de Vis.

 

Elle est divisée en deux petits villages : Luka, où nous sommes amarrés et où nous devrions trouver la capitainerie et la douane pour faire nos papiers de sortie et Kut de l’autre côté de la baie, reliés  entre eux par un chemin littoral que nous prenons à pieds. 

 

 

Des yachts et catamarans démesurés sont à quai, avec le personnel de navigation, souvent un chiffon ou un bout à la main, à l’écoute des envies de ceux qui sirotent un verre de blanc ou de coca en parlant fort, comme souvent le fait le Croate !

 

 

 

Nous déambulons dans les ruelles à gros pavés, admirant les maisons et les palais datant de l’époque vénitienne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous sommes surpris par tous les câpriers qui poussent à même les murs, sans terre. Je suis jalouse, les nôtres à Sibuljina n’ont pas cette allure !

 

Nous rejoignons l’Alcazar après le coucher du soleil et j’admire les teintes dorées de l’église romane de Svet Jure de Kut.

 

J’ai droit (évidemment) à une petite réflexion de Sieur Charles qui en a marre que je prenne en photo des églises ! Mais c’est comme ça que veux-tu ? 

 

 

 

Lundi 17 septembre

 

Aujourd’hui, c’est visite de l’île. Mais avant, nous cherchons le service des douanes et la capitainerie. Sans succès. Aucun panneau, rien, on demande sur le port, personne ne sait ! C’est dingue. On finit par trouver le bureau de police qui nous explique très gentiment mais très vaguement où se trouve la douane. On retourne sur nos pas et toujours rien. Bon on verra en rentrant de notre balade, pas la peine de s’énerver !

 

Nous louons un scooter pour jouer à       «Toute la beauté du monde ». A défaut de Bali, ça sera Vis. Ce n’est déjà pas si mal.

Seulement deux routes traversent l’île et se rejoignent à Komiza, le deuxième port de l’île. Nous empruntons la plus longue qui grimpe très vite et nous offre une belle vue sur la baie. C’est bon, l’Alcazar n’a pas de souci, nous partons tranquilles.

Dix-huit kilomètres à travers les vignes et les oliviers, quelques citronniers et orangers mais surtout des caroubiers. Ce qui fait le bonheur de Charles. Evidemment il fait sa petite provision. Il les croque comme ça en prenant soin de ne pas manger les pépins. Moi, ce n’est pas mon truc, beaucoup trop dur. On utilise la poudre de caroube pour parfumer les mets, faire de l'eau de vie, de la pâtisserie et éventuellement remplacer le cacao dans les régimes sans sucre. 

 

 

Charles...mange et pendant ce temps je m’arrête devant l’église de Sveta Marija à Podselje, où tous les habitants de l’île de Vis viennent en pèlerinage pour la fête de la Vierge Marie, le 15 août, jour de l'Assomption.

 

 

 

Le monastère de Sveti Nikola, Patron des voyageurs, des matelots et des pêcheurs surplombe Komiza. La tradition veut qu’à l’occasion de la Saint Nicolas, début décembre, soit offert et brûlé un bateau en sacrifice. (Inutile de décrire la tête de Charles et son marmonnement !)

 

 

 

Nous posons notre scooter au pied du château et de sa tour horloge  pour profiter pleinement de  ce joli village de pêcheurs et trouver un petit resto qui nous servirait des sardines, puisque la sardine est pêchée en abondance.

 

Peine perdue, pas de sardine ! Mais que font-ils de leurs sardines pêchées ?

 

 

Nous grignoterons quand même une komiza pogaca (genre pissaladière) et nous goûterons leur fameux vin blanc. J’ai nettement préféré sa jolie couleur ambrée à son goût ! Charles ne se privera pas du gâteau maison à la caroube !

 

 

 

 

 

Toujours les mêmes petites ruelles bien sympathiques qui longent la mer et qui nous amènent à l’autre bout du port. Des petites plages de galets coincées entre les maisons de village offrent aux habitants et aux touristes un peu de fraîcheur.

 

 

Et à nous aussi !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un petit mot sur les touristes que nous avons croisés à Komiza. Etranges personnages d’un temps révolu : les « babas cools ». Un nombre incroyable de ces jeunes (et moins jeunes), habillés comme les hippies de notre jeunesse, déambulant avec bouteilles de bière ou de vodka, souvent ivres ou défoncés, respectant à fond la devise d’ici « pomaaalo » ! (doucement) Pourquoi les trouve-t-on en si grand nombre à Komiza ?  

La réponse est peut-être dans cet ancien camp militaire désaffecté, squatté par tous ces jeunes dans d’innombrables tentes. Ajouté à cela la vie bien moins chère…

 

 

Oserai-je vous parler, pour finir notre balade de l’église Svet Marija Gusarice ? Construite dans le style Renaissance, elle est composée de trois églises aux façades triangulaires.

Face à la mer, entourée de pins et de tamaris, elle protège les bateaux qui partent à la pêche.

« Ça ferait un bien joli hôtel » dixit Charles ! (Cet homme est fou, vous dis-je)

 

 

En repartant tranquillement vers notre scooter, nous surprenons sur le mur d’une maison un curieux lézard, avec une très longue queue striée de bleu. Jamais vu de semblable. Nous apprendrons qu’il s’agit d’une espèce endémique !

 

 

Autre curiosité qui nous a attirés : un figuier de barbarie immense et couvert de figues.

Étonnant !

 

 

Nous retrouvons l’Alcazar après cette grande journée, avec plaisir.

La nuit sera bonne ! 

 

 

Mardi 18 septembre

Bon, cette fois-ci, obligation de régler nos papiers puisque nous partons demain matin de très bonne heure. En descendant de l’annexe, on remarque un corbeau sur le trottoir en train d’essayer de casser une noix. On le regarde faire avec curiosité.  Après plusieurs tentatives et n’arrivant à rien avec son bec et ses pattes, il décide de s’envoler à quelques centimètres du sol pour laisser tomber la noix. Incroyable cette intelligence. Il s’élève de plus en plus haut jusqu’à ce que la noix se fende. Il repart, satisfait en serrant dans son bec cette gourmandise. Nous regretterons de ne pas avoir pris l’appareil photo…

En cherchant un petit café on tombe sur la douane, bureau caché au fond d’une place, sans grande pancarte, comme si la priorité était la discrétion ! Charmant jeune homme qui nous explique qu’il faut d’abord passer par la capitainerie. Ok, pas de souci mais où se cache-t-elle ? Son explication se perd dans ses grands gestes. On prend la direction, on marche un bon moment et on tombe sur un bâtiment administratif n’ayant rien à voir avec ce que l’on cherche. Un autochtone assis devant nous indique le chemin en nous affirmant « c’est loin… »

Bon au moins l’indication nous semble plus précise. On repart avec toujours  notre envie de café. On mettra une bonne demi-heure pour la trouver cette sacrée capitainerie. Aucune porte donnant sur la rue, un drapeau élimé ne ressemblant plus à rien et un petit panneau se cachant derrière un palmier pour être sûr de n’être vu de personne. Il nous faudra encore du temps pour trouver l’entrée, située derrière la maison au fond d’une cour, en haut d’un escalier pourri.

On y trouve un croate sympathique qui s’occupe de nous tout de suite, sans problème. Je lui dis quand même, en anglais,  très gentiment qu’il a été très difficile à trouver… Il me regarde et avec un grand sourire me répond « Ben, j’espère bien ! Pour vous c’est compliqué mais pour moi c’est mieux ! »

Voilà, on a tout compris…

Une fois notre papier délivré, on file à la douane et en fin de matinée on a enfin notre autorisation de sortie.

Finalement nous ne boirons pas de café, cela ne nous enlève pas le sourire, l’heure est  au gemischt !

On continue de flâner et on trouvera un endroit charmant à Kut. 

 

 

 

 

La maison est magnifique et je souris en voyant la décoration. Vous comprendrez sans doute pourquoi...

 

 

 

Nous terminerons notre petit séjour « Vissien » en mangeant des sardines (ouf ! on les a eues ) sur le port  et en plus un serveur sympa ! (ce qui n’était pas souvent le cas !)

Petite pensée pour Domino, le magicien des glaces … Ils servent, ici une glace vanille, arrosée d’huile de pépins de courge et saupoudrée de graines de courge grillées. Un délice !

Quoi de mieux ? Allier le plaisir à la santé ! Que les hommes n’oublient pas les vertus de l’huile de pépins de courge sur la prostate.

 

A suivre !

 

 

 

Mercredi 19 septembre

Voilà, nous quittons Vis avec un nouveau lever de soleil magnifique direction Palagruza, dernier petit archipel inhabité croate,  situé au milieu de la mer Adriatique. Il est composé d'une île principale Velika (Grande) Palagruža et d'une autre baptisée Mala (Petite) Palagruža entourées d'une douzaine d'ilots. C'est le point le plus occidental du territoire croate à peu près à mi-chemin entre la Croatie et l’Italie.

Nous espérons y trouver un mouillage correct pour nous éviter de passer une nuit en mer.

Je n’aime pas naviguer la nuit : non seulement c’est fatigant mais c’est aussi très angoissant. 

Pas un souffle de vent, rien. C’est pétole. Nous naviguons sur une mer d’huile et avons du mal à distinguer la mer du ciel. Même ton de bleu, même uniformité. Nous hissons quand même les voiles pour nous prouver que nous en avons, mais elles ne servent à rien. Les moteurs tournent au ralenti et nous les couperons pour déjeuner dans le calme. C’est magique, silence et  tranquillité…

Charles voit ses premiers poissons volants.  Je les manque, dommage car je n’en ai encore jamais vus, je scrute la mer un bon moment mais sans succès. Même pas un dauphin.

Enfin vers quinze heures, une petite brise qui ride légèrement la mer nous aide à avancer plus vite.

Le Capitaine me fait rire, tout l’après-midi je le vois se promener avec une bombe « graisse silicone » dans la main, traquant un nouveau couinement qui l’exaspère. Après avoir pratiquement tout bombé, il a finalement trouvé ce nouveau bruit : deux bouts sur la bôme qui crissaient sur deux anneaux. Ouf ! Il se remet à la barre, satisfait et souriant !

Nous apercevons enfin Palagruza et son phare situé sur le point le plus haut de l’île. Construit par l’Empire austro-hongrois au milieu de 19ème siècle, il est toujours habité par des gardiens. Une partie du phare est également réservé à des vacanciers amoureux de solitude.

 

 

Nous contournons l’île principale en espérant trouver autre chose que ces falaises abruptes qui tombent à pic dans la mer et nous empêchent de jeter l’ancre.

En effet, au sud de l’île nous trouvons une petite crique nous permettant de nous amarrer. Des pêcheurs, sans doute de langoustes, sont déjà là et resteront la nuit à côté de nous.

Charles plongera pour contrôler que l’ancre est bien accrochée.  Nous entendrons tout au long de la nuit un son résonnant sur les coques comme une eau qui pétille, il s’agirait vraisemblablement des langoustes qui stridulent face à un danger.  Une manière bien à elles de prévenir leurs congénères.

 

 

Jeudi 20 septembre

 

Pour la première fois, nous levons l’ancre sous un ciel couvert, avec un vent d’ouest engageant de 7-8 nœuds (pourvu que ça dure !).

 

 

 

 

 

 

Nous laissons la Croatie derrière nous pour plusieurs mois, notre maison, notre jardin qui sera sans doute envahi par les mauvaises herbes…

 

 

 

… les filles de Charles qui j’espère se consoleront de l’absence de leur papa et lui offriront en cadeau de bienvenue un miel onctueux…

 

 

  

 

 

 

 

 

 

...nos voisins et amis, de l’hôtel restaurant « VILA PUNTA » tellement accueillants et serviables

 

...notre restaurant préféré de Starigrad-Paklenica « BRAGOC » où l’on est toujours tellement bien accueillis et où l’on mange si bien…

...je n’oublie pas non plus notre petit « TOTA » où  je bois un bjela kava P.A.R.F.A.I.T. presque tous les matins...

 

Je sais que je retrouverai tout ça dans quelques mois avec un grand plaisir et la tête remplie de nouveaux souvenirs !

Nous prenons la direction de Vieste, en Italie, à environs 30 miles de Palagruza.

Dans la matinée, le vent forcit à 15-16 nœuds et nous rencontrons quelques gouttes de pluie. Heureusement, il ne fait pas froid et cela ne dure pas très longtemps.

Nous arrivons à destination plus tôt que prévu, en tout début d’après-midi, grâce à ce petit vent bien sympathique qui ne nous lâche pas, même à notre arrivée au port ! L’amarrage se passe super bien avec l’aide d’un charmant jeune homme qui me passe les pendilles et récupère les deux bouts que je lui envoie.

La première chose à faire en arrivant au port c’est lavage à grande eau de l’Alcazar ! Il en a bien besoin. A chaque fois c’est pareil. Les pendilles qui passent leur vie au fond du port sont super sales et en les passant de l’arrière à l’avant du bateau pendant l’amarrage elles font des ravages ! 

 

 

Mieux vaut nettoyer tout de suite sinon il faut frotter et frotter, ce qui n’est pas franchement drôle même pour Miss PPZ comme m’appelle gentiment Charles.

 

 

 

Vieste, située sur le promontoire de Gargano, dans la région des Pouilles est entourée de deux immenses plages de sable blanc.

 

 

 

 

 

Sa rue principale  aboutit à l’extrémité de l’éperon rocheux « San Francesco » de la botte italienne où a été bâtie au 15ème siècle l’église du même nom.

 

 

A l’entrée du port, sur l’îlot San Eufemia, se dresse le phare de Vieste, réalisé à la fin du 19ème siècle, d’une hauteur de 27 mètres et surmontant une maison de gardien de deux étages. Il fait le lien entre l’Adriatique Nord et l’Adriatique Sud. Une légende raconte qu’après le déluge, Noé se serait réfugié sur ce récif et aurait enterrée son épouse Vesta dont il aurait donné le nom à la ville.

 

 

Nous nous mettons en route pour découvrir Vieste qui  a un petit air grec avec ses maisons blanchies et ses ruelles escarpées. Nous grimpons au plus haut et trouvons le Castello Svevo, construit au Moyen Age par Frédéric II de Souabe, et devenu depuis zone militaire, inaccessible aux touristes.

 

 

Nous le contournons donc et avons une vue imprenable sur la « Spiaggia della Scialara », immense plage de sable doré, occupée par une multitude de chaises longues et de parasols colorés qui nous suggèrent le nombre de touristes en plein été. A éviter, en tout cas pour nous !

 

Au bout de la plage l’impressionnant pic rocheux de près de 25 mètres le « Pizzomunno » nous rappelle la fameuse légende. Pizzomunno, jeune pêcheur  était fou amoureux d’une jolie demoiselle de Vieste et rien ne pouvait les séparer. A chaque fois qu’il partait pêcher,  les sirènes tentaient de le séduire, lui promettant l’immortalité s’il acceptait de devenir leur amant. Mais en vain. Folles de rages les sirènes enlevèrent la Belle et la tinrent prisonnière au fond des eaux. Pizzomunno, fou de douleur se pétrifia et se transforma en ce rocher de calcaire… Belle histoire d’amour qui finit encore une fois bien mal !

 

 

Juste à côté du château, la cathédrale romane Santa Maria Assunta, dédiée à l’Assomption, domine, elle aussi la ville. Construite au 11ème siècle, son clocher fut reconstruit au 17ème.

 

 

La faim commence à nous tenailler et dans une petite rue fort sympathique nous trouvons un bistrot charmant. Nous boirons un vin rouge exceptionnel et dégusterons fromage et charcuterie du pays.

 

 

 

 

Le ventre plein, nous repartirons vers notre Alcazar que nous voyons de loin avec ses pare-battage habillés de housses jaunes, assorties au tau.

 

J’ai une petite pensée pour Maë, mon petit fils qui aime tellement s’en occuper de ces défenses ! Il   avait appris en deux temps trois mouvements  les nœuds utilisés pour les accrocher pendant notre petit voyage à Corfou l’année dernière. Bien plus rapide que moi ! Mais je dois te dire, mon petit Maïochon, que le nœud de chaise n’a plus de secret pour moi. J’arrive enfin à le faire comme tu le faisais, en un temps record et même dans l’urgence ! Bon, j’avoue que si Charles me stresse ça se complique !  Et tu connais le Capitaine avec ses petites réflexions, jamais méchantes mais…énervantes !

 

Vendredi 21 septembre

 


Petit café, le matin, sur le port avant de partir pour Manfredonia. Quel plaisir d’être ainsi servi avec un sourire « grand comme ça », soleil en prime. Quel bonheur de rencontrer des gens qui sont, comme nous, contents de ce jour qui se lève !

Ces petits moments privilégiés nous les chérissons, je veux dire je les chéris. (Je ne dois pas parler à la place de l’autre, n’est-ce pas ?) Je dirai même que je les collectionne, je les garde au fond de moi, comme autant de petits trésors… à ressortir en cas de blues !

Juste avant de remonter sur notre Alcazar, nous nous arrêtons devant un pêcheur qui revient de mer avec des seaux remplis de raies. Ni une, ni deux le Capitaine, toujours gourmand, se voit déjà dégustant l’une d’elle. Hop ! Dans notre panier, bon maintenant il faut trouver les câpres. Aussitôt dit, aussitôt fait !

 

Nous contournons Vieste et nous en avons une toute autre perspective. Nous voyons encore mieux le piton rocheux sur lequel  a été construite cette ancienne petite ville de pêcheurs si charmante

 

Pour arriver à Manfredonia, nous allons suivre un littoral fait de falaises calcaires abruptes, perforées par de nombreuses grottes.

 

 

Ce paysage me rappelle parfois celui de l’île de Corfou, première île ionienne grecque ...

 

 

 

 

que nous avons découverte l’été dernier avec Anne, avec qui j’aime passer du temps.

 

 

 

 

Je ferme les yeux et je me souviens de ce périple «découverte» de Corfou, Paxos et Antipaxos, du Montenégro, et du sud de la Croatie.  Que de souvenirs partagés ! Que de scrabble ! Que de discussions ! Comment oublier les moments moins drôles où j’étais heureuse qu’elle soit là avec son calme et son sourire ? Me revient un épisode…

 

…Nous arrivons sur Omis, ville située au pied du Biokovo, à l’embouchure de la rivière Cetina, qui fut jadis un repaire de pirates, les pirates les plus terribles de toute l’Adriatique. Cette ville au pied d’un véritable éperon rocheux est dominée par une citadelle construite pour défendre la ville contre les attaques des Ottomans. (Encore eux !) Plus haut encore la forteresse Mirabella qui, elle, servait aux pirates pour surveiller la baie et le canal de Brac.

Quelques charmantes petites rues malheureusement inondées de monde grimpent vers la citadelle. De nombreux centres touristiques offrent des stages de kayak et de rafting sur la rivière Cetina.

Le port se trouve au fond de l’estuaire, au bout du chenal. Pas de place pour de gros bateaux mais nous voyons que des voiliers ont choisi le milieu de l’embouchure pour jeter l’ancre. Nous allons donc suivre leur bonne idée. Le Capitaine choisit l’endroit qui lui semble le meilleur en sachant que la Bura (le fameux vent du nord)  devrait souffler cette nuit. Je m’occupe de l’ancre en suivant les « ordres ». Tout a l’air ok. On se rend compte que le courant de la rivière est très fort et qu’il tient le bateau en bonne place.

Vers minuit nous entendons la Bura souffler de plus en plus fort, Charles finit par se lever vers 2 heures du matin, inquiet car le bateau dérive. Moteurs en route, je saute du lit, met la lampe frontale et prends mon poste : il faut lever l’ancre et la rejeter plus en avant. Ok ; j’actionne le guindeau qui remonte l’ancre et stop je l’arrête au bon moment pour détacher la patte d’oie. Mais…Je n’arrive pas à la décrocher, le bateau bouge trop, ma frontale tient mal, et je ne vois pas bien. Je redescends l’ancre de quelques centimètres, mais… trop haut, je n’arrive plus à attraper le mousqueton de la patte d’oie. Merde. Je relève une nouvelle fois cette putain d’ancre, cette fois semble être enfin la bonne. Mais (il y a toujours un mais !) impossible d’ouvrir le mousqueton, Charles me crie dessus et me hurle de me dépêcher, c’est horrible, les larmes me brouillent la vue. Je réussis enfin à ouvrir ce satané mousqueton et maintenant j’ai la trouille de le lâcher avant de l’accrocher à sa place.  Bon ça y est ! La patte d’oie est détachée et l’ancre est sortie de l’eau. Les rafales sont énormes et secouent le bateau, j’ai du mal à tenir en équilibre et je n’entends pas ce que me commande Charles. Tension. Heureusement Anne est là et elle me répète ce que je ne saisis pas à cause du bruit du vent. Son sourire et sa voix me rassurent. Un peu.

Charles manœuvre vers l’avant en  repositionnant le bateau au centre du chenal. Vite de nouveau jeter l’ancre le plus vite possible avant que le bateau ne dérive à nouveau. Je crois que là, c’est bon. Petite marche arrière pour être sûr que l’ancre tient. Elle tient. A moi, à nouveau, d’accrocher la patte d’oie à la chaîne et de la redescendre un peu. C’est vraiment la galère cette patte d’oie mais elle est indispensable pour le maintien du bateau dans le bon sens.

Je suis épuisée. Je retourne en cabine avec Anne qui faisait le lien entre Charles et moi quand je ne comprenais pas ce qu’il me demandait. Charles reste sur le pont à surveiller. Je n’arrive pas à me rendormir. Le bruit du vent, l’ancre qui crisse, les safrans qui grincent… et le souvenir de ce que je viens de vivre. Finalement au petit matin je tombe et me relève à plus de huit heures. Grasse mat ?

On peut dire que cette nuit fut vraiment mouvementée.

Je sens Charles excédé contre moi. Et pourtant je fais ce que je peux… Il deviendra de plus en plus silencieux, me parlant le minimum. J’ai mal. Je maudis l’Alcazar, la Bura et la Cetina !

Heureusement aujourd’hui le sourire a remplacé les larmes.

 J’ouvre les yeux,  l’Alcazar longent doucement ces falaises qui ont détourné mon esprit.  Elles sont parfois entrecoupées de longues plages de sable blanc, presque toujours exploitées par de grands hôtels. Nous avons même vu, chose incroyable, un hôtel au sommet d’une falaise au milieu de pins, desservir la plage en contre bas par deux ascenseurs !

 

Autre curiosité que nous offre la nature : un rocher où l’on peut deviner un ourson de profil ! Je pense en souriant à mon PJ qui adore les ours…

A chacun de ses séjours  à Sibuljina, il attend avec impatience d’aller les voir au refuge de Kuterevo, petit village près d’Otocac  à une centaine de kilomètres de Zagreb. Un refuge, créé à l’initiative d’un habitant du village il y a quelques dizaines d'années qui accueille les oursons blessés ou orphelins incapables de se débrouiller seuls dans la nature et qui passeront là le reste de leur vie.  Il fonctionne grâce à de jeunes volontaires de tous pays qui viennent pour quelques semaines, voire quelques mois. L’objectif de ce refuge est d’offrir aux ours un cadre de vie le plus proche possible de leur milieu naturel.

 

Deux parcs sont à la disposition des ours : un pour les jeunes et un pour les adultes. L’été dernier, si je me souviens bien,  le refuge comptait trois jeunes oursons  de six à neuf ans et cinq adultes dont une femelle très âgée, presque aveugle, récupérée après la fermeture d’un cirque de Split où elle avait  été maltraitée. Ils sont nourris de fruits, de légumes et de graines. Pendant l’hiver, le refuge est fermé puisque les ours hibernent sur place dans leurs tanières. 

 

L’été, de nombreux touristes laissent les plages de Croatie pour faire un tour à Kuterevo. L’entrée est gratuite et l’on peut acheter du miel, produit sur place ou quelques petits souvenirs.  

 

 

 

 

Bon encore une fois je divague… la navigation tranquille me fait rêvasser, que voulez-vous ?

Les moteurs ronronnent, Eole fait un caprice et ne veut pas souffler, alors, moi je me laisse aller…

 

L’arrivée sur Manfredonia est étonnante : on contourne une gigantesque jetée où des grues de toutes tailles attendent de charger ou décharger navires et camions.

On ne peut pas dire que ce côté de Manfredonia soit particulièrement agréable. Bon, heureusement, il suffit de tourner la tête pour voir l’autre facette de cette ville nettement plus accueillante !

Joli petit port où un jeune italien nous fait

signe, tenant déjà dans la main la pendille qui va polluer le cata ! Je la prends avec la gaffe mais de peur qu’elle glisse je préfère la récupérer avec la main. Je file à l’avant du bateau et je tire, je tire pour attacher au taquet le bout qui se trouve au bout de la pendille. Comme j’ai du mal Charles vient s’en occuper. Je vois des gouttes de sang tout le long et je me rends compte que j’ai plusieurs coupures à la main. Je n’ai pas encore mal, toute occupée à récupérer la deuxième pendille. Une fois le bateau bien amarré à l’avant on peut s’occuper de l’arrière. Je lance les bouts que le jeune homme, toujours charmant attrape sans problème. Je dois dire que mon lancer était parfait, ce qui n’est pas toujours le cas ! Je me nettoie la main en me rendant compte que ce sont de petits coquillages accrochés à la pendille qui m’ont coupée. J’aurais dû mettre mes gants.

Sacs à dos et appareil photo pour aller flâner autour du château, juste en face du port. Personne ne sait exactement quand il a été construit. Ce que l’on sait c’est qu’il a été mentionné pour la première fois à la fin du XIIIèmesiècle mais il a pu existé depuis bien plus longtemps. Au fil des siècles le château a accueilli de nombreuses dynasties et il a servi de caserne et de prison au XVIIIème siècle. En 1960 la ville a décidé d’en faire un musée archéologique. 

La construction de la cathédrale de Manfredonia dédiée à San Lorenzo Maiorano, Saint Patron de la ville a débuté au XIIIème siècle. Détruite en grande partie par l’invasion des Turcs au début du XVIIème elle fut reconstruite seulement au XVIIIème.

 

 

 

En 1960 une nouvelle façade en marbre est édifiée, incluant une statue du Pape Jean XXIII qui avait béni la statue de la Vierge Marie avant d’être élu.

L’entrée de la cathédrale a été déplacée mais le campanile, lui est resté à sa place !

 

Près de l’église Santa Maria del Carmine, nous avons découvert une jolie statue en bronze du sculpteur Troiano représentant deux fidèles devant un frère qui les bénit. Statue dédiée à San Pio, une des figures chrétiennes les plus lumineuses et présentes du XXème siècle.  Nous avons pu voir accrochée au mur de la capitainerie, de la police et même de plusieurs magasins une image de ce frère capucin béatifié en 1999.

Nous ne pouvons pas finir la journée sans un Prosecco « frizzante » ! A chacun de nos voyages en voiture pour aller à Sibuljina, nous ne passons pas loin de la ville de Prosecco, près de Trieste et chaque fois je pense « A quand un petit Prosecco bien frais ? » Eh ! bien ! C’est pour aujourd’hui ! En plus on ne se ruine pas : 1 € le verre ! (oui, Madame !)

Cela ne nous fait pas perdre le nord puisque nous repérons l’adresse de la police pour aller faire nos papiers d’entrée. On verra ça demain matin car il nous faudra marcher près de cinq kilomètres !

Samedi 22 septembre

En forme après un petit café-croissant pour les cinq kilomètres ! Petit exercice pas déplaisant quand on vit sur un bateau. On piétine beaucoup, alors quand il s’agit de marcher on est « au taquet » comme dirait Marion. Tout se passe bien, juste un peu long avec la nette impression qu’ils ne font pas ça souvent donc ils pinaillent.

Retour sur notre Alcazar et direction Barletta à une vingtaine de miles. Petit vent sympa, Charles installe la canne « à rien », persuadé comme chaque jour que c’est le bon jour. Il a troqué le rapala gris argenté contre une imitation de petit calamar avec des tentacules qui bougent dans tous les sens ! Bon, peut-être que ça va le faire !

Nous croisons notre premier groupe de dauphins, ils nagent dans notre sillage et je les trouve beaucoup plus gros que ceux que nous voyons en Croatie. Ils repartent vite, moins joueurs aussi !

Tout est calme et nous avons bien le temps de prendre le temps ! Charles examine, surveille et vérifie le moindre cordage, mousqueton et instrument de navigation, il contrôle aussi où en est la tempête prévue pour la semaine prochaine. Celle-là on va l’éviter !

De mon côté après avoir rangé le bateau comme tous les matins (c’est important de tenir propre et rangé cet espace réduit. Il est toujours beaucoup plus facile de trouver ce qu’on cherche quand tout est à sa place. Evidemment je laisse glisser les réflexions de mon bien aimé ! Je suis toujours surprise de voir sur les vidéos le désordre des bateaux à l’intérieur comme à l’extérieur. Comment les gens font-ils pour vivre dans ce B… ? )

Je m’installe dans le carré et ouvre mon livre Assimil croate et mon cahier. Je me plonge près de deux heures dans cette « méthode intuitive » comme ils disent ! Je devrais quand même faire des progrès, non ? J’aimerais en rentrant pouvoir communiquer pleinement avec les personnes que je rencontre. J’imagine la tête d’Angelina quand je parlerai avec elle ! N’en perdra-t-elle pas son dentier ? (ceux qui la connaissent comprendront).

Après l’intellect, le physique : Charles fait quelques abdos et moi quelques mouvements de gym pour les jambes !

Finalement le temps passe vite, quand le vent souffle hisser les voiles, dérouler le gênois, quand il s’arrête faire le travail à l’envers : affaler et dérouler !

Préparer le repas, déjeuner… lire, écrire…

Charles remonte sa canne pour ne pas risquer d’emmêler le fil et … « J’ai quelque chose, je sens … » « oh ! Tu as dû attraper quelques algues, le moulinet n’a même pas grincé ! » Il enroule, enroule et voit briller quelque chose au bout. Mais ooouuuiiii ! Un poisson (petit) gesticule encore. Enfin, il le sort : c’est un petit thon ! D’accord pas gros, mais quand même ! Je vais chercher la vodka pour l’endormir à tout jamais.

 

 

La canne à rien change de statut et devient la canne à pêche 

 

 

 

 

Barletta se rapproche,  face à nous une nouvelle jolie petite ville, malheureusement si on tourne la tête vers l’entrée du port un peu moins charmant : bon, il faut bien que les industries vivent !

 

 

Nous voyons dans la baie à côté du port, une bouée qui semble faite pour nous ! Elle est toute seule et nous allons en profiter. Pas de souci j’arrive à l’attraper avec la gaffe et à passer mon bout dedans. Tout va bien, l’Alcazar est bien amarré.

Nous irons boire un café demain matin et faire un petit tour dans la ville. Nous pensons passer deux nuits ici pour repartir lundi matin sur Trani avant que la tempête ne se lève. Le vent devrait commencer à souffler très fort lundi en fin d’après-midi pour forcir jusqu’à mercredi soir.

 

Dimanche 23 septembre

C’est encore l’été, une belle journée s’annonce, très chaude. Tant mieux. Je redoute un peu le froid sur le bateau. Je me souviens comme nous avions eu froid en ramenant l’Alcazar de Saint-Mandrier à Sibuljina. Pourtant nous étions en avril. On avait dû se mettre en short une seule fois et encore pas plus de deux heures, c’était aux abords de Capri ! Ma précision n’a aucun mérite, le froid garde les neurones en bonne forme.

Le petit café au port est agréable, au soleil et les italiens présents vraiment sympas. Ils nous préviennent que le vent va souffler fort  demain en fin d’après-midi et qu’il faudra que nous nous amarrions de l’autre côté de la baie, plus protégée. « Pas de souci, nous partons sur Trani de bonne heure ».

 

 

Barletta est une petite ville qui semble calme. Bon, il faut dire que nous sommes dimanche, ce qui explique peut-être cela !

 

 

 

 

Nous partons nous balader et passons devant le château forteresse, symbole de cette petite ville fondée au XIème siècle. C’est d’ici que Frédérik II de Souabe (Saviez-vous que la Souabe était une région d’Allemagne ? moi, je ne le savais pas. Frédérick II était moitié allemand et moitié normand) aurait lancé la sixième croisade au début du XIIIème siècle. Même architecture que celui de Manfredonia, entouré de nombreux jardins, il tient une place importante dans la vie de chaque citoyen. Aujourd’hui, il abrite le musée municipal et sa galerie d’art et la bibliothèque.

 

Nous déambulons dans des rues étroites où nous aurons la chance de découvrir de nombreux cafés, tous plus charmants les uns que les autres.

 

 

 

 

Petit arrêt d’ailleurs dans l’un d’eux pour déguster des pâtisseries locales. Pourquoi la gourmandise serait-elle un vilain défaut ? C’est tellement bon, pour moi,  de croquer dans ce biscuit divin et de sentir le chocolat se mélanger délicatement à la finesse du sablé !

 

 Charles choisira quelque chose de plus mou, le pasticciotto leccese, biscuit à base de pâte brisée et de crème pâtissière légère comme un nuage. La journée a bien démarré ! Il digèrera peut-être mieux les églises que nous allons croiser !

 

La cathédrale Santa Maria Maggiore, construite entre 1147 et 1153, période de domination des Normands, nous offre un côté « roman » et un autre « gothique ». Elle est un témoignage précieux du temps des croisades.

 

 

La Basilique du Saint Sépulcre bâtie sur les ruines d’une église médiévale  conserve un lien étroit avec la Terre Sainte et le tombeau de Jésus-Christ. Elle était un lieu de passage pour tous les pèlerins en route pour Jérusalem.

 

 

 

Devant son entrée, la présence insolite du « Colosse de Barletta » une statue de bronze d’un empereur romain, dont on ne connait pas avec certitude l’identité.   Cette statue aurait été prélevée par les Vénitiens à Constantinople et transportée dans leur navire qui aurait fait naufrage aux environs de Barletta.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour rejoindre le port, nous passons par l’une des portes de la ville, et tombons sur la plage principale de Barletta.

 

 

 

 

 

 

 

 

Dès notre retour sur le bateau, Charles revêt le costume « bricoleur » une nouvelle fois. Je m’installe au soleil avec mon bouquin et sans m’en rendre compte je m’endors tranquillement. Je devais être bien fatiguée car je me réveille plus d’une heure après, toujours la même position, lunettes sur le nez et livre sur mon ventre ! Rien n’a bougé ! Seules les aiguilles de l’horloge ont continué de trotter. Comme j’aimerais que le temps" Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours ! »

Je sens le vent se lever, avec des rafales de plus en plus fortes. Je surveille le bateau qui m’a l’air de bouger. Doucement. Mais au fur et à mesure du temps qui passe,  je vois la digue se rapprocher. Et de plus en plus vite. J’appelle Charles et en cinq minutes, branle-bas de combat !  Les nombreux pêcheurs du dimanche sur la digue nous font de grands signes pour nous faire comprendre de venir de l’autre côté de la digue. L’amarrage ne va pas être facile. Bon, encore une fois le vent est en avance ! Et il souffle vraiment fort, on atteint presque les 20 nœuds !

On comprend, à la vitesse de notre dérive, que le corps mort de la bouée ne touche plus le fond. Trop léger pour le catamaran, il a fini par s’arracher du fond, donc ne retient plus rien. Vite se détacher de cette bouée maudite, mettre tous les pare-battages du bon côté, sortir les bouts, la gaffe au cas où et écouter les ordres.

On se retrouve de l’autre côté de cette digue et tous les spectateurs d’un seul coup  changent de bord !

Bon, ça ne va pas être simple car le vent nous éloigne du quai. Charles doit être précis dans ses manœuvres et avec les Italiens qui hurlent, qui même se disputent entre eux pour savoir ce qu’il vaut mieux faire avec nos amarres, je perds légèrement pieds. Qui écouter ? Bon je lance un des bouts, un petit vieux, tout à fait charmant, mais quelque peu maigrichon le récupère mais a un mal fou à le passer autour de la bite d’amarrage. L’autre bout est récupéré par un plus jeune qui me le relance à toute vitesse et je l’accroche au taquet. Ouf ! Un côté attaché ! Revenons à mon petit vieux aidé par au moins trois congénères dont un petit bout de femme, très serviables. Enfin je récupère le bout ! Maintenant il suffit de peaufiner. Donner du mou à droite, tendre à gauche… re-du mou etc... La routine !

Le vent baisse d’intensité en même temps que le soleil se couche.  

Les pêcheurs restent là à nous regarder un bon moment avant de reprendre leurs activités.

Par contre, niveau intimité ce n’est  pas terrible ! C’est comme s’ils étaient avec nous dans le carré !   

 

Lundi 24 septembre

 

Debout à 5h30, même si nous ne sommes pas pressés. Nous avons envie de prendre un petit déj tranquille, sans spectateur. Les derniers pêcheurs sont partis vers deux heures du matin (j’espère qu’ils ont du poisson pour la semaine !) mais je sens que les premiers ne vont pas tarder ! En effet, à peine le jour levé, le défilé commence…

On passe un peu de temps sur « windfinder » pour être sûr du vent prévu. Il devrait se mettre à souffler très fort en milieu d’après-midi, donc nous devons être absolument à Trani avant. Ce n’est qu’à sept miles, ça devrait le faire !

Nous nous préparons et larguons les amarres. Un dernier regard vers Barletta et ces personnages si sympathiques et nous voilà de nouveau en mer. Petit vent qui ne fera pas de mal à nos voiles ! Le fond n’est pas à plus de 10 mètres ce qui n’est vraiment pas beaucoup compte tenu de la distance des côtes. Nous croisons de nombreux bateaux de pêche. Que prennent-ils ? Des raies certainement et peut-être des thons en chasse ? Le Capitaine prépare vite sa canne à pêche pensant sans doute que c’est le bon moment. Si pêcheurs il y a, poissons il y a … Ah ! Ah !!! Me dis-je.

 

Depuis notre départ, j’essaie d’être assidue à mes cours de croate. Je préfère m’y mettre les matins : mon cerveau est reposé et clair, prêt à assimiler plus facilement les pièges de cette langue slave si difficile pour moi. Je me surprends à apprendre à Charles quelques trucs sur sa langue qu’il a apprise comme ça, sans jamais aller à l’école. La grammaire, les déclinaisons et tutti quanti, il se marre. Et pourtant il s’appelle (pour ceux qui ne le savent pas encore) DRAGUTIN ! D’ailleurs pourquoi Dragutin ? Ses parents lui avaient choisi Dragec ou Drago. Au moment de la déclaration en 1953, en plein régime communiste, le fonctionnaire responsable des naissances a décidé que ce nouveau yougoslave s’appellerait « Dragutin » ! Un point c’est tout ! Il faut savoir que les postes à responsabilité dans l’administration et l’armée étaient tenus par des Serbes, sans doute plus disciplinés, plus organisés et avec un niveau d’éducation plus élevé. Donc mon amoureux se coltine un prénom que même ses parents n’ont pas choisi ! Petite anecdote les Croates, aujourd’hui, préfère de loin l’appeler Drago, prénom typiquement croate. Ça veut dire beaucoup de choses sur les relations profondes entre les Serbes et les Croates. Même si…

 

On a bien fait de partir tôt, il est midi et le vent se met à souffler à 20 nœuds. Obligation d’affaler la GV. On se met bien face au vent et là, « vas-y petit, moule, moule, vite, vite ! »  

Je laisse tomber la GV à toute vitesse, sans faire attention à la façon dont elle se range dans le lazy bag. Mais comme il est assez large, tout va bien. Charles est à un bout, moi à l’autre ! Niveau chronomètre on est au top : 3 minutes ! Le Capitaine est content de son mousse. Ouf !

Heureusement nous ne sommes plus qu’à quelques miles de Trani. Vraiment Eole tu déconnes ! (Tu vois Maë ce n’est pas Babylone, c’est Eole qui déconne !)

 

 On rentre dans le port de Trani, bien ballottés, j’essaie de voir qui va nous faire signe. Mais personne, je ne vois personne. Mince, où sont-ils les mecs du port ? Il a l’air bien plein. Non, pas ça, surtout pas ça. Ne nous refoulez pas, j’ai pas envie d’aller dans la tempête !

On fait le tour du port et en refaisant marche arrière enfin deux italiens nous font signe. Dernière place ! Entre un magnifique voilier (qui était là il y a deux ans) de plus de 30 mètres et un yacht de 25 mètres. L’amarrage se fait lentement et consciencieusement car la tempête est bien pour ce soir et ce jusqu’à mercredi soir. Les responsables ajoutent des bouts supplémentaires pour que l’Alcazar bouge le moins possible. On est vraiment sécurisés. On a eu de la chance d’arriver tôt.

On se prépare à passer dans ce petit port plusieurs jours, ce qui ne nous déplait pas car nous l’avions beaucoup aimé à notre première visite.

Je me souviens de notre périple en avril 2016 quand nous amenions l’Alcazar en Croatie. Première navigation, premiers émois, premières angoisses… Quand je repense à ces moments entre Bari et Trani j’en ai encore des sueurs froides !

 

…On longe Bari pendant des heures. Vent à 40 nœuds. Du jamais vu pour nous ! Ça dépote sacrément, mer démontée, on « enfourne »  et …je pète de trouille ! Nous sommes obligés de descendre la grand-voile et de rouler de moitié le génois. C’est toujours très sportif de le faire dans ces circonstances. Je me tiens comme je peux à la bôme qui bouge et on est balloté de gauche à droite, d’avant en arrière. Bref, le cauchemar. Je retourne dans le carré essuyer quelques larmes. A chaque fois que je vois l’avant de l’Alcazar enfourner, je pense qu’il ne remontera jamais et que nous allons périr, comme ça, au large de Bari, bouffés par les poissons.  Bon, il remonte ! Mais il n’avance guère, pourtant les moteurs tournent et les voiles sont affalées depuis longtemps. Mais le vent souffle trop fort. Rien ne va !

Cette mini tempête va durer plus de deux heures. Comme c’est long ! Le temps se calme un peu pendant quelques heures pour mieux recommencer à la nuit tombante. Et la nuit c’est encore plus horrible ! On saute et on dévale les énormes vagues. Je me cogne partout, j’en ai marre mais marre. La météo ne s’est pas trompée et le mauvais temps va durer toute la nuit voire plus. Le capitaine décide de changer de cap. Je suis toujours réfugiée dans le carré et je pleure bêtement. Je voudrais être arrivée… Pour l’instant nous essuyons un « coup de vent » force 8 selon l’échelle de Beaufort ! Je comprends ma détresse ! C’est du 70 kms/h !

Il regarde son GPS et essaie de trouver un port où l’on pourrait se réfugier pour la nuit. Ça sera Trani. Nous y arrivons à 2 heures du matin, moi, dans un état de fatigue et de stress épouvantables, Charles, les traits tirés, lui aussi fatigué.

Nous nous amarrons sans problème, le port étant bien protégé,  avec l’aide de deux gardiens très sympas. Ils nous préviennent que nous ne pourrons pas partir demain : la météo ne s’arrange pas. Bien au contraire !

Ni une ni deux, branchement de l’électricité, histoire de pouvoir allumer notre chauffage pour réchauffer notre cabine et cap sur notre couette, ça change du carré et des duvets !

 

Décidément Trani est notre port Sauveur !

 

25-26 et 27 septembre à Trani

Première nuit à Trani vraiment pas terrible. Même dans le port la mer est déchaînée, même bien amarré l’Alcazar nous malmène, il est presque impossible de se tenir debout sans se cogner quelque part. Merci « Fountaine-Pajot » d’avoir pensé un bateau aux contours arrondis ! Et le bruit ! Les grincements, les couinements, les crissements, le claquement des vagues sur les coques. C’est évident, on ne peut pas BIEN dormir. Charles a démonté les pales de son éolienne et c’est heureux car elle faisait un bruit d’enfer. Vu le vent qui soufflait, elle tournait à fond les ballons. Bon, d’accord, elle fait peine maintenant, mais nos oreilles la vénèrent !

Donc, ce matin, j’évite le miroir. Pas la peine, après une mauvaise nuit, de prendre en plus un coup au moral. Heureusement, malgré le vent qui souffle à près de 40 nœuds le ciel est clair. Le jour se lève doucement et l’envie d’un petit café nous jette sur le quai.   

Nous regardons les bateaux de pêche bien rangés les uns contre les autres qui ne pourront pas sortir ces prochains jours à cause de la tempête.  Pas de poisson à vendre sur le quai, devant leurs barques, sans doute un sérieux manque à gagner. Comment font-ils ? Reçoivent-ils des subventions de l’Etat comme les agriculteurs, les arboriculteurs ou les vignerons en cas d’intempéries ? J’en doute. En attendant, ils réparent leurs filets.

 

Alors je pense (ah ! la magie du cheminement de pensées qui se suivent à vitesse grand V et qui nous viennent comme par enchantement) aux amandes que nous n’avons pas eues cette année à cause du gel, aux abricots que Lucija, la maman de Charles n’a pas récoltés au mois de juin encore une fois à cause du gel, cette fois-ci tardif, et puis (allez savoir pourquoi ?) je pense aux cerisiers et leurs splendides fleurs blanches et cotonneuses que j’ai vus au printemps dernier dans l’Aveyron, au bord du Tarn …

 

 

 

 

 

 

 

 

…Et de là, j’imagine mon père dans sa petite maison de Peyreleau, village occitan à une vingtaine de kilomètres de Millau

..à lire le journal ou écouter les yeux fermés « Cosi fan Tutte »

 

 

 

 

 

 

...ou simplement profiter de son olivier.

 

 

 

 

 

 

 

 

… Et je pense à ce qu’est mon Père, à ce qu’il représente pour moi…

Le cheminement de l’esprit est bien curieux n’est-ce pas ? Une pointe de nostalgie vient se nicher doucement sans que je m’y attende au creux de mes pensées…

 

La beauté de Trani se réveille d’une nuit agitée et me renvoie une douce lumière  sur ses murs rosés avec les premiers rayons de soleil. Je me recentre.

J’aime le matin.

J’aime ma main dans celle de celui qui m’accompagne.

J’aime nos pas sur ces dalles épaisses qui nous mènent vers des endroits tranquilles.

Et soudainement, au fond d’une ruelle, toute petite, coincée entre deux maisons « l’Eglise du Miracle Eucharistique ». Je me suis penchée sur ce Miracle Eucharistique. En voici l’histoire telle que Madame Google la raconte :

« À Trani, en l’an 1000, il y avait une chrétienne, ou une soi-disant chrétienne, qui ne croyait pas à la présence réelle de Jésus dans l'hostie et le vin consacrés. Aussi, pour le prouver, décida-t-elle, avec une de ses amies, de voler une hostie consacrée. Elle communia et retira l'hostie de sa bouche pour la mettre dans un mouchoir. Dès qu'elle fut rentrée chez elle, la femme retira l'hostie consacrée de son mouchoir et la mit dans une poêle contenant de l'huile bouillante, afin de la faire frire. Immédiatement, dès qu'elle eut touché l'huile bouillante, l'hostie devint de la chair sanglante et une grande quantité de sang en jaillit, aspergeant toute la maison, et se répandant jusqu'au sol. 

Terrorisée, la femme se mit à crier et des voisins accoururent pour voir ce qui se passait et quelle était la raison de ces cris. L'Archevêque du lieu, immédiatement informé, ordonna que l'hostie soit respectueusement ramenée dans l'église. Plus tard, en 1670, l'Abbé cistercien Ferdinando Ughelli, écrivit une note dans l'encyclopédie qu'il rédigeait: "À Trani on vénère une Hostie sacrée, frite par mépris de notre foi... dans laquelle, après avoir dévoilé le pain azyme, apparut la vraie Chair et le vrai Sang du Christ qui tomba par terre."  

Et dans cette petite église est  conservé un cercueil d’argent dans lequel se trouvent les restes de cette hostie frite.

Vous imaginez la tête de Charles à la lecture de ce miracle.

 

En revenant sur le port nous découvrons face à la mer, l’église de tous les Saints, fondée au XIIème siècle et liée à l’Ordre des Templiers. Sans doute était-elle un lieu de bénédiction pour les croisés partant pour la Terre Sainte.

 

Nous faisons un détour pour revoir la prestigieuse cathédrale de Trani,  bâtie juste au bord de la mer que nous voyons de si loin quand nous naviguons. Ses pierres de calcaire extraites des  carrières de Trani lui donnent une jolie teinte rosée.Bon sur le bateau c’est toujours la valse : ça gite, ça tangue mais au moins on est attaché !

 

Le vent souffle toujours et je suis bien heureuse d’être sur la terre ferme ! Ces quelques jours vont nous faire du bien.

 

 

 

 

 

 

Charles prend du temps pour bricoler (toujours un truc à réparer, régler ou améliorer !)

Moi   je m’occupe des menues tâches comme à la maison,  je lis, j’écris ...

 

Nous retournons dans le fameux petit restaurant dont nous avons oublié le nom à deux pas du port, dans une petite ruelle mais que nous retrouvons avec grand plaisir. Si un jour vous passez par Trani ne le loupez pas. Je note le nom pour ne plus l’oublier ! « Caramel Bistrot » vous recevra toujours bien, avec une bonne musique de jazz en plus !

 

Faire confiance à « Maurizio », charmant qui aujourd’hui ne porte plus de chapeau mais garde toujours une écharpe, manger ce qu’il vous propose, pas besoin de regarder le menu. Ses pâtes sont succulentes (le mot n’est pas trop fort) et le vin divin !

Pour bien digérer, une balade est de rigueur et nous flânons de nouveau. Nos jambes tiennent encore debout, même après deux verres de « Primitivo », un sacré vin rouge !

Un petit passage devant le château bâti par Frédérik II de Souabe (encore lui) au XIIIème siècle, sur la partie rocheuse du bord de mer. Il a subi de nombreuses transformations au cours des siècles et a été totalement rénové. Toujours les mêmes pierres de Trani, rosées presque blanches.

 

 

Ces quelques jours à Trani nous ont également permis de faire le plein en fruits, légumes et fromages dans un petit marché bien sympathique.

 

 

 

 

Nous y trouvons encore des petits papis qui vendent leurs mini productions sur le trottoir.

 

Un dernier contrôle météo ce soir devrait nous décider à partir pour le sud, sans doute Mola di Bari, un port au sud de Bari. Nous prenons une dernière fois les chemins de traverse.

 

L’église SanGiacomo qui s’appelait bien avant « basilique de Santa Maria de Russis »

 

 

 

Un grand parc à la lisière de la vieille ville de Trani, surplombant la mer, apporte un peu de fraîcheur et de tranquillité. Un petit café au milieu de cette belle végétation et un kiosque où jouent sans doute en pleine saison les musiciens de passage.

On y trouve des statues ...

 

 

 

 

des perruches sauvages cachées dans les palmiers !

Et aussi une bibliothèque insolite !

 

 

 

 

 

 

 

 

Et pour finir en beauté j’ai enfin trouvé une glace au café ! Un délice !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour Charles, spécialement, cette dernière église dont j’ai oublié le nom…

 

 

 

 

 

Voilà, c’est décidé, nous quittons Trani demain matin, la tempête est terminée. J’imagine que la mer sera encore bien agitée après ces jours de gros vent mais il faut bien continuer notre merveilleux voyage…

Pour notre dernière soirée, nous assistons à un magnifique feu d’artifice, au-dessus de la mer. Et nous avons la chance d’être aux premières loges.

Dernière fête religieuse de Trani, en l’honneur des Saints Côme et Damien : célébrations eucharistiques, longue procession de la ville et enfin pour clôturer cette belle journée un feu d’artifice.

Qui étaient Côme et Damien pour être fêtés ainsi ? Deux frères jumeaux qui pratiquaient la médecine bénévolement et qui, en 303 sous Dioclétien, empereur romain, furent torturés mais restèrent fidèles à leur Foi. Côme est le Saint Patron des Médecins,  Damien, celui des Pharmaciens.

 

On se couche et le bonheur est là. Le vent est tombé, l’Alcazar ne bouge presque plus !

Vendredi 28 septembre

 

Nous quittons Trani vers 10 h, après un dernier petit café. La mer à la sortie du port est pas mal agitée et sa couleur n’est pas très  agréable. Elle a tellement été brassée ces derniers jours !

Très peu de vent et un soleil radieux.

 

 

Plus on avance et plus la mer présente une forte houle, c’est vraiment le grand huit ! Très désagréable et, là, impossible pour moi de faire quoi que ce soit. Je sens le mal de mer me gagner et je m’installe à la barre à côté du Capitaine. (Avez-vous remarqué son tee-shirt ?)  

Notre premier requin au large de Bari. Je l’ai apreçu à son aileron bien différent de celui des dauphins et à sa façon de se déplacer. Il était un peu loin et nous avons fait demi tour pour mieux le voir. Mais le temps d’enrouler le génois, il avait disparu. Ça fait quand même bizarre. Charles venait de vider du poisson que l’on avait acheté sur le port et il me disait que l’eau était vraiment chaude. Il avait presqu’envie de se baigner. Ça m’a fichu des frissons quand quelques minutes après j’ai aperçu ce requin, certainement attiré par le sang et les entrailles des poissons.

Le vent se lève et la mer devient très agitée.

Nous arrivons à Mola di Bari en fin d’après-midi avec soulagement. Je commençais à en avoir marre d’être de plus en plus ballottée ! Personne dans le port pour nous aider. On  trouve une place qui semble nous convenir et on commence l’amarrage. A deux ce n’est pas facile car je ne peux pas être partout à la fois et Charles est aux manettes ! On y arrive presque quand un excité arrive en nous hurlant dessus qu’il faut téléphoner, que ce n’est pas de cette manière qu’on arrive etc...

… Bref il passe un coup de fil pour finalement  nous dire « Ne restez pas là, un voilier doit arriver et pas une place de libre !» Mince alors ! Pas de chance. On va aller où ? On ne peut quand même pas reprendre la mer par ce temps-là ? Je suis limite impatiente.

Marche arrière, le Capitaine réfléchit. En repartant, un pêcheur sur son gros bateau amarré au quai nous fait signe et nous crie en français « vient-là ». Etonnant qu’il nous parle français. Bien évidemment on se rapproche et il nous dit de nous coller à lui pour la nuit, qu’il n’y a aucun problème. Je lui aurai fait la bise, là, tout de suite à ce brave Monsieur.

 

 

En plus, pas de souci, il nous aide et l’amarrage se passe super bien. Tous les pare-battages du bon côté, deux bouts et hop la manœuvre est faite.

 

 

 

 

 

 

C’est bien la première fois que nous testons ce genre d’accostage « en double fil » !

 

 

 

 

 

 

Nuit tranquille et une nouvelle fois un ciel magnifique !

 

 

 

Dimanche 30 septembre

 

Nous sommes à Vilanova Ostuni, petit port entre Mola di Bari et Brindisi. Encore une fois nous sommes coincés par le vent qui souffle très fort. Le vent c’est soit pas assez, soit trop !

On est parti de Mola di Bari hier matin après que Charles ait réparé un coulisseau de la GV. Il fallait le faire pour qu’on puisse la hisser et l’affaler sans problème. J’espère qu’il ne se coincera plus ! Et puis on a offert aux pêcheurs une bouteille de vin rouge croate.

Le vent Ouest Nord-Ouest souffle à 10 nœuds et la mer est bien agitée. Par moment le cata est en l’air au sommet d’une grosse vague et on a l’impression de surfer. C’est assez surprenant. Je n’ai pas peur même quand le vent forcit à 18 nœuds (bon c’est limite, il ne faudrait pas que ça empire !) C’est la première fois depuis notre départ que nous naviguons à 10 nœuds, GV et génois hissés.

 

Ça dépote comme dit le Capitaine !

Plus nous nous approchons d’Ostuni, plus ça souffle. Un énorme vague a rempli l’annexe d’eau et Charles doit enlever le bouchon pour que l’eau se vide. Je prends la barre. Mais c’est excessivement difficile de barrer par un temps pareil. Le bateau très vite décroche de sa route et j’ai un mal fou à le remettre sur la bonne voie. Heureusement le Capitaine revient vite et le mousse est soulagé !

Normalement le GPS nous dit qu’on devrait arriver vers midi et je regarde les aiguilles de l’horloge toutes les dix secondes avec cette mauvaise impression qu’elles n’avancent pas ! Il me semble qu’elles sont coincées sur le 11.

 

Nous passons au loin de petites villes mais ça bouge tellement qu’il impossible de prendre de jolies photos et j’avoue que je n’ai pas la tête à ça !

Vient le moment fabuleux que j’adore et que je n’appréhende PAS DU TOUT : l’affalement de la GV quand le vent souffle à 18-20 nœuds et que la mer est hyper agitée. C’est un grand moment.

Le Capitaine me regarde confiant « Allez, on y va ! Tu affales, d’un coup, tu moules, tu moules !» Bon j’y vais en faisant hyper gaffe car ça bouge drôlement. Je m’accroche à tout ce que je peux. Je vérifie vite qu’aucun nœud ne viendra contrarier mon « affalement ». Pendant ce temps Charles fait son possible pour mettre le bateau face au vent. Ok, ça y est,  il met le pilote automatique et me rejoint. Le problème quand on est face au vent c’est qu’on a aussi les vagues de face. Et là comme elles sont énormes, on plonge à chaque fois  dans le creux de la vague. Bon j’affale et je moule, la voile descend vite très vite mais s’arrête au milieu. Mince le bateau a viré et n’est plus face au vent. La voile est donc trop gonflée pour descendre. Vite retour au poste de pilotage et Charles réitère la manœuvre. Je sens tout de suite que l’Alcazar est face au vent, je termine d’affaler la voile. Elle déborde du lazy bag mais aucun problème.

Ouf ! Finalement tout s’est plutôt bien passé. Pas d’affolement. Le mousse a fait des progrès !

Je suis quand même vidée car c’est beaucoup d’efforts tout ça !

Juste avant de nous remettre dans la bonne direction, une dernière vague plus haute que les autres vient inonder le pont et… là je me rappelle, grosse bécasse, que j’avais laissé le hublot de notre cabine entr’ouvert. Vite je descends constater les dégâts ! Une flaque d’eau énorme sur notre couette, je l’enlève à toute vitesse mais déjà je vois que le matelas est trempé. Merde! La couette que je mets dehors dégouline partout laissant des traces d’eau de mer. Je suis contente. Je pense au boulot que je vais avoir à l’arrivée au port !

Ah ! Cette arrivée ! Epique ! Le vent ne se calme pas et le port n’est pas si bien protégé que ça. Mais bon, il y a de la place et le gardien, Italien typique, propre sur lui, lunettes de soleil, tee-shirt rouge assorti aux baskets et  bermuda à revers vient vers nous nonchalamment. Je ne me moque pas mais quand je le vois arriver, je crains le pire.

La pendille qu’il me passe est trop courte et je n’arrive pas à la tirer, en même temps une forte rafale pousse l’Alcazar et Charles me hurle de faire attention à l’avant du bateau qui va cogner le bateau à moteur amarré juste à côté. Je lâche la pendille et me précipite sur les pare-battages que je dois tenir très haut pour que la pointe du bateau à moteur ne touche pas le nôtre. Je pousse comme je peux avec les pieds, sans lâcher les petits bouts des défenses qui me blessent les doigts. Je vois Charles qui se démène avec la pendille. Tout à coup le moteur cale, l’hélice prise sans doute dans un bout qui traine. Bon ça ressemble à un cauchemar. Plus de moteur !  Pour la manœuvre ça va être vraiment très compliqué. Je vois que le Bel Italien, va chercher son bateau, sans se presser, pour récupérer la pendille utilisée par le bateau d’à côté. Heureusement, je sens enfin que le bateau à moteur prend un peu de distance. Charles doit réussir à tirer  sa pendille. Je n’ai plus de force dans les mains mais j’arrive à attraper la fichue pendille que le mec me tend. Je lâche mes pare-battages, les doigts violets et j’accroche la pendille au taquet. En même temps je sens que le cata est définitivement loin de l’autre bateau.

Je suis vidée ! Mais ce n’est pas fini.  Une fois bien amarré me voilà sortant les draps, la couette et même le matelas !

Il faut bien faire sécher tout ça… Pour une fois je remercie Eole de souffler si fort. Il suffira d’une heure ou deux pour que tout soit bien sec, même le matelas.

Heureusement car voir l’Alcazar avec ce linge qui pend et tout le bordel me déprime.

 

 

Charles a fignolé nos amarres et a plongé avec sa combi pour voir son problème d’hélice. En effet c’était bien un bout qui trainait.  Profitant d’être dans l’eau, il se charge de défaire les nombreux nœuds du bout d’amarrage de l’avant qui risque à tout moment de se défaire et de nous mettre en difficulté. Il remonte vite et passe un bon moment sous la douche.

Ah ! Les joies du bateau !

Charles part se reposer, et je reste tranquille  à regarder les bateaux jouer à la danse de Saint Guy. Somnolence. Souvenirs…

Juin 1976. Un autre port, il y a plus de quarante ans, celui de Saint-Raphaël. Je ne sais plus pourquoi nous étions sur un bateau, il me semble que c’était un bateau à moteur sans doute prêté par des amis de Patrick, le papa de Virginie.  Notre petite fille avait 13 mois, je la revois avec son petit air espiègle se penchant sur la balustrade, perdre l’équilibre et tomber dans l’eau. Et nous, parents, prêts à récupérer notre petit bout mais sans affolement (privilège de l’âge, je n’ai que vingt ans et sans doute de l’inconscience à revendre) nous attendons quelques secondes avant de plonger pour voir comment se débrouille notre bébé nageur. Eh ! bien ! Tout à fait bien ! Ma petite Vyn remonte à la surface, les yeux grand ouverts, remuant jambes et bras, tel un petit chien. Nous sautons dans l’annexe tendons les bras et la récupérons. Sans cri, sans larme. Comment aurions-nous réagi avec quelques années de plus ? Comment aurait-elle réagi, elle, si nous avions hurlé et plongé après elle, risquant de la cogner ? Allez savoir. En tout cas, après cet épisode, j’ai été une maman super tranquille au bord des piscines, ma petite fille se débrouillant comme une chef.

 

*********

 

On devait partir d’Ostuni de bonne heure mais erreur de la météo. L’accalmie prévue n’est pas au rendez-vous et le vent continue de souffler très fort. Donc on décide de rester encore une nuit. Quand on regarde « windfinder » on voit que la tempête est à son maximum plus au sud et qu’elle est en train de se diriger vers la Grèce.

 

On se balade un peu mais on fait très vite le tour de cette petite bourgade estivale vide à cette époque. Un château (oui, oui c’est bien comme ça qu’ils l’appellent) sur le bord de mer, surveille les entrées et sorties du port.

 

 

 

 

Nous marchons sur une longue jetée et recevons les embruns à chaque fois qu’une vague vient s’écraser sur les rochers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous avons la chance de tomber sur une petite fromagerie où justement aujourd’hui on prépare la mozzarella.

Voir cet artisan modeler la pâte nous donne l’eau à la bouche. Charles, n’étant jamais dans la demi-mesure, en achète un kilo, soit une trentaine de petites boules.

 

D’accord, elles ne sont pas grosses mais ça en fait à manger! A chaque fois qu’il passe devant le frigo, hop il en prend une.

 

 

Petits pains pour accompagner cette douce mozza et vin rouge ! Notre repas est vite préparé !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lundi 1er octobre

Au lever du jour, nous prenons la direction de San Foca, à 51 miles au Sud après Brindisi ! Longue journée de navigation. Windfinder annonce pas mal de vent surtout à partir de midi. Jusqu’à 20 noeuds avec des rafales à 25 ! La navigation sera sportive !

 

Charles pêche un petit thon qu’il relâche aussitôt. Il faut bien lui laisser une chance de grandir un peu. Le deuxième, oui il y en a eu un deuxième, malheureusement se détache de la ligne avant d’arriver sur le bateau. Il faut dire qu’avec la mer démontée, les vagues aidant,  il a le temps de trouver la solution pour se décrocher.  Et quelques miles plus loin, un troisième ! Bien assez gros pour le garder (pas loin de deux kilos me semble-t-il). Celui-ci n’aura pas la chance de ses petits copains, il finira dans notre assiette

 

Quelques pas dans San Foca,  petite station balnéaire très appréciée par les touristes l’été. Beaucoup de restaurants fermés en  ce jour de semaine, hors saison et quelques gouttes de pluie rendent cette ville de la péninsule du Salento bien tristounette.

 

Un cactus géant a piqué notre curiosité !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Mercredi 3 octobre

Avant de larguer les amarres, Charles s’occupe une nouvelle fois des coulisseaux de la GV. Lors de notre dernière navigation, nous avons eu un problème au moment de l’affalement. Le deuxième coulisseau en partant du haut coinçait et donc impossible à la voile de descendre. Ce qui est quelque peu ennuyeux, face au vent avec les vagues contre nous. Je dirais même pour moi un moment de panique silencieuse. En effet, si vraiment ça ne se décoince pas comment pourrais-je accepter l’idée que le Capitaine monte au sommet du mât, à plus de 16 mètres et surtout comment arriverais-je à le hisser à la force de mes petits bras ? Même s’il a minci, il faut compter sur un bon 80 kilos ! Bon tout a bien fini, le coulisseau s’est décoincé mais ce matin il faut aller voir de plus près ce qu’il en est avant de partir. Il remplace les petites billes en les inversant  avec celles du premier coulisseau, plus facile d’accès si le problème recommence.

Nous partons enfin vers 10h30 en direction de Santa Maria di Leuca, le dernier port à l’extrémité du talon. Lors de notre périple Saint-Mandrier -Sibuljina, je me souviens, après une nuit de navigation être passée au large de ce village. Il était cinq heures du matin, j’étais à la barre et nous avions un calendrier bien défini pour arriver à destination, donc pas le temps d’y faire une halte. Je m’étais dit que c’était bien dommage car le magnifique phare me faisait un appel ! Voilà, deux ans après, je vais pouvoir le voir de plus près.

Nous naviguons avec un vent de 10 nœuds et une mer agitée, il ne fait pas froid et pourtant le soleil a du mal à percer les nombreux nuages. Nous essuyons quelques gouttes de pluie et en début d’après-midi le vent forcit à 15 nœuds et on avance à près de 7. Ça file, ça secoue mais cela n’empêche pas le« pêcheur » de mettre sa ligne. (Voyez comme tout est bien organisé !)

 

Il a bien raison ! Un nouveau thon !Il en aura même quatre  le jour même ! Pas de chance ils se décrocheront en remontant car l’hameçon n’a pas d’ardillon.  On sait maintenant que notre appât, un faux poisson dans un faux calamar, semble efficace.

 

Quand le moment vient d’affaler la voile, je sens une petite inquiétude s’installait en moi. D’abord le vent souffle fort, très fort même, 18-20 nœuds, pour cet exercice n’est pas de tout repos. Voilà, nous sommes face au vent, bien aspergés par les vagues qui dévalent sur l’avant du bateau et … la voile reste coincée ! Oh ! Non ! Mince ce n’est pas vrai ! Même avec les nouvelles billes que Charles a changées elle reste en haut. Le Capitaine cogite, le Mousse déprime. On tire, sans succès, en s’accrochant bien car ça tangue et ça roule.  Encore une fois l’ingéniosité de Charles va payer. Il accroche un petit bout à l’anneau du premier ris et met en tension la voile et après quelques coups de barre de gauche à droite  le coulisseau finit par se décoincer ! Bon, une chose de réglée mais à revoir au port.

 

Et le port, parlons-en ! Une arrivée cauchemardesque sous un beau soleil mais avec un vent de 18-20 nœuds. Je croyais que celle de San Foca était un cauchemar, celle de Santa Maria di Leuca est un délire, pire qu’un cauchemar. Le petit mec du port, certainement gentil ne semble pas très compétent. Il n’a pas compris (ou alors, je le trouble ??) qu’il faut avant tout amarrer le bateau du côté au vent. Il fait le contraire, me donne la pendille sous le vent.  Ce qui n’est pas très grave quand il n’y a pas de vent mais qui est dramatique quand il souffle très fort. Bon, tout ça me semble démarrer très mal. Le Capitaine refait plusieurs fois la manœuvre, la jeune maman allemande du voilier d’à côté nous donne un coup de main très efficace et merci aux pare-battages qui ont fait un bon boulot. Une heure après l’accostage est terminé en gros. Les petits réglages de bouts, Charles s’en occupera tout seul un peu plus tard. Je suis une nouvelle fois lessivée. Et j’avoue attendre avec impatience le thon grillé et le petit verre de rouge. Bien mérité !

 

Jeudi 4 octobre

Vite debout, petit café et balade vers le phare.

Nous passons d’abord devant l’église Christ-Roi, mélange de styles roman et gothique. Petites particularités, les noms et les armoiries des familles nobles qui ont participé à la construction de l’église sont inscrits sur les grandes fenêtres des bas-côtés.

 

Nous longeons en bord de mer une avenue bordée de maisons élégantes et originales du XIXème attendant fièrement la saison d’été que les chanceux propriétaires s’y installent de nouveau, protégés par des jardins fleuris.

Au moment de la seconde guerre mondiale, les autorités ont récupéré certains ornements métalliques, clôtures, balustrades de ces maisons pour  confectionner des armes.

 

 

 

La plupart de ces villas ont été également réquisitionnées pour accueillir les personnes fuyant le régime.

 

Pour atteindre le phare et la Basilique  « Santa Maria de Finibus Terrae » depuis le port, nous gravissons  près de 300 marches d’un des escaliers qui encadrent une cascade artificielle signifiant l’extrémité du fameux aqueduc des Pouilles dont la construction débuta au début du XIXème siècle pour se terminer en 1941. Mussolini fut le meilleur défenseur de ce projet, et ordonna qu’une colonne romaine soit déplacée de Rome à Leuca. Cette cascade n’est ouverte que quelques jours par an, nous n’avons pas eu la chance de voir la chute d’eau sans doute très impressionnante !

 

 

Le Sanctuaire, dédié à la Vierge Marie qui aurait sauvé des pêcheurs d’un naufrage, a été bâti sur un ancien temple de Minerve, déesse romaine de la Sagesse, de l’Intelligence et de la Guerre.

La légende raconte que le temple s’effondra lorsque Saint-Pierre, sur son chemin vers Rome, séjourna à Leuca.

Devant la basilique se dresse un magnifique obélisque surmonté d’une statue de la Vierge Marie.

 

Le phare haut de près de 48 mètres, de forme octogonale, a été construit à la fin du XIXème, sa lanterne a un diamètre de trois mètres ! Il est aujourd’hui relié au réseau électrique et entièrement automatisé. 

 

 

 

 

 

 

 

Nous redescendons  après avoir longuement admiré la splendide vue de Santa Maria di Leuca par le deuxième escalier de 300 marches.

 

 

 

 

Nous reprenons la petite rue derrière le port pour voir si le « Sailorman » est ouvert. Toujours pas ! Et pourtant il est 9h30 et l’horaire d’ouverture est 8h30 ! Bon il n’y a pas d’urgence. Nous verrons ça à la prochaine étape. 

Charles a réfléchi sur le problème « coinçage de la GV » et il a trouvé. Il me dit ça, comme ça, l’air de rien. Il m’explique que par précaution lors de l’affalement de la voile il bloque toujours la bôme pour qu’on ne risque pas de se la prendre de plein fouet et de tomber si une rafale venait à la pousser.  Mais du coup, selon le vent et la position du bateau,  la voile tire trop sur les coulisseaux et les coince. Il est content de sa réflexion et moi encore plus.

 

Nous prenons pour rejoindre le port une longue passerelle en bois, au-dessus de la mer, très agréable. L’été, elle doit être prise d’assaut par les nombreux touristes. Aujourd’hui nous sommes seuls et profitons de cette quiétude dans la douceur de la matinée.

Nous faisons le plein de gazole et nous quittons  Santa Maria di Leuca dernière petite ville sur la pointe la plus au sud de la péninsule de Salento, là où se rejoignent  les eaux de la mer Adriatique et celles de la mer Ionienne. Maintenant, nous allons donc naviguer en mer Ionienne. Il fait un temps magnifique. Il est dix heures et le thermomètre indique déjà 25°. Le top ! La météo nous a prédit un joli petit vent !Par contre la mer est assez houleuse et j’ai un peu mal au cœur. Heureusement  nous avons de la « Jamnica », l’eau pétillante croate. Elle me sauvera.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Superbe navigation. Il fait chaud, le vent nous fait avancer à une bonne allure, la mer se calme et je peux préparer une bonne compotée de légumes pour accompagner le thon du grand pêcheur !

 

 

Déjeuner au top, rien ne manque. Si, le petit verre de rouge ou de blanc dixit Charles...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je vois ma première tortue par transparence et puis sa petite tête sort de l’eau pour respirer un grand coup avant de disparaître. C’est tellement émouvant, je me rappelle celle que j’ai vue à Cuba il y a quelques années et en voyant la mer autour de moi, d’un si joli bleu turquoise, une envie de refaire de la plongée me saisit. Respirer sous l’eau et regarder le monde qui y vit. Un jour j’aimerais y revenir.

C’est drôle moi qui ai si peur de nager dans la mer. Mais en plongée avec les bouteilles cela n’est pas pareil. Je vois, je respire, j’ai l’impression que rien ne peut m’arriver. Je prends mon temps, je ne fais rien. Juste observer ce qui se passe autour de moi, m’amuser à regarder Charles qui réfléchit à je ne sais quoi, scrutant ses bouts, son génois…ou rêver, mais à quoi donc rêve-t-il ce marin ? Peut-être à ce qu’il va bientôt devenir ?

Charles va être grand-père pour la première fois. Marion et Florent attendent un bébé pour le mois de février. Nous ne serons pas là et j’imagine la déception de Marion de ne pas avoir son Papa près d’elle en ces moments exceptionnels. Un nouveau bébé dans la famille me comble de joie.

Je me souviens de cette première fois,

Je me souviens du ventre dodu de ma petite Virginie si heureuse de porter ce bébé,

Je me souviens de son appel, depuis Chamonix où elle vivait, me demandant si je pensais que c’était le moment de partir à la clinique avec des contractions toutes les 5 minutes ?

Je me souviens de ma réponse, légèrement affolée en comptant le nombre de kilomètres entre Chamonix et Sallanches,  en pensant à la neige qui tombait dru et aux touristes des vacances d’hiver sur les routes. Aura-t-elle le temps ?

Je me souviens de cette longue journée d’attente qui n’en finissait pas, où j’attendais le coup de fil qui m’annoncerait, oui tout s’est bien passé, oui la petite Emma est là, au creux de mes bras…

Je me souviens de cette première fois, où je t’ai vue Petite Emma, dans le berceau transparent de l’hôpital,

Je me souviens des frissons de bonheur que j’ai ressentis à te voir, si jolie, si douce.

Je me souviens de mes larmes et de ce bonheur d’être pour la première fois grand-mère.

Je me souviens de ces mois où tu grandissais et où je t’aimais tous les jours un peu plus.

Je me souviens des vendredis soirs où tu dormais à la maison et où je t’avais pour moi toute seule…

 

Tu as grandi, les mois et les années ont passé et tu restes un Bonheur pour moi.

 

 

 

 

 

 

 

Nous approchons de Gallipoli et Charles se lève pour ranger sa canne à pêche bien silencieuse aujourd’hui. Bon on ne se plaint pas, on a encore un thon d’avance à manger ! Et là, en prenant sa canne, un poisson vient de mordre à l’appât,  il me crie de prendre l’épuisette, car il semble bien plus gros que les précédents, il le remonte régulièrement pour qu’il ne se décroche pas et moi je descends au plus près de l’eau, l’épuisette dans une main et m’accrochant au taquet avec l’autre pour ne pas tomber. Le bateau file vite et je n’aimerais pas finir dans l’eau ! Bon je le vois par transparence. Il brille sous l’eau et c’est vrai, il a l’air très gros. Il s’approche, je plonge l’épuisette dans l’eau et hop ! Il y va direct. Et d’une main c’est très difficile de ressortir l’épuisette de l’eau. Charles la récupère, et à peine sur le pont, l’hameçon se décroche. Je remonte vite chercher la seringue que je remplis de vodka. Eh ! Oui ! On va lui donner une jolie mort à notre thon. Pas question de lui taper la tête par terre, non, une petite giclée de vodka dans les branchies et il va en voir des éléphants roses avant de mourir ! Et voilà ! C’est le quatrième qu’on va manger.

Bon, le port de Gallipoli se rapproche, nous passons devant le phare de l’île Sant’Andrea qui se trouve à plus de deux kilomètres du front de mer de Gallipoli. Un peu moins haut que celui de Leuca, il a lui aussi une forme octogonale.

 

Cette petite île, pourvue d’une source d’eau douce, est un passage pour les oiseaux migrateurs qui peuvent s’y reposer. Les habitants de Gallipoli dans le passé y faisaient paître leurs troupeaux qu’ils conduisaient par bateau.

Quel bonheur quand tout se passe bien au moment de l’accostage, que le vent ne nous embête pas pendant la manœuvre, avec en plus deux italiens super sympas et une vieille ville qui semble vraiment très jolie. Je crois qu’on va se régaler à la découvrir, dès ce soir.

Il est encore tôt et nous filons nous promener. En marchant nous savourons encore cette merveilleuse journée de navigation, tout était parfait. Je le dis et le répète car ce n’est pas souvent que tout s’aligne parfaitement : le beau temps, le bon vent, la bonne mer et la bonne pêche ! Je me sens légère et pleinement heureuse.

Le temps se couvre tout doucement et j’espère que la pluie attendra notre retour sur le bateau.

Gallipoli, entourée de remparts, est une île reliée au continent par un pont  du XVIIème. Nous contournons le château forteresse qui veille sur l’entrée de la vieille cité. Construit au XIIIème siècle par les Byzantins, il a gardé les empreintes de chaque envahisseur. Aujourd’hui le château, qu’on peut visiter, accueille des expositions temporaires et des concerts. Et l’été des grands spectacles en costumes.

De l’autre côté du château le petit port de Gallipoli, réservé aux pêcheurs. Ils déposent bien alignés, devant leurs barques, sur le quai leurs filets dont ils auront besoin dès le lendemain.

 

 

 

Nous faisons le tour de ce centre historique. De nombreuses églises se côtoient, disparates et prouvent la ferveur des Gallipolini.

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 


 

L’église Saint-François d’Assise, baroque du XIIIème siècle, est consacrée au Saint Patron de l’Italie, fondateur de l’ordre franciscain et précurseur du dialogue interreligieux.

Et où  en est-on aujourd’hui de ce dialogue ?

 

La façade de la cathédrale  Sainte-Agathe construite en pierres calcaires de Lecce a été terminée à la fin du XVIIème. Son clocher, adjacent, abrite un  cadran solaire. Sainte-Agathe refusant les avances d’un consul romain fut martyrisée. On lui arracha les seins avec des tenailles et elle mourut brûlée vive à treize ans en 251.

 

 

Au fond d’une rue, une maison attire notre attention. Sur les murs rénovés, les fissures n’ont pas été cachées. Au contraire, elles ont été lissées et mises en valeur comme de vraies décorations

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des trattorias, des bistrots se succèdent dans les ruelles étroites où nous déambulons avec ravissement.

Un triporteur servant de cache-pot nous fait sourire

 

 

 

 

Le jour commence à tomber et la lumière devient « métallique ».

Le phare sur l’île Sant’Andrea devient encore plus beau.

 

 

 

Nous restons un moment à le contempler en nous arrêtant prendre un verre de vin. Après ce petit apéro bien agréable, nous continuons à longer la promenade sur le front de mer.

La plage, en contrebas est déserte vu l’heure tardive mais nous l’imaginons sans peine pendant les vacances d’été, peuplée de Gallipolini criant à tout va comme savent si bien le faire les Italiens !

Sur une place devant le port, quelques pêcheurs ont dressé des stands de fruits de mer : huîtres, moules, palourdes, gambas, etc… Notre gourmandise nous interdit de passer à côté sans nous arrêter. Cela sera notre dîner.

 

 

 

 

 

 

 

Nous rentrons sur l’Alcazar, quelques gouttes de pluie commencent à tomber. Gallipoli, depuis  notre cata est vraiment belle. Comme son nom, en grec, nous l’indique  « Kale Polis » : Belle ville.

Une toute autre luminosité au lever du jour me la fera aimer davantage.

La pluie est tombée toute la nuit avec de très fortes rafales de vent.

Nous profitons d’une accalmie, le lendemain matin, pour aller faire un tour dans la ville nouvelle, sur le continent,  acheter ce qu’il nous faut pour le bateau : un ressort pour amortir nos amarrages si besoin, quelques billes de coulisseaux (en avoir en plus, c’est mieux). Mais nous n’avons pas trouvé la passerelle et c’est bien dommage car atteindre le quai est parfois très sportif !

Dernier  regard vers « la Fontaine Greca ».

Témoigne-t-elle de son appartenance à la Grèce ? Ou bien a-t-elle été réalisée à la Renaissance ? Source de débats entre chercheurs et critiques d’art.

 En tout cas elle raconte trois histoires de la mythologie grecque.

L’église Santa Maria, derrière la fontaine grecque, est située juste à côté du petit port réservé aux pêcheurs.

Voilà, nous venons de passer deux jours à Gallipoli, il est temps de repartir. Nous larguerons les amarres dès le lever du jour demain dimanche et traverserons le golfe de Tarente pour rejoindre l’autre côté de la cambrure de la botte.   

Dimanche 7 octobre

Grosse journée de navigation en vue. Nous aurons une cinquantaine de miles à faire avant de rejoindre Ciro marina, au nord de Crotone. La traversée du Golfe de Tarente est longue. Nous n’avançons pas, Eole fait la tête, il a décidé de faire pétole jusqu’en début d’après-midi. Alors forcément l’Alcazar peine et le Capitaine ne veut pas forcer sur les moteurs. On a du temps et on est en pleine forme, alors une première nuit en mer ne nous tuera pas. Surtout que le vent en fin d’après-midi ne devrait pas excéder les 15 nœuds. Bon, on verra bien.

C’est le moment de commencer à écouter ce que nous avons enregistré avant de partir. Aucun bruit ne viendra polluer notre écoute. En effet, nous nous sommes fait une petite audiothèque d’émissions en podcast  que nous trouvons intéressantes.

Toute la journée nous voyons des thons plus ou moins gros sauter devant l’Alcazar. Nous narguent-ils ? C’est ce que pense Sieur Pêcheur. Moi je pense que l’heure n’est pas à la bouffe mais au jeu ! La canne qui a fait ses preuves est dans l’eau depuis notre départ, Charles a changé d’hameçon (faire en sorte que les poissons attrapés ne s’échappent plus) et il se demande pourquoi rien ne mord. 

Et puis en fin de journée, le moulinet s’active. Vite, l’épuisette, c’est un gros, encore plus gros que l’autre jour ! J’ai du mal effectivement à remonter l’épuisette d’une seule main. Charles la récupère et oui c’est un très gros thon !  Un petit coup de vodka et voilà…

Le côté moins marrant dont le Maître ès pêche se charge : vider le fruit de sa pêche et le découper !

 

 

 

 

 

 

 

Le vent qui en début d’après-midi s’est emballé à 10-12 nœuds, tombe à 3 en fin de journée. Le soleil se couche, la nuit nous enveloppe.

Le GPS indique notre arrivée à Ciro Marina vers 2 h 30 du matin, à cette allure. J’espère que nous pourrons nous amarrer sans trop de souci. Rien n’est simple quand on n’y voit rien ou presque. C’est pour cette raison qu’il vaut mieux éviter d’avoir à affronter cette situation. Nous pensions arriver au petit matin mais le enveloppe.vent s’étant levé... Bon on verra le moment venu. En attendant je regarde le spectacle magnifique du coucher de soleil. Combien en ai-je vu depuis que je suis en âge de les apprécier ? Et pourtant où que ce soit, je suis émerveillée par tant de beauté.

 

Je regarde Charles, à la barre, il semble heureux. La routine lui pesait, il a choisi l’aventure. Cette aventure qui le tentait depuis de nombreuses années, il est en train de la vivre et j’en fais partie. Je suis consciente de la chance que j’ai et je profite intensément de ce que la vie m’offre.

     Lundi 8 octobre

Nous sommes bien arrivés à 2h30. Le Gps ne s’est pas trompé. L’entrée du port a été difficile à distinguer, en pleine nuit, surtout à cause des nombreux éclairages de la ville qui se reflétaient dans la mer devenue très calme. Nous avancions à tâtons et enfin les balises, verte à droite et rouge à gauche qui indiquent la passe d’entrée nous apparurent. Sauvés ! Nous avons jeté l’ancre dans la petite baie juste à côté de l’entrée. Nuit tranquille mais très courte. En effet, debout à six heures ce matin, direction Le Castella.

  En levant l’ancre, je découvre les nombreux lampadaires de Ciro Marina qui cette nuit nous ont tellement gênés. 

Ce matin, le soleil joue à cache-cache mais il est de toute beauté. 

 

 

 

Nous avons donc quitté les Pouilles pour la Calabre.  

Les Pouilles région magnifique du talon de la botte italienne. Je parle des bords de mer puisque je n’en connais pas encore l’intérieur. Un jour, sans doute, nous prendrons notre voiture et ferons un petit tour d’Europe. Mais pour l’instant je peux partager ce que j’ai vu. Un mélange de plages de sable doré et de falaises calcaires, percées par endroit de grottes magnifiques. La mer Adriatique scintillante, d’un bleu intense et la mer Ionienne turquoise grâce à ses fonds sableux. Des villages, des vieilles cités chargées d’histoire qui ne demandent qu’à nous recevoir et nous faire découvrir leur architecture baroque et leurs trésors cachés.

 

Je me souviens de la Calabre que nous avons longée il y a deux ans en ramenant l’Alcazar chez nous, en Croatie. J’avais été charmée par ses paysages. La pointe de la botte, l’extrémité sud de l’Italie, encore deux mers qui se rejoignent : la mer Ionienne et la mer Tyrrhénienne. Le détroit de Messine qui la sépare de la Sicile et que nous allons passer d’ici quelques jours. La Calabre c’est aussi la N’drangheta c’est-à-dire la Cosa Nostra en Sicile ou la Camorra à Naples ! Oui, il s’agit de la mafia.

Mais nous n’en sommes qu’au début. Le capitaine passe entre deux plateformes gazières très impressionnantes et de nombreuses balises, la barre est difficile à tenir à cause du vent qui souffle fort par l’arrière et la mer agitée. Il doit sans cesse redresser le bateau qui prend ses aises entre le vent et les vagues. D’ailleurs, la région doit souvent subir le vent par ici, au regard du nombre d’éoliennes installées sur les côtes, même très près des maisons. Entendent-elles le bourdonnement incessant de ces capteurs d’énergie ? J’apprends que la première éolienne italienne a été installéeen Calabre. 

 

 

 

La navigation sportive de ce matin n’enlève pas le sourire au Capitaine. Peut-il profiter pleinement des paysages qui filent sous nos yeux ? Falaises rocheuses, vieilles tours génoises, églises et phares se succèdent et je ne me lasse pas de les regarder.

 

Le cap Colonna, à la pointe ouest du golfe de Tarente, abrite les vestiges du temple de Hera, déesse grecque, gardienne de la fécondité du couple et protectrice de la Femme, érigé au Vème siècle Avant JC. Le phare, bien plus modeste que celui de Santa Maria Leuca ou même Gallipoli, puisqu’il atteint seulement 22 mètres. Mis en activité au milieu du XIXème siècle, il est entièrement automatisé.

 

Juste après la pointe du Capo Rizzuto, nous distinguons le château de Le Castella.

 

 

 

 

 

 

 

Personne pour nous accueillir dans ce petit port, réservé nous semble-t-il aux pêcheurs. Charles laisse le petit vent du nord nous pousser doucement vers le quai où l’Alcazar  trouve sa place sans souci.

Nous remarquons que la jetée a été surélevée avec de gros blocs de béton sur toute sa longueur et chose surprenante certains de ces blocs se sont effondrés sans doute par la force des vagues se brisant de l’autre côté.

 

Déjà le début d’après-midi ! Avant de déjeuner nous partons faire un petit tour vers le château aragonais, situé sur une toute petite île reliée aujourd’hui à la côte par une mince bande de terre. La forteresse a été construite au XVème siècle par les Aragonais sur des fondations des époques grecque et romaine. Ils renforcèrent le système défensif pour se protéger des Ottomans.  Il est dit qu’Hannibal y trouva refuge lors de sa retraite pour rejoindre Carthage et qu’il y construisit une tour de guet qui devint le premier élément de la future forteresse aragonaise. J’ai l’impression que les créneaux arrondis donnent une forme de légèreté et de douceur à ce « château forteresse ».

Petit clin d’œil insolite, dans ce  village, une énorme marmite posée tout à côté du château rappelle que la plus grosse soupe de poisson de la région y a été cuisinée !

 

 

 

Mardi 9 octobre

Comme toujours, nous partons tôt, avant le lever du soleil. Ce matin un pêcheur nous accompagnait, son signe de la main et son sourire m’ont fait chaud au cœur.

Toute la matinée nous naviguons assez loin des terres mais en début d’après-midi, nous nous approchons des côtes et nous longeons  de longues plages de sable, entrecoupées de villes les pieds dans l’eau. Parfois les immeubles ont plusieurs étages mais cette architecture banale ne choque pas. Derrière, des collines où certains arbres commencent à roussir, mélangés à ceux qui ne perdront pas leurs feuilles. Un peu plus au Sud, des champs d’oliviers prennent toute la place, juste au-dessus des plages.

Nous passons au large de la marina de Roccella : ayant lu pas mal de choses négatives sur la marina, surnommée « port arnaque » nous décidons de ne pas nous y arrêter. Nous contournons donc Rocella Ionica et son piton rocheux où se côtoient les vestiges du château forteresse et l’église Matrice, dédiée à Saint-Nicolas de Bari. Pas de vent prévu cette nuit, pas de fond dangereux, un mouillage nous appelle. L’ancre sera jetée devant la plage de Siderno.

Mercredi 10 octobre

On lève l’ancre après une bonne nuit. Destination Reggio di Calabre, face à Messine la sicilienne.

Peu de vent jusqu’à 11 heures. Ensuite, Eole nous fait savoir que nous allons bientôt entrer sur son territoire. Et il y va ! Il emploie les grands moyens, il nous envoie des rafales à 28 nœuds, avec d’énormes vagues en cadeau de bienvenue.

Il est plus prudent de prendre un ris, c’est-à-dire diminuer la voilure. Et j’aime autant vous dire que ça ne va pas être facile.

D’abord mettre le bateau face au vent (et face aux vagues). Déjà ça, c’est toute une histoire. J’attends sous la GV, prête à en affaler une partie. Ça chahute, les vagues nous arrosent mais la voile descend. Ça y est, c’est fait.

Les vagues ioniennes et tyrrhéniennes  sont de plus en plus grosses, elles se mélangent violemment, se bagarrent, chacune voulant dominer l’autre !

Ça n’empêche pas un thon gourmand de se jeter sur notre rapala « calamar » ! Eh ! Oui ! Le  pêcheur devrait recevoir un trophée. Six thons en une dizaine de jours, c’est pas mal du tout.

Nous longeons la côte dite « des jasmins » en raison de la forte présence de cette plante odorante sur toute cette partie de la Calabre.  Les fleurs de jasmins, utilisées en parfumerie sont surtout exportées vers la France.

Côtes rocheuses, plages, villes au bord de l’eau, se succèdent en nous laissant apercevoir de temps en temps une curiosité comme cette villa qui semble coincée dans la falaise ou celle-ci, qui nous fait penser à un gros barbecue !

 

 

 

Les viaducs ou aqueducs (pêché mignon des Italiens) qui tombent dans la mer nous font sourire amèrement. Comment oublier l’affreux accident de cet été à Gênes ?

 

 

Le train qui va sans doute à Reggio di Calabre nous suit et nous pouvons entendre son sifflement strident à l’entrée d’une gare…

 

Un village qui nous rappelle étonnamment un de ceux que nous avions vus au Népal, dans le Mustang.

Et, toujours des églises…

Nous nous approchons de Reggio di Calabre, la Sicile est là, devant nous. Les gros navires commencent à se montrer, le détroit de Messine n’est plus très loin. Il y a deux ans nous l’avons traversé, avec des vents à 25 nœuds. (http://alcazar.over-blog.com)

Qu’en sera-t-il cette fois-ci ?

Nous aurons la surprise demain…

Reggio di Calabre, première ville calabraise, détient à elle seule 95% de la production mondiale de bergamotes depuis le XVIIIème siècle. Cet agrume est même devenu l’un des symboles de la ville et un musée lui est dédié. Le fruit est récolté pour son huile qu’on utilise dans le domaine alimentaire et en parfumerie-cosmétique. L’huile essentielle de bergamote a de nombreuses propriétés utilisées en aromathérapie et des vertus apaisantes et destressantes. Le matin, nous buvons du thé à la bergamote… C’est peut-être pour ça que nous ne nous sommes pas encore jeté les bouts à la figure ?

De nombreuses fois détruite par des tremblements de terre, Reggio di Calabre fut toujours reconstruite. Malheureusement son économie est pourrie par la mafia calabraise, la N’drangheta qui non seulement impose son diktat aux commerçants mais aussi s’infiltre dans les diverses institutions et s’arrange pour s’attribuer les grands marchés publics.  

Même si le grand port de Reggio Calabre est sans grand intérêt et sans aucun charme, à part peut-être celui des Italiens, toujours souriants, nous ne nous laissons pas aller.

Petite coupe de champagne pour notre arrivée au bout de cette sacrée botte !

Jeudi 11 octobre

C’est le grand jour ! On part pour la Sicile et donc nous devons traverser le détroit de Messine. Un vent de 8-10 nœuds nous pousse  tranquillement et déjà nous voyons Messine où nous avions amarré il y a deux ans déjà.

On distingue très vite le pylône sicilien qui se trouve à l’extrémité de la Sicile, à la pointe Mazzone, face à la Calabre. Mais nous ne voyons pas encore celui de la côte calabraise.

Des navires partout. Enormes porte-conteneurs, ferries, pétroliers, cargos nous passent à proximité et j’avoue que je n’aime pas ça, mais alors pas ça du tout !

 

 

 

 

Les remous au milieu du détroit sont impressionnants et un fort courant contraire ralentit notre progression.

Soudain, on nous appelle par la VHF «  Alcazar, Alcazar… » Charles me laisse la barre et dialogue avec le capitaine du cargo  qui entre dans le détroit quand nous, nous amorçons la sortie. Il veut se mettre d’accord avec nous sur la manœuvre à suivre pour éviter toute collision. Baragouinage d’anglais que je ne comprends absolument pas. Heureusement Charles saisit l’essentiel. L’Alcazar passera à bâbord de ce gros cargo. Moment un peu « crispant ». Mais tout va bien. Nous voyons enfin le pylône calabrais : il nous signale la fin de ce détroit de trois kilomètres, peuplé de fantômes.

 Charybde, jeune fille vivant sur un rocher au bord du détroit, transformée en un immense tourbillon marin, aspirant tout sur son passage et tuant des dizaines de marins. Scylla, jolie nymphe transformée par la jalouse Circé en monstre marin vit de l’autre côté du détroit. Ulysse pour éviter Charybde s’approchera trop près Scylla qui dévorera vivant six de ses compagnons. Heureux qui comme Ulysse a pu fuir ces deux monstres !

Espérons, quant à nous, que nous n’allons pas aller de mal en pis après avoir franchi ce fameux détroit !

Torre Faro, tout en longueur, dernière ville au bord du détroit de Messine. Nous prenons notre cap vers Milazzo. Longer la Sicile me fait battre le cœur.

Depuis si longtemps je voulais la voir de plus près. Et elle est là, ses paysages verdoyants, ses plages de sable blanc, son eau turquoise, ses montagnes que nous devinons plus en arrière.

 Il me tarde de la découvrir un peu plus. Nous louerons sans doute une voiture pour aller voir Taormine que nous ne connaissons que depuis la mer, Catane et sa fontaine éléphant, au pied de l’Etna que nous approcherons si la météo le permet, et Syracuse surnommée la terre des merveilles. Des idées plein la tête, des envies qui se bousculent. Merci la Vie de ces moments exceptionnels.  

Nous voyons au loin, très loin, l’île de Stromboli. (sur la droite) Je ne sais pas si vous arrivez à la voir sur cette photo mais si vous faites un petit effort vous distinguerez la fumée qui s’échappe du volcan Stromboli, toujours en activité. J’ai dit « distinguer »…

Windfinder avait prévu un vent de 5-8 nœuds dans cette partie de notre itinéraire et en fait il souffle à 25, voire 30 ! C’est décidé, je n’irai plus les voir. Depuis quelques jours, ils se trompent tout le temps. Voilà, Windfinder rayé de ma vie. Et pourtant c’était un compagnon de longue date. Je me tournerai vers Meteo blue qui semble vraiment complet niveau vent. Bien sûr je verrai à l’usage.

Avec tout ce vent nous décidons de laisser juste le génois. Pas la peine de hisser la GV, ne prenons pas de risque bêtement. Rien que pour monter sur le roof pour ouvrir le lazy bag, j’ai la trouille de perdre l’équilibre.

Et c’est vraiment drôle, deux heures plus tard, tout d’un coup le vent tombe à 10-12 nœuds. Vite, nous hissons la voile sans souci. J’adore ces moments où le vent est régulier, où les vagues ne sont pas pénibles et où l’Alcazar, heureux de cet équilibre, file un bon 5 nœuds.

Navigation au calme pendant… non je n’exagère pas du tout, pendant 10 minutes ! Le vent tombe, comme ça d’un coup ! Le cata ne bouge plus, la GV et le génois claquent. Bref, il faut affaler. Le Mousse est vert, le Capitaine rouge !

Notre arrivée sur Milazzo se fait donc au moteur. Nous avons à babord une magnifique raffinerie du XXème siècle (il en faut bien, n’est-ce pas ?) et à tribord un promontoire où se niche la vieille ville de Milazzo. 

 

Je suis surprise par un bateau navette qui fait la liaison entre Milazzo et les îles éoliennes. Il semble voler au-dessus de la mer, à toute vitesse avec ses « foils » (Définition Google : « En mécanique des fluides, un foil est une aile profilée qui se déplace dans l'eau et transmet une force de portance à son support. »)

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous trouvons une bouée devant Milazzo. La mer est calme, le vent n’est pas capricieux, nous allons être super tranquilles !

Maintenant nous allons déjeuner. Il est près de 17 heures et nous n’avons rien dans le ventre depuis ce matin !  Et il faut bien la finir cette bouteille !

 Milazzo, à notre arrivée, sous le soleil.

Milazzo au crépuscule.

Vendredi 12 octobre

Avant d’aller faire un tour dans le village, il faut mettre le moteur sur l’annexe. Et bien sûr pour nous agacer, il ne démarre pas ! Charles, ce matin, revêt donc le costume « mécano ». Il enfile ses gants en plastique et…commence à démonter. Il est près de 8h30. Il finira par le faire démarrer près de quatre heures plus tard. Ce n’est plus l’heure du café mais celle du déjeuner ! Je ne sais pas comment il fait pour supporter ça. Il ne râle pas mais à mon avis, ça doit bouillir à l’intérieur. Je suis toujours ébahie de voir qu’il arrive à réparer n’importe quoi.  Comme toujours sa réponse fétiche « J’observe. J’écoute ! »

Nous finissons par monter dans l’annexe avec ce fichu moteur qui ronfle enfin pour nous renseigner sur les prix que nous feraient les deux marinas de Milazzo, pour trois nuits. Il commence à pleuvoir, pas de chance. Bon nous choisissons non seulement la moins chère mais aussi la plus sympathique et celle qui semble être la plus honnête. Parce que la première, Marina Santa Maria Maggiore, attention. On avait vraiment l’impression d’être avec Al Pacino dans  « Le Parrain ».

Comme il pleut de plus en plus et qu’il n’y a absolument pas de vent nous mettons à plus tard notre petite visite pour mettre l’Alcazar à la marina « Poséidon ». Et là, juste devant nous,  sur une mer lisse,  cinq ou six dauphins nous offre un magnifique ballet. Ils sautent, plongent, font l’arbre droit, disparaissent pour réapparaître quelques mètres plus loin. On les entend souffler avant de glisser sous l’eau. Spectacle magique dont on ne se lasse pas.

Enfin une accalmie ! Nous montons donc vers le sommet du promontoire où se trouve le château forteresse. Jolies ruelles et nombreux escaliers nous y mènent. Les mollets tirent mais ça fait du bien ! Petit arrêt pour se désaltérer et enfin nous passons le grand portail !

Frédéric II de Souabe, au XIIIème siècle a renforcé et agrandi le château que les arabes et les normands au fil des siècles avaient commencé sur les fondations d’une ancienne colonie grecque. Les Espagnols au XVIème y ajoutèrent des remparts imposants et les Aragonais renforcèrent à nouveau les fortifications. Ce qui fait que le château compte pas moins de trois rangées de murs !  

A l’intérieur,  l’ancienne fonderie servant à la réutilisation du métal des canons et autres armes pour la fabrication de cloches. 

Des tours, des donjons, des cours témoignent des nombreuses et différentes époques.

 

A l’intérieur des remparts, une église du XVIIème siècle le « Duomo Antico » dédiée à Saint Etienne, premier martyr chrétien.   Une statue en marbre de la Vierge Marie et de l’enfant Jésus nichée sur la façade de l’ancienne cathédrale protégeait sans doute les habitants de la citadelle.

Le château a joué un rôle militaire très important dans l’histoire du pays, notamment dans la conquête de la Sicile par Garibaldi. Il y remporta une victoire décisive en juillet 1860 contre les Napolitains. Dans une pièce du château sont exposés des canons, des boulets  et toutes les observations concernant cette fameuse bataille. Garibaldi, héros national, était surnommé « Père de la Patrie » pour avoir mené de grandes campagnes militaires pour l’unification de l’Italie, mais aussi « Héros des deux mondes » pour avoir soutenu certains pays d’Amérique du sud à gagner leur indépendance.  Statue à son effigie, fontaine, rue et place témoignent de son importance pour la ville de Milazzo. Le château devint, entre 1860 et 1960, une prison où étaient enfermés les réfractaires au service militaire obligatoire instauré par Garibaldi et plus tard les opposants au régime fascistes.

Aujourd’hui, des expositions et des  conférences sont organisées dans les pièces entièrement rénovées. 

 

A un angle des murs de l’enceinte extérieure, ont été réalisés deux grands yeux en pierre de lave qui  représenteraient selon les historiens une paire de cadrans solaires utilisés pour marquer les saisons et ainsi gérer les cultures agricoles.

 

La vue est absolument magnifique. D’un côté le port et de l’autre la  grande plage du Ponente.

Nous découvrons de cette hauteur la presqu’île du capo Milazzo, mais malheureusement le temps couvert et brumeux nous cache les sept îles éoliennes, toutes volcaniques mais   différentes, telles les sept notes de musique : 

Stromboli, la plus éloignée de l’archipel éolien, où Ulysse trouva refuge après son aventure cyclopienne, crache en permanence poussières et gaz avec parfois une explosion qui, la nuit, ressemble à un véritable feu d’artifice. Sa dernière explosion date de septembre 1930. A quand la prochaine ? En tout cas je trouve les Strombolani bien courageux.

L’île de Panarea , la plus petite, paradis des plongeurs est devenue grâce à Antonioni et son film « L’Avventura » en 1960 le Saint-Trop des Italiens. 

Vulcano, la plus proche de Milazzo, réputée pour ses bains de boue sulfureuse, attire de plus en plus de touristes. D’après les scientifiques Vulcano serait l’un des volcans les plus dangereux au monde. Un de ses deux cratères est toujours en activité et des fumerolles s’en échappent continuellement. 

Lipari, capitale des Eoliennes, est séparée de Vulcano par un bras de mer peu profond, long d’un kilomètre seulement. Sur la photo nous avons l’impression que les deux ne font qu’une.  Les Grecs l’appelaient « Meligunis », la Douce. Reste à imaginer...

Derrière elle, Salina que les Grecs (toujours eux) appelaient « Dydimê », Jumeaux, en raison de ses deux cônes volcaniques quasi semblables. Entre les deux, une plaine fertile où poussent les vignes, la fameuse

Malvoisie.

Les deux dernières, Filicudi et Alicudi, font un peu « chambre à part » dans cet archipel. Hors des circuits touristiques traditionnels, elles conservent leur côté sauvage, et on s’y déplace en dos de mules !

 

Nous quittons cette vue magnifique, de nouveau quelques gouttes de pluie. La météo ne nous réserve pas du beau temps pour ces prochains jours. C’est le moment de louer une voiture et partir à la découverte de Taormine, Catane, l’Etna et Syracuse.

************

Nous roulons vers Taormine sous des trombes d’eau ! Mais coup de chance, en grimpant la route en lacets étroits, la pluie s’arrête comme par magie. Accrochée à la montagne Taormine devrait nous offrir une vue exceptionnelle notamment sur l’Etna mais, dommage,  les nuages nous en empêchent.  J’espère vraiment qu’ils vont finir par aller voir ailleurs ! Par contre le paysage en contrebas vaut le détour. 

Ville médiévale aux ruelles étroites, Taormine est devenue le « Saint-Tropez sicilien » avec d’innombrables boutiques, restaurants et un nombre étonnant de touristes pour un mois d’octobre ! Je n’ose pas imaginer les mois d’été !  

Maupassant,  qui écrivait « ce village n’est qu’un paysage, mais un paysage dans lequel on trouve tout ce qui semble exister sur Terre pour séduire les yeux, l’esprit, l’imagination. » ne serait-il pas déçu aujourd’hui ? Et Krishnamurti qui venait s’y ressourcer, sentirait-il encore les ondes positives que dégageait ce petit village ?

 

 

 

L’église, romane et baroque, dédiée à Pancrace, Saint patron de la ville est édifiée sur les ruines d’un temple Grec.

 

Ne pas oublier de lever la tête… quelques petits trésors nous échapperaient, bien plus intéressants que les boutiques de fringues ! 

Le Palais  Corvaja, sur la  Piazza Badia, construit au XIVème siècle porte le nom d’une des familles les plus anciennes de Taormine qui l’a possédé près de 400 ans ! Aujourd’hui il accueille des expositions culturelles. 

Sur la Piazza 9 Aprile, se côtoient deux églises : celle de San Giuseppe en style baroque et celle de San Agostino en gothique. La tour horloge et son portail en marbre. 

Une table d’orientation nous permet de mieux nous situer dans ce paysage magnifique. Les nuages ne nous laissent pas voir cet Etna qui est là, majestueux. 

La cathédrale forteresse de Taormine dédiée à Saint Nicolas, date du XIIIème siècle. C’est la construction la plus ancienne de la cité.

 

 

L’une des portes d’entrée, Messina, de la vieille cité médiévale tombe sur l’Umberto corso qui fait la joie des touristes accros aux boutiques. Il coupe la vieille cité en deux.

 

 

Détail de l’autre porte, à l’ouest de la ville, la Catana.

 

 

 

 

Des palais, au détour de chaque rue, des restaurants parfois cachés dans des rues désertes. Oui, il y en a, il faut juste sortir des sentiers battus !

 

Détail de la façade de l’église Sainte Catherine, de style baroque. Les petits anges sont drôlement joufflus !

En repartant, nous apercevons le téléphérique qui permet de descendre jusqu’aux plages en contrebas. J’imagine la queue pendant la période estivale. Combien de temps faut-il pour retourner au frais après des heures de bronzage ?

 

Pour l’instant, la pluie recommence à nous mouiller ! Nous écourtons notre visite. Les ruines grecques sous la pluie ne nous attirent pas !

 

« J’aimerais tant voir Syracuse », importante ville située dans le coin sud-Est de l’île. N’oublions pas que les Grecs appelaient la Sicile « Trinakia », qui signifie « Trois pointes ». Syracuse, ancienne ville grecque que Cicéron présentait comme la plus belle, il me tarde de te voir…

********

Nous nous garons juste à côté de l’entrée de la vieille ville située sur la petite île Ortygie.  Elle est séparée du reste de la ville par un étroit canal appelé Darsena. Il est près de 13 heures et nos ventres crient famine.

Par chance nous tombons sur le quartier qu’il nous fallait. Le marché et quel marché ! Des étals bien achalandés, des bistrots, des gargotes où l’on peut manger sur le pouce, sans chichi, tout ce qu’on aime.

Donc avant de découvrir Syracuse, nous allons voir ce qu’ils nous offrent à grignoter ces Syracusains. Et là, embarras du choix ! Nous sommes d’accord pour picorer de ci, de là et nous ne sommes pas déçus.

Bruschetta aux anchois marinés, thon entre deux tranches de pain aux graines de sésame, façon burger mais avec le goût en plus et ricotta aux graines de pistache et lamelles de jambon cru, le tout arrosé d’un petit rouge local bien sympathique. Et le summum c’est un cornet débordant de calamars grillés et de petites fritures de poissons.

Bon, nous sommes repus et avons besoin d’un peu d’exercice.

Nous continuons notre promenade avant que les vendeurs ne remballent leurs marchandises. Que de couleurs ! Que de cris ! Ça se chahute, ça s’interpelle ! La Sicile je l’imaginais exactement comme ça.

 Nos pas nous mènent aux ruines du temple d’Apollon, l’un des plus vieux temples doriques du VIème siècle av. JC   dont il ne reste pas grand-chose.

 

 

 

Nous passons un long moment à regarder le port au bout du canal. Peut-être au retour de notre grand voyage passerons-nous par le sud de la Sicile et aurons-nous besoin de faire une escale à Syracuse ? Allez savoir, c’est encore loin. En tout cas le port est joli  et propre.

Les pêcheurs sont au travail. Quelle patience pour ranger, dérouler et préparer les filets pour le lendemain.  Je me rends encore mieux compte depuis que je navigue des contraintes de ce métier. Je les vois partir soit au crépuscule, soit à l’aube, par n’importe quel temps et quand ils  rentrent au port, ils trient leurs poissons et les vendent à même le quai.

Ensuite ils s’occupent des filets et attendent le prochain départ.

Ce que nous voyons est magnifique. On ne se lasse pas de cette architecture baroque qui me fait penser parfois aux églises que j’ai vues en Espagne. Sur la Piazza del Duomo, la cathédrale de Syracuse a été bâtie sur les restes d’un temple dédié à Athéna dont les colonnes doriques sont visibles à l’extérieur comme à l’intérieur. Elle fut à l’époque byzantine transformée en mosquée, pour redevenir église chrétienne par la suite.

 

De nombreuses statues sur la façade extérieure de la cathédrale dont celle de Lucie, Sainte Patronne de la ville. Elle aurait, en 1646, fait tomber du ciel des centaines de cailles alors que la ville souffrait de la famine. Inutile de vous dire que le 13 décembre à Syracuse doit être dignement fêté !

Au fond de la place immense, l’église baroque Santa Lucia où se trouve le tableau du Caravage « L’enterrement de Sainte Lucie ».

Le roi Ferdinand 1er Roi des deux Siciles a séjourné au début du XIXème siècle dans le Palazzo  Beneventano dal Bosco situé juste en face de la cathédrale, sur la Piazza del Duomo. Construit au Moyen-Age pour la noble famille Arezzo.

Sur la Place  Archimède, une  fontaine dédiée à Diane, déesse de la chasse,   évoque le mythe d’Aréthuse et d’Alphée. Diane aurait transformé en source Aréthuse pour qu’elle échappe à la persécution amoureuse d’Alphée.

Un palais aux allures orientales, caché par des arbres donne une impression d’abandon.

Notre balade nous emmène vers des petites rues, nous remarquons les immeubles   en cours de rénovation, parfois nous nous demandons depuis quand les travaux ont commencé. Syracuse, tellement  abîmée par le dernier séisme en 1990, fait peau neuve doucement.

Autour des endroits vraiment touristiques, de nombreuses boutiques de souvenirs et parfois un petit clin d’œil pour ne pas oublier que Syracuse est une ville de la mer.

Des souvenirs à l’effigie du « Parrain », Marlon Brando est partout, du tee-shirt au cendrier en passant par le sac et tablier ! Comme si les Siciliens étaient fiers de cette mafia qui fait partie intégrante de leur île et qui souvent fait la pluie et le beau temps.

 

Je me rappelle sur les bancs de l’école, Carthage, Athènes, Rome et Syracuse. Mais de cette dernière que me reste-t-il ? Presque rien ! Il me faut relire certains passages de l’histoire pour me souvenir que Syracuse avait préféré Carthage à Rome. Folle de rage, Rome assiégea Syracuse pendant trois longues années. Archimède le fameux savant Syracusain (« Tout corps trempé dans l’eau etc…) périra pendant les combats. La légende dit que Rome lors de son siège, s’est éprise de l’art grec et qu’elle s’est mise à le copier !

Quand je pense à l’art architectural religieux, je me demande si le sanctuaire « Notre Dame des Larmes » peut en faire partie. Je ne ressens aucune émotion en le regardant. Ce qui me désole c’est que cette église en forme de cône a été conçue par des architectes français et que ce fut un succès mondial immédiat ! Dans ce sanctuaire inauguré par le Pape Jean-Paul II en novembre 1994, est exposée l’image de la Vierge Marie qui aurait versé des larmes. Oui, oui, elle aurait versé de vraies larmes en 1953 chez un jeune couple qui attendait leur premier enfant. La future maman vivait une grossesse difficile et devenait aveugle. Un matin, elle recouvra la vue et découvrit que l’image de la Vierge Marie au-dessus de son lit versait de vraies larmes ! Un an plus tard le miracle était reconnu par l’église.

Nous quittons Syracuse sur une note miraculeuse ! Charles adore !

*******

 

Notre arrivée sur Catane, se fait sous une pluie battante. Nous avons trouvé une bonne adresse pour la nuit, un B&B chez un architecte italien très sympa, passionné de pêche qui nous reçoit avec le dicton catanais « Lorsque l’Etna éternue, Catane Tremble ». ! Il ne nous annonce pas de bonnes nouvelles pour le temps. Pluie, pluie, et brouillard. Mais cela n’entame pas notre bonne humeur.

Catane, depuis sa fondation, vit au rythme de l’Etna. Détruite de nombreuse fois par des tremblements de terre et des coulées de lave, elle s’est toujours relevée.  Elle est même devenue la capitale économique de la Sicile en raison de sa situation géographique. Après avoir tant souffert, elle bénéficie aujourd’hui des immenses plaines fertiles que lui offre le volcan comme pour se faire pardonner. Sur ses pentes agrumes et vignes trouvent leur place.

Et Catane est proclamée « ville du citron ». Chaque matin nous buvons un jus de citron, vert ou jaune peu importe et ceux là sont vraiment délicieux, juste ce qu’il faut comme acidité. On fait notre petite réserve !

Nous déambulons dans le vieux quartier qui nous offre quelques trésors, très souvent de style baroque. Nous passons devant la basilique de Sainte Marie de l’Aumône construite au XVIIIème siècle, pour nous rendre  sur la Piazza Universita où se trouve la plus ancienne université du monde occidental puisqu’elle a été fondée au début du XVème siècle.

Deux bâtiments se font face et nous offrent une architecture vraiment magnifique.

Nous suivons une belle avenue, malheureusement sous quelques gouttes de pluie, qui nous amène sur la Piazza del Duomo.

La cathédrale Sainte-Agathe, Patronne de la ville, édifiée au XIème siècle, a été de nombreuses fois transformée, notamment après le terrible tremblement de terre de 1693. La superbe façade fut réalisée au début du XVIIIème siècle par l’un des plus célèbres architectes de l’époque, Vaccarini. A l’intérieur est inhumé le compositeur italien Vincenzo Bellini né à Catane et mort en France à l’âge de 33 ans. 

Un petit jardin attenant, et de nombreuses statues respirent le calme.

Nous ne pouvons pas manquer la fameuse fontaine éléphant qui trône au milieu de la place, devant la cathédrale. Il est sculpté dans la lave et porte sur son dos un obélisque égyptien, surmonté d’une croix. Cet éléphant est le symbole de la ville de Catane.

Une réplique de l’éléphant noir dans la cour d’un palais dont je ne me souviens plus du nom ! Les Catanais appellent leur éléphant « U Liotru ». 

Des palais, des églises, toujours un ravissement pour les yeux, je perds parfois les noms mais tant pis. Je me suis régalée.

Par contre Charles commence à avoir envie de voir autre chose ! Il voudrait bien se régaler autrement ! Son estomac lui demande gentiment de penser un peu à lui. Marcher c’est bien, manger c’est mieux !

Bon alors, allons-y ! Allons faire un tour vers le marché aux poissons. Nous avons été très déçus de le savoir fermé le dimanche car il est réputé pour être le plus animé de Sicile mais avec un peu de chance on trouvera bien quelque chose à grignoter !

 

Magnifique étal de poisson avec des thons énormes !

« Prends-en de la graine, Pépère ! »

Brasero d’artichauts, ils ont un petit appareil, genre presse citron sur lequel ils écrasent l’artichaut pour ensuite le faire griller.

Arancini (boulette de riz panée et frite farcie de divers ingrédients), spécialité sicilienne, salade de poulpes et verre de blanc,  servis avec un grand sourire. Il faut dire que nous avons trouvé les Catanais fort souriants et sympathiques. Et bruyants. 

Avant de penser au dessert, je m’arrête devant l’ancien lavoir. Petite pensée pour toutes les femmes sans doute habillées de noir qui se retrouvaient là à frotter et rincer le linge, en discutant à vives voix, en chantant peut-être...

Bon, la spécialité sucrée de Catane c’est… le sein d’Agathe ! On ne va pas louper ça ! Donc, vite avant qu’il ne pleuve de nouveau, direction une pâtisserie. Et là, une vitrine complète de seins nous invite.

D’une blancheur laiteuse avec un mamelon bien rouge, ronds, doux……Ils n’attendent que Charles Ce sein est parfait. J’imagine la cuillère s’enfoncer dans une douceur agréable et fondante.  Je regarde Charles prêt à entamer ce délicieux gâteau. Mais chose curieuse la cuillère n’y arrive pas. Le sein est dur ! En fait le glaçage très épais enlève toute douceur. Je ne peux m’empêcher de penser à mon sein, le faux, celui qui est dur et froid. En fait le sein d’Agathe ressemble à mon sein qui n’en est plus un. Je n’ai aucune envie de le goûter. Charles ne le terminera pas. Beaucoup trop sucré.

En sortant du vieux quartier nous tombons sur le Palais Biscari, le plus vaste palais de Sicile, qui se trouve sur les anciennes murailles de la ville, élevées sur l’ordre de Charles Quint. Magnifiques fenêtres sculptées.

Nous nous arrêtons devant un marchand de fruits et légumes qui nous semble bien sympa.

Brocolis violet qui s’avèreront légèrement amer après la cuisson et perdront partiellement leur couleur.

Figues de barbarie à profusion. Ce qui me dérange dans ce fruit ce sont tous les petits grains.

Courgettes  fines et longues que je ne connais pas ! Pas facile à ranger !

Il est temps de rentrer. L’orage gronde.  Nous n’irons pas au pied de l’Etna. Nous ne le verrons même pas. Le brouillard nous en empêche. Je suis déçue, j’aurais aimé faire un tour là-haut, me rapprocher de son cratère et sentir sous mes pieds la chaleur qu’il dégage.

...Je me souviens de cette impression étrange de fouler le sol brûlant et de marcher entre les fumerolles que dégage une terre volcanique. Je me souviens de l’Islande, ce pays étrange et tellement beau qui nous a permis de vivre des moments exceptionnels.

Comme sur la péninsule de Reykjanes, à Gunnuhver où la terre semble vraiment vivante. Partout des fumées de gaz sortant de son ventre, nous assaillent et nous sentons la chaleur du sol à chaque pas que nous faisons.

La montée du volcan Eldfell sur les îles Vestmann, reste un moment unique. Nous étions seuls dans ce paysage hors du commun.

Même s’il est éteint, l’expérience de monter jusqu’à son cratère et voir les traces des coulées de laves jusqu’à la mer est impressionnant et m’a laissé une envie de recommencer.

Souvenir intense que j’aurais bien aimé revivre sur un volcan encore en activité et crachant continuellement  une fumée Tant pis, une prochaine fois. En tout cas, j’espère !

J’espère aussi ne jamais oublier. Mon cerveau gardera-il intacts ces souvenirs de voyage où j’ai vécu des moments magiques ?   Je ne sais pas, qui peut savoir ?

Tempête sur Milazzo, les vagues envahissent le ponton, l’Alcazar s’agite dans tous les sens, je suis brassée mais demain le calme devrait revenir. Et nous partirons vers Palerme, le nom me fait rêver. Des livres que j’ai aimés me reviennent « le Guépard » de Lampedusa qui m’a   donné envie de me pencher sur cette période de l’histoire italienne qu’on avait survolée sur les bancs de l’école. Mieux comprendre le Royaume des Deux-Siciles et Garibaldi qui choisit la Sicile avec ses mille chemises pour déloger les espagnols qui régentait l’île depuis trop longtemps. J’ai parlé de sa victoire à Milazzo, qui le conduira à offrir la Sicile au roi d’Italie.  Le chemin est ouvert pour l’unification de l’Italie.

« Oublier Palerme » d’Edmonde Charles-Roux qui décrit si bien la Sicile, mais aussi les Siciliens immigrés en Amérique pour trouver une vie meilleure. Et la mafia. Belle histoire d’amour qui se termine tragiquement.

Palerme, bientôt.

Plus d’un mois de navigation et le bilan est positif. L’Alcazar s’est bien comporté. Aucun souci avec le gréement, les moteurs tournent bien malgré leur nombre d’heures important (plus de 5000 !) IL faut préciser que le Capitaine en prend soin, comme il prend soin de ses voitures : un temps pour les chauffer, et éviter de les faire souffrir ! Tout l’équipement électronique fonctionne sans souci, l’éolienne se porte bien et la canne à pêche … pêche !

Pour ce qui est de l’intendance, aucun problème. Le frigo conserve bien NOS poissons, l’organisation à l’usage nous convient, ce qui n’était pas gagné ! Notre deuxième maison dans un espace réduit est au top !

Mercredi 17 octobre

Nous arrivons à Palerme en fin d’après-midi.

Partis de Milazzo le 15, nous avons donc quitté la Sicile Ionienne pour la Tyrrhénienne.

En longeant la côte nous avons découverts de nombreux villages les pieds dans l’eau traversés par des énormes aqueducs qui font parfois plusieurs kilomètres. Notre « logeur » à Catane nous expliquait que les constructeurs utilisaient du mauvais matériel et surtout du mauvais fer à béton. Que les calculs étaient faits pour un certains nombres de véhicules, mais depuis toutes ces années le nombre a évolué et rien n’a été revu. Il parait que tout le monde le sait. « C’est comme ça ! C’est l’Italie ! ». J’espère qu’avec le drame de Gênes ils vont revoir les choses et faire ce qu’il faut pour les améliorer. Mais vu le nombre d’aqueducs, ça ne va pas être simple.

Il fait un temps magnifique et les rayons du soleil me font un bien fou après ces quelques jours de pluie.

Nous voyons de très loin une drôle d’embarcation. On n’arrive pas à définir de quoi il s’agit. En se rapprochant on comprend que c’est un petit bateau de pêche croulant sous des nasses ! On n’a même pas vu le pêcheur !

Nous longeons Cefalu, ancien port médiéval entre la mer et un pic rocheux très impressionnant. Derrière le phare, nous voyons sa cathédrale-forteresse de très loin, tellement elle est énorme. Démesurée ! Les maisons serrées les unes aux autres donnent l’impression de tomber dans la mer et une immense plage, encore bien occupée, complète ce tableau idyllique.

Le vieux port a disparu au profit d’une nouvelle marina, beaucoup plus à l’est et très éloignée de la ville.

Quelques petites fausses notes mais il faut bien loger les très nombreux touristes !

 

 

Derniers regards vers Cefalu

Nous commençons la montée vers le Bastion Saint Remy en passant par des petites rues piétonnes ravissantes et des places charmantes

Nous trouvons un bon mouillage à Termini Imarese, une autre petite ville accrochée à la colline avec toujours une cathédrale qui s’élève très haut ! 

Grand soleil quand on lève l’ancre, ça promet une dernière belle journée de navigation avant d’accoster à Palerme. La côte est splendide, rocheuse, avec de belles maisons et des escaliers pour descendre à la mer.

Pour déjeuner, le Capitaine coupe les moteurs et s’arrête, comme ça, laissant l’Alcazar faire ce que bon lui semble. Pas un souffle de vent  et une mer lisse, sans ride, aucun danger, c’est le bonheur. Nous sommes devant l’Isolotto, petit rocher au capo Mongerbino Thon grillé et salade. Moment magique, dans un silence monacal que nous apprécions toujours un peu plus. Nous traversons l’immense golfe de Palerme en distinguant, tout au fond, la ville, toute en longueur. Elle est encore loin mais la mer commence à se charger de détritus, exactement comme autour de Naples : polystyrènes, sachets et bouteilles en plastique… Quel dommage. Le vent se lève enfin, 15-18 nœuds, l’Alcazar glisse et surfe sur les vagues qui se creusent vite. Mais tout est agréable, pas de secousse : le vent et les vagues sont dans le bon sens ! Nous essayons d’évaluer la hauteur des vagues. Comme toujours j’exagère sans doute un peu mais parfois elles sont drôlement impressionnantes.

Charles pêche un nouveau thon, (on ne les compte plus !)  Il en fera nos premiers sushis et sashimis. Un pur délice. Le thon fond sur la langue. Je voudrais que ça ne s’arrête jamais ! Je le dis et redis je ne pense pas que la gourmandise soit un vilain défaut.

Nous arrivons à Palerme en fin d’après-midi. Après le plein de gazole, nous trouvons un mouillage entre deux marinas. Pour une première nuit ça ira très bien. Quelques vagues mais le vent est totalement tombé, ça ne devrait pas trop bouger.Juste devant nous, un palais restauré au XIX ème siècle et transformé en hôtel cinq étoiles, le «Villa Igiea » sur le bord de mer.

Le lendemain matin, nous choisissons de nous amarrer au port. Visiter la ville en étant détendu, c’est toujours plus agréable. Il suffirait d’une grosse rafale de vent pour que l’ancre se décroche et que l’Alcazar glisse et vienne se fracasser contre les rochers. Scénario catastrophe, d’accord,  mais nous savons, par notre expérience que tout peut arriver.  

Petit souvenir lors de notre périple vers Corfou qui nous avait fichu une vraie trouille. Nous étions ancrés dans la baie de Cavtat, dernière ville de Croatie avant le Montenegro quand une petite mésaventure nous arriva après avoir été faire des courses dans le village en  prenant l’annexe.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

«… une surprise terriblement déplaisante nous attend ! Voire même, un véritable cauchemar !

Nous voyons l’Alcazar, notre Alcazar glisser doucement vers le bout de la baie et nous sommes là, sur l’annexe le moteur à fond pour tenter de le rattraper ! Mais l’annexe n’est pas une formule 1 !

C’est terrifiant de se rendre compte que l’ancre a lâché et que le vent qui s’est levé d’un coup pousse notre bateau inexorablement vers « l’ailleurs » .

Heureusement la baie est grande

Nous retrouvons avec une joie non feinte notre Alcazar que nous aurions pu perdre et décidons de décamper au plus vite de ce coin maléfique !

Nous remontons difficilement l’ancre qui s’est prise dans un énorme bout, sans doute le bout d’un corps mort abandonné au fond de l’eau. C’est pour cette raison que la « glissade » s’est faite doucement mais c’est aussi ce qui nous a trompés la veille en pensant notre ancre bien accrochée au fond.

Bon, plus de peur que de mal ! »

Alors pour éviter tout problème, nous allons trouver une place au port. Pas de souci on s’amarre le long d’un quai, une personne viendra quand notre manœuvre sera terminée pour nous dire qu’il faut téléphoner avant. Ok, Toto, mais nous n’avons trouvé aucune indication sur votre canal VHF. Nous avons bien essayé les 9 - 11 et 13 utilisés en principe par la plupart des marinas, et même celui des urgences le 16. Aucune réponse ! En général les canaux VHF   sont indiqués à l’entrée des ports et marinas. Ici, rien. 

Nous nous préparons pour une super marche car le centre historique de Palerme est à un peu plus de deux kilomètres du port. Comme ça fait deux jours que nous sommes sur le cata, nous allons apprécier de nous bouger un peu. En descendant du bateau nous apercevons un pêcheur sur sa petite barque, il n’y a rien d’extraordinaire à ça me direz-vous, puisque nous en croisons tous les jours. Mais très curieusement il emporte avec lui sa mobylette !

A méditer !

A Palerme les poubelles sont toutes cadenassées ! Re-méditer !

Nous traversons des rues sales et peu agréables, des embouteillages, des coups de klaxons continuels, des scooters qui filent vite sans se soucier de ce que vous voulez faire, vous au bord du trottoir. Les feux sont rouges mais certaines voitures passent quand même. Le rôle du piéton n’est pas de tout repos. Le linge qui pend à toutes les fenêtres, les femmes qui hurlent d’un balcon à l’autre…ça c’est la vraie Palerme.

Nous arrivons dans le cœur de la vieille ville, sur la piazza Quattro Canti. Quatre façades  parfaitement symétriques, ornées de fontaines surmontées elles-mêmes de statues pour les quatre saisons,  viennent ensuite les rois de Sicile et au final les quatre saintes patronnes de la ville ! Et oui, tout ça !

Eglises et Palais entourent sur la piazza Pretoria une immense fontaine de marbre datant du milieu du XVIème siècle. Petite histoire : « Cette fontaine a longtemps été surnommée la « Fontaine de la honte » à cause de la précision anatomique des statues masculines.

Les religieuses d’un couvent voisin avaient envisagé de les émasculer ! L’ont-elles fait ? Peut-être à les regarder de près ! »

L’église Saint Jean des Ermites dont les origines remontent au VIème siècle pendant la domination arabe a été convertie en mosquée avant de redevenir catholique au XIIème siècle. Elle jouxte l’église de Saint Cataldo de style arabo-normande et celle de Martorana où les offices sont célébrés dans le rite grec orthodoxe.

Charles ne peut pas passer à côté du cannolo, sans y goûter.

Spécialité sicilienne faite d’un rouleau de pâte aromatisée au marsala et au cacao, frit pour le rendre croustillant, garni d’une crème de ricotta sucrée parfumée à la vanille et parsemée de pépites de pistache.Ouf !

Calèche ou triporteur Piaggio, légende italienne sur trois roues ? Rien de cela, juste nos jambes qui commencent à être fatiguées !

La cathédrale de Palerme est dédiée à Notre Dame de l’Assomption. De style arabo-normand elle a été construite au XIIème siècle sur les fondations d’une ancienne basilique de l’empire romain, elle-même transformée en mosquée par les arabes au IXème siècle.

Elle renferme les sépultures de nombreux rois et de Sainte Rosalie, patronne de Palerme.

Pendant que je visite l’intérieur de la cathédrale, Charles ou Drago, comme vous voulez, reçoit un appel de son notaire, Maître Quénard, que nous saluons au passage bien chaleureusement en espérant qu’à notre retour à Sibuljina, il vienne nous rendre visite avec sa petite famille.

Des palais, transformés en musées ou en galeries d’art cachent parfois des cours étonnantes et souvent très belles. Et même pour un moment détente.

 

 Charles s’est découvert un Palazzo …Drago ! Ce palais du XVIII ème siècle abrite une galerie d’art contemporain et sa façade vient tout juste d’être rénovée.

Charles s’est découvert un Palazzo …Drago ! Ce palais du XVIII ème siècle abrite une galerie d’art contemporain et sa façade vient tout juste d’être rénovée.

Les nuages deviennenet de plus en plus sombres, je sens la pluie s’approcher, la pause déjeuner s’impose.

Nous choisissons une petite Trattoria familiale tenue par Michele et Iolanda. Décoration  kitch, attention de ne pas se prendre une casserole sur le coin de la tête. 

Pâtes aux sardines, spécialité sicilienne. Bon, les sardines, je ne les ai pas beaucoup senties, dommage. Et toujours les fameux « Arancini » cette fois ci à la carotte et au maïs. Nous trainons un peu devant nos verres de rouge, histoire que la pluie décide d’aller voir ailleurs ! Ce qu’elle fait sans traîner.

Un petit tour sur la Place du Parlement en passant par les jardins de la villa Bonanno où l’on peut voir de nombreuses variétés de palmiers cachant des vestiges de villas romaines.

Le Palais Royal ou Palais des Normands fut tout au long des siècles  tour à tour fort romain, château arabe, résidence des rois normands au XIIème siècle, puis enfin siège de l'Assemblée régionale de Sicile.

Insérée dans le palais, la Chapelle Palatine consacrée en 1143 possède de magnifiques mosaïques byzantines et un plafond à caissons de bois.

« La chapelle Palatine, la plus belle qui soit au monde, le plus surprenant bijou religieux rêvé par la pensée humaine et exécuté par des mains d’artiste. » dixit Guy de Maupassant.

La Porta Nuova au bout de la via Vittorio Emanuel, juste derrière le Palais des Normands, fut  construite en 1535 en l’honneur de la visite de Charles Quint dans le royaume de Sicile.

Le théâtre Massimo, le plus grand d’Italie, peut contenir près de 1400 spectateurs et près de 700 acteurs sur la scène ! En passant devant, le matin, impossible de s’en approcher : des centaines d’enfants se pressaient sur les marches, dans les cris et les bousculades. Ils allaient voir « le magicien d’Oz.

En rentrant le soir, plus personne, le spectacle était terminé ! Le théâtre retrouvait son calme.

 

Charles a déjà un petit creux, c’est pas croyable, il passerait son temps à grignoter.

Il veut absolument goûter à une autre spécialité le « pani ca meusa ». C’est un petit pain garni de rate de veau, cuit dans le saindoux. Pour un dératé c’est un comble ! Et une bière italienne, « la Moretti ».

Pour moi, un jus de grenade fera l’affaire.

En passant devant ce minuscule garage, nous avons une pensée pour Georges qui aime tant bricoler voitures et motos et qui emmène Agnès sur son side-car.

Coiffeur à l’ancienne. Manifestement ce n’est pas pour les cheveux !

Non, vous ne rêvez pas ! Un autre petit creux, ça sera beignets de maquereaux. Un truc bien gras.

 

Sur le chemin de retour, nous croisons un rond-point où s’élève une stèle en métal dédiée à la lutte contre la mafia. Ils ont du boulot !

 

 

Nous sommes éreintés, près de huit heures de marche dans un bruit terrible ! Inutile de vous dire que je vais apprécier le moment de retrouver le calme de l’Alcazar et m’allonger. Les yeux clos, je pourrai revivre cette journée dans le silence.  Et me préparer pour demain matin : il faut quitter le port à 7 heures ! Pas de grasse matinée.

 Nous quitterons Palerme, Capitale de la Culture 2018.

 

 

 

Vendredi 19 octobre

Nous prenons la direction de Trapani que nous atteindrons d’ici trois jours. La troisième pointe de la Sicile, la Sicile Africaine.

Temps couvert et une houle terrible me donne mal au cœur. Heureusement le soleil avale tous les nuages et nous offre une douceur bien agréable. La côte que nous longeons, les environs de Palerme, est magnifique. Aucun doute, c’est ma préférée, en tout cas jusque-là ! 

De grandes falaises calcaires tombent dans la mer, avec à leurs pieds des villages. Nous voyons bien depuis l’Alcazar tous les blocs de roches décrochés de la montagne, et disséminés sur les pentes herbeuses. Un phare entouré de remparts serait-t-il vraiment protégé des avalanches de rochers ?

Deux petits oiseaux se posent un moment sur le bateau pour se reposer. Certainement des bergeronnettes, vu la longue queue et les petites ailes. Nous les connaissons bien celles-là. En fin de journée à Sibuljina, elles sautillent sur le bord du couloir de nage et dès qu’elles voient un insecte sur l’eau hop, un petit coup d’ailes et l’insecte dans leur bec n’a plus aucune chance ! On les regarde, accrochées au filin jusqu’à ce qu’elles décident de reprendre leur promenade. 

Je regarde le bateau de pêche qui s’approche de nous à grande vitesse et je me demande ce qu’il fabrique à venir si près de nous. Je comprends vite qu’il est en train de poser ses filets. Dommage, le vent souffle trop fort, nous ne pouvons pas nous arrêter pour voir la manœuvre jusqu’au bout !

L’Alcazar file bon train, le vent de 15 nœuds nous pousse  et les vagues nous élèvent régulièrement. Je regarde le fil de la canne à pêche qui se tend par à-coups. Vite Charles-pêcheur remonte doucement sa prise. Vite je prends mon poste « d’épuisetteuse ». Et croyez-moi, ce n’est pas facile avec la vitesse du bateau le filet de l’épuisette  a tendance à se rabattre vers l’avant, bouchant l’entrée. En plus d’une seule main c’est assez compliqué, n’oubliez pas que de l’autre je me tiens au taquet, indispensable avec le bateau qui bouge énormément. Bon, enfin le thon arrive, je le vois briller, Charles-pêcheur me crie de le saisir, ouf  j’y arrive le voilà dans mon épuisette que je relève difficilement d’une seule main et que je passe au chef !

Il en fera plusieurs tranches, pour trois jours au moins. Sans oublier d’en réserver une partie pour des sushis et sashimis ! Ceux de la dernière fois étaient tellement bons que j’en redemande comme une gamine.

Il est content le Capitaine-pêcheur !

Nous nous approchons de San Vito lo Capo et découvrons la réserve naturelle du Zingaro. 
 

Sur la falaise, surnommée la mini Dolomite, de nombreux grimpeurs viennent pratiquer l’escalade et après l’effort, se jettent dans la mer. On dirait vraiment qu’un trait a été tiré sur toute la longueur tellement la falaise est régulière.

 

Nous longeons San Vito et de loin nous distinguons des baigneurs et des surfeurs sauter dans les vagues. Nous aurions aimé trouver un mouillage par ici, mais vu les vagues cela ne va pas être facile. J’avoue que j’en ai ma claque d’être sur un grand huit depuis ce matin. J’aimerais que ça s’arrête au moins le temps d’une nuit !

Nous contournons le cap pour passer de l’autre côté de la pointe, certainement mieux protégé.

Le paysage est encore plus beau. Je ne pensais pas que c’était possible ! Il me fait penser au col du Mont Cenis dans la vallée de la Maurienne, au printemps. Les montagnes et les pâturages verts bien gras dont vont se régaler les vaches  tarentaises !

Le calme enfin ! En passant de l’autre côté de la pointe nous sommes protégés du vent et la mer est paisible.

Paysage insolite que cette montagne posée sur la mer, ressemblant à une tête, la bouche un peu ouverte !

Le bateau ne bouge plus, comme c’est agréable et reposant ! Le soleil inonde de ses derniers rayons les pentes qui rejoignent doucement la mer. Quelques  maisons par ci par là, totalement isolées.

Nous descendons l’ancre juste devant un joli petit hameau. Passer la nuit dans ce décor de rêve, que demander de plus ?   Je ne me lasse pas de regarder autour de moi. Peut-être parce que le mélange mer montagne me plaît ? C’est ce que j’aime chez nous à Sibuljina : la mer et le Vélébit derrière la maison.  Je m’endors ce soir après une magnifique journée de navigation, dans la réserve du  Montecofano,  avec l’idée qu’un jour nous puissions monter son sommet de 650 mètres et avoir une vue magnifique sur Trapani et les îles Egades.

Samedi 20 octobre

Dernier regard sur ce paysage hors du commun, où nous étions seuls au monde. Ce matin, à l’aube, un pêcheur est sorti de chez lui, tirant sa barque jusqu’à la mer pour aller poser ses filets devant sa maison.

Pas un bruit, l’eau est cristalline. Nous levons l’ancre et je quitte cet endroit avec regret.

Nous hissons la GV même si le vent n’est pas encore au rendez-vous.

 

Je vaque à mes occupations mais je me sens fatiguée ce matin. Pas la grande forme. Peut-être l’accumulation des derniers jours où nous avons eu une mer houleuse et difficile. Je ne dormais pas très bien, et un semblant de mal au cœur ne me quittait pas. Mais ça va aller.

Heureusement le soleil est là, le vent ne souffle pas trop fort, pas assez d’ailleurs (jamais contents, les navigateurs !) Nous naviguons vers Trapani.

Très vite, nous apercevons la péninsule où s’étend la ville, tout en longueur, comme posée sur la mer. On contourne les remparts d’une vieille forteresse. On cherche un bon mouillage derrière le port, protégé le mieux possible du vent du Nord car il va souffler pendant quelques jours !

Nous allons donc rester ici, le temps que cela se calme car Trapani est notre point de départ pour rejoindre la Sardaigne. La traversée va durer deux jours et une nuit et je n’aimerais pas essuyer des vents à 20-30 nœuds !

Voilà, le Capitaine a trouvé le mouillage parfait ! Devant la vieille citadelle (encore une vue bien agréable !)

Allez ! Le mousse, au boulot !  Chaque fois que je descends l’ancre, je vis un léger stress qui me casse les pieds ! La dernière fois la chaîne est sortie du guindeau et s’est déroulée entièrement jusqu’à la corde de sécurité dans un bruit infernal. Surtout enlever les mains ! Bon, rien de grave, le Capitaine est arrivé tel Zorro, et a remis tout ça en ordre. C’est-à-dire remonter le bout de sécurité et remettre la chaîne sur le guindeau. Mais depuis j’ai la trouille que ça recommence. Je fais doucement car je la vois parfois qui prend un mauvais chemin. Bon, ça me passera j’imagine à force de lever et baisser l’ancre !

******

Notre mouillage est parfait. Nous n’avons pas bougé, pas dérivé et pourtant le vent a soufflé très fort à partir de 4 heures du matin.  La tempête devrait arriver lundi en fin de matinée, il faut donc aller faire un tour aujourd’hui. Il fait encore beau et chaud, le vent est tombé, profitons-en. Allons découvrir Trapani que les Grecs appelaient Drepanon en raison de sa forme en faucille qui semble diviser la mer Tyrrhénienne et la mer Méditerranée. Cette petite cité vit de la pêche au thon, de l’extraction et du commerce du marbre et du travail du corail.

Il nous faut à peine cinq minutes en annexe pour rejoindre le port. Nous attachons notre petit zodiac en face du ponton des gardes côtes, ça peut dissuader ! Nous n’aimerions pas du tout revenir et ne plus le trouver. Vous me direz nous sommes juste à côté d’une statue de la Madone, Protectrice de la mer, elle devrait nous surveiller tout ça !

Nous quittons les quais où attendent les ferries en partance pour les îles Egades et nous nous trouvons très vite devant un petit café. Les rues sont encore vides à cette heure-ci et en plus nous sommes dimanche, jour de messe et inutile de préciser que les églises sont pleines ! Et des églises il y en a !

Celle du Collège des Jésuites a été construite par les Pères de la Compagnie de Jésus dans la première moitié du XVIIème dans un style baroque.

Les origines de l’église de San Lorenzo remontent au XIIème siècle mais ce n’est qu’au XVIIIème qu’elle prend sa forme actuelle.

L’église du Purgatoire avec sa façade ondulée et coiffée par les statues des douze apôtres.

L’église Saint-François d’Assise : son dôme vert et ses deux petits clochers rouges que nous apercevons de loin en arrivant par la mer.

La rosace de l’église Sainte Dominique, date du XIVème siècle. Cette église a été construite par les Pères Dominicains de retour de croisades.

 

Des ruelles étroites, des palais se disputent le regard des touristes.

 

 

 

Nous poursuivons sur le cours Vittorio Emanuele et tombons sur le Palais Sénatorial. Sur sa façade du XVIIIème siècle trois niches abritent les statues de la Vierge de Trapani, Saint Jean Baptiste et Saint Albert, Patron de la ville. L’horloge et le datographe de chaque côté de l’aigle royal ont été ajoutés en 1827.

Juste à côté de ce palais l’ancienne porte « Obscure » avec la tour horloge astronomique où sont représentés un cadran solaire et un cadran lunaire.

Une petite faim de Sieur Charles nécessite un arrêt dans une pâtisserie bien appétissante ! Il regarde les gâteaux et pendant ce temps…

…je regarde l’horloge ! Voyez-vous tout ce que je vois ?

Pour rejoindre l’autre côté de Trapani, nous passons devant l’ancienne place du marché aux poissons où trône une statue de Vénus sortant des eaux. Le lieu semble bien calme. En saison cette place accueille de nombreuses manifestations culturelles. Ça la change des poissons !

Après avoir traversé la vieille ville nous retrouvons la mer de l’autre côté puisque Trapani est une presqu’île. Une jolie balade le long de la plage, en forme de croissant nous fait faire le tour de la ville par l’extérieur.

Nous sommes en Sicile et chose curieuse une des spécialités de Trapani c’est le couscous ! N’oublions pas que nous sommes dans la Sicile Africaine ! Donc curieux comme nous sommes nous ne manquons pas le couscous !

Après ce bon repas arrosé d’un vin rouge local, nous reprenons nos petites jambes déjà bien fatiguées et repartons vers le port.

Petit clin d’œil : dans la plupart des petites rue de Trapani, nous voyons des sachets poubelles pendre au bout d’une corde. Les habitants descendent leurs poubelles de cette manière et ils remontent de la même façon leurs commissions !

Si un jour vous arrivez à Trapani en train, vous verrez la gare est pas mal du tout ! et propre !

Cette fois-ci nous empruntons les quais et passons devant la place Garibaldi. Ici aussi les Trapanesi honorent le « Père de l’Italie ». C’est à Marsala, à une trentaine de kilomètres au sud de Trapani qu’il avait débarqué avec ses mille chemises pour sauver la Sicile du joug espagnol.

Ce joli banc m’appelle. Je ne résiste pas à son côté "romain" !

Voilà, notre annexe nous attendait, aucun souci pour qu’elle nous ramène sur l’Alcazar ! Nous retrouvons avec plaisir le « Castillo de la Colombaia » (Château du pigeonnier) construit lors de la première guerre punique sur le petit îlot à l’entrée du port, à des fins militaires. Quatre étages et 32 mètres de haut. Les Arabes lors de leur conquête l’ont utilisé comme phare et ensuite les Aragonais au Moyen-Age l’ont reconstruit sous la forme octogonale actuelle. Sous Charles Quint il devint une forteresse. Transformé en prison de 1821 à 1965. En 2010 l’Etat a transféré le bien à la région sicilienne qui a annoncé sa restauration.  

Encore une belle journée. Nous attendons la tempête qui devrait arriver cette nuit et rester jusqu’à mardi soir.

Nous partirons donc pour la Sardaigne mercredi matin dès le lever du jour.

Mercredi 24 octobre

Problème au moment de lever l’ancre à 7 h 30 ce matin. Pour 8 mètres de fond, nous avions descendu 50 mètres de chaines pour être au top de la sécurité et ne pas dériver avec les fortes rafales prévues. Chose payante puisque l’Alcazar n’a pas bougé d’un iota pendant la tempête. Par contre ce matin nous avons eu beaucoup de mal à la remonter.  Des bouts et des filets de pêche mélangés aux algues et à la terre glaise s’étaient enroulés autour de la chaine ! Incroyable ! Vite,  le couteau « plongée » de Charles avec lequel il se met à découper ce gros tas de cochonneries. On a compris pourquoi notre ancrage a si bien tenu. « Pêcheurs de mes couilles » dixit le Capitaine ! Il nous a fallu une bonne demi-heure pour libérer notre ancre et enfin la remonter.

Nous prenons donc avec un peu de retard la direction de la Sardaigne à 153 miles. En principe une journée et demi et une nuit de navigation. La météo nous prévoit un vent d’ouest de 15-18 nœuds (donc de face, ce qui ne va pas être drôle, les premiers miles) mais qui doit s’orienter Sud (ce qui est parfait pour nous). N’oublions pas que tirer des bords devrait être la solution mais avec un catamaran sans grande dérive, cela ne sert pas à grand-chose. La mer est très agitée et nous sommes balancés dans tous les sens. Effectivement nous prenons le vent pleine face et les vagues avec. Et quelles vagues ! Elles déferlent sur le bateau sans épargner le Capitaine. Pas franchement agréable.

Nous naviguons vers le petit archipel des îles Egades que je ne connais pas, déclaré réserve marine depuis 1991, il fait le bonheur des plongeurs.

Favignana, l’île la plus grande et la moins sauvage doit son nom au vent chaud et sec venant de l’ouest, le favonio. Des plages et des grottes font le charme de ce petit bout de terre ressemblant à un papillon posé sur la mer et transformée en bagne au moment du fascisme.

Une des grottes de l’île de Levanzo, riche en restes archéologiques, abrite des dessins remontant à 15 000 ans. La plus petites des trois îles avec des falaises vertigineuses et un beau phare au capo Grosso.

Enfin, Marettimo la plus éloignée et la plus élevée, cache elle aussi de nombreuses grottes. Elle est « sans voiture » et des mulets sont encore utilisés pour le transport des hommes et des marchandises​​​​​​​.

La principale ressource de ces îles était la pêche au thon rouge. Les bancs de thons traversaient  les eaux des Egades pour se reproduire sur les côtes de la Sicile. Pris au piège dans des filets de plus en plus petits, ils tombaient dans la « chambre de la mort ». Les pêcheurs ne laissaient aucune chance aux thons, ils les massacraient au harpon. Cette pêche traditionnelle, la Mattanza,  ressemblait à une corrida marine. Heureusement depuis 2007, elle s’est arrêtée pour cause de raréfaction des thons.

Aujourd’hui les Egades se tournent vers le tourisme. Les familles de pêcheurs ouvrent des auberges ou organisent des tours en bateau pour les touristes. 

En ce moment, ce n’est pas la joie, le vent de face, de plus en plus fort, les vagues de plus en plus hautes ont raison de moi. Je commence à avoir un léger mal de mer. Impossible de faire quoi que ce soit : ni écriture, ni lecture, rien. Je m’installe à côté du Capitaine et je regarde l’horizon. Les rafales atteignent 25-28 nœuds et je ne suis pas, je l’avoue, totalement détendue. Ce qui n’arrange pas le mal de mer, je le sais bien. Mais je me rends compte que je ne suis pas tétanisée par la peur. Je m’endurcis ! Je ferme les yeux, je ne veux plus voir ces vagues qui montent et descendent inexorablement. J’essaie d’occuper mon esprit. 

Je pense à mon petit Maë qui a aujourd’hui 9 ans. Le temps passe si vite. Cette année je ne me suis pas trompée de jour. Je l’ai appelé juste avant de partir. D’habitude je suis soit en avance, soit en retard ! Drôle de grand-mère n’est-ce pas ? Que de moments nous avons partagés en Croatie. En petit bricoleur, il m’a aidée à peindre, piquer les murs, faire les gabions, arroser le jardin mais aussi en petit cuistot digne de son papa, combien d’apéritifs a-t-il préparés ?

Je pense à Emma qui va bientôt avoir 14 ans, une toute petite jeune fille, jolie comme un cœur, secrète, sensible avec qui j’aimerais passer plus de temps. Je me souviens que petite je l’emmenais au musée et qu’elle aimait être dans mes bras à regarder les toiles. Passionnée de cheval, elle a laissé tomber la peinture. Dommage, elle faisait déjà de bien jolies choses. J’ai deux petits tableaux qu’elle a peint, un à Sibuljina, l’autre à Vucetinec

​​​​​​​Et ma Virginie, et ses drôles d’idées ! Et des idées, elle en a !

 

Et Pierre-Jean qui voulait adopter le chien de Vucetinec !

Bon, penser ne me fait pas partir ce mal de mer qui s’incruste.

Navigation vraiment merdique. En plus, nous ne voyons aucun changement dans l’orientation du vent. Aucune amélioration des vagues. Au contraire, tout va crescendo !

Impossible de cuisiner, ça bouge trop. De toute façon je ne peux rien avaler. Charles aussi est barbouillé mais il tient la barre comme un vrai Capitaine !

Petit intermède bien sympathique : une petite bergeronnette se pose sur l’Alcazar. Contente de trouver un endroit pour se reposer au cours de sa migration. Elle picore les miettes de pain que nous lui donnons et fait un petit tour à l’intérieur. Plutôt rassurée, elle décide de rester pour la nuit.

Nous nous rappelons lors de notre premier voyage sur l’Alcazar entre le continent et la Corse :

Dans l’après-midi, un petit compagnon nous arrive : une petite alouette décide de se reposer sur notre bateau, certainement épuisée par une longue migration. Elle s’approche si près de nous que nous pouvons presque la caresser ! Elle mangera les petits insectes qui tombent du ciel on ne sait pas comment puisqu’on est au milieu de la méditerranée ! Elle s’endormira cachée vers le mât. Mais elle ne survivra pas au froid de la nuit… Tristesse.

Le coucher de soleil précède le lever de lune. On se prépare à notre nuit.

Notre bergeronnette passe la nuit dans le carré, au chaud, tout près de moi qui suis allongée, toujours avec ce mal de mer qui ne passe pas !

Charles se fait  la nuit presque complète, je le remplace seulement deux petites heures. Là, le mousse n’a pas assuré une cacahouète ! Je suis comme un légume.

Dès le lever du soleil, Charles ouvre la porte du carré, notre petite copine s’envole aussitôt. Nous sommes contents de la voir en pleine forme.

Le pire dans tout ça, c’est que nous n’avons avancé que de 50 miles en 24 heures ! Donc et pour moi c’est un cauchemar, il nous reste 105 miles. Et 105 miles, c’est encore une nuit en mer ! Là, je suis au fond du trou !

La journée n’est pas facile mais elle passe. Le Capitaine s’occupe bien de son petit mousse qui finalement  commence à se sentir mieux. Il lui prépare des petits sandwichs biscottes au fromage jambon pour la requinquer et lui enlever la migraine qui a remplacé le mal de mer ! 

Et pour clôturer cette journée, Charles Pêcheur remonte …une dorade Coryphène d’au moins trois kilos. Ça remonte le moral, juste avant la nuit.

La pleine lune scintille sur la mer et c’est tout de suite moins angoissant. Je prends la barre de minuit à trois heures du matin, musique sur les oreilles. Seule dans la nuit, j’écoute les compositions de mon petit frère Christophe qui me touchent toujours en plein cœur. Tant d’émotion. Il a un don pour la musique, découvert tardivement mais qui est là ! Je suis fière et remplie d’amour.

La nuit passe doucement. Charles prend la barre et s’allonge de temps en temps pour se reposer. Pas de danger, notre route n’est pas très fréquentée. Juste deux bateaux croisières nous ont croisés et le radar et l’A.I.S. sont en marche. Evidemment.

Le jour se lève et le vent se calme et enfin change de direction. On arrivera un peu plus vite. Une houle remplace les vagues mais n’est pas trop désagréable.

Enfin vers 8 heures nous apercevons la Sardaigne, très loin, il nous reste une trentaine de miles. Je les ferai assise à côté du Capitaine. Nous écoutons pour passer le temps des émissions que nous avons podcastées. Tout d’un coup je vois foncer sur moi un petit OVNI que je reçois en pleine joue assez violemment.  Très surprise, je regarde l’OVNI tombé à mes pieds et là, chose incroyable Charles ramasse un petit calamar d’une dizaine de centimètres de long. On s’interroge : comment est-ce possible ? On n’aura pas d’explication mais c’est un fait très étrange.

L’île Serpentara, toute en longueur, située en face de Villasimius, réputée pour ses immenses plages de sable blanc et ses eaux cristallines.

On cherche un mouillage, on en trouve un parfait dans la baie de Giunco.

Il est 14 heures, nous jetons l’ancre et crevés nous prenons une bonne douche et déjeunons d’un vrai repas. Dorade et salade de tomates !

Et…dodo !

Au loin l’île rocheuse de Cavoli, à la pointe sud de la Sardaigne accueille un phare construit sur une ancienne tour de guêt.

Samedi 27 octobre

​​​​​​​Nous levons l’ancre après une vraie bonne nuit et quittons cette jolie baie. Encore une fois un spectacle magnifique ravit nos yeux.

Pas de vent mais une côte magnifique qui me fait penser à la Corse de Sud. De longues plages de sable, des rochers arrondis qui tombent dans la mer et qui me rappellent particulièrement les îles Lavezzi, petit paradis au sud de Bonifacio que nous avons eu la chance de découvrir avec ma sœur Chantal grâce à Anne et son mari, sur un bateau.

Les îles Lavezzi restent pour moi la perfection. Je me souviens de l’eau turquoise qui nous permettait de voir les coquillages posés sur le sable au fond de l’eau, les poissons qui semblaient n’avoir peur de rien, les rochers en granit, bien ronds, presque blancs délavés par le sel de la mer qui selon notre imagination représentaient tel ou tel animal, le petit cimetière de marins, la plupart partis vers le paradis blanc après le naufrage de la Sémillante. Le silence. Tout était parfait. Nous étions seuls. Comment est-ce aujourd’hui, cinquante ans plus tard ?

Encore des tours génoises, comme en Corse, vestiges des anciens territoires de la République de Gênes.

 

Une tour du XIIème siècle contre les tours du XXème !

 

En début d’après-midi avec un petit vent de 10-12 nœuds, nous arrivons dans le golfe de Cagliari appelé la « Baie des Anges ». Selon une légende Dieu voulut récompenser ses anges en leur offrant un lieu qu’ils choisiraient sur terre. Ils s’arrêtèrent dans le golfe de Cagliari, fascinés par la beauté du lieu et ses eaux cristallines…

Nous apercevons la très longue jetée du port qui semble gigantesque. Je n’aime pas les arrivées dans ces ports immenses, où les énormes bateaux de croisières déversent leurs milliers de touristes. Et là, ils sont trois. On imagine le monde dans les petites rues de Cagliari. 

En face du port, les quais et les immeubles colorés sur la Via Roma, la plus grande avenue de Cagliari. 

Le Palazzo Baccaredda a été construit dans un style « gothique catalan » avec des décorations Art Nouveau au début du XXème siècle pour recevoir le siège de la mairie. La vieille ville s’élève à l’arrière et notre promenade découverte s’annonce sportive, ça doit sacrément grimper ! Nous verrons ça plus tard.

Le GPS nous indique à l’intérieur du port plusieurs marinas. Dans un premier temps, nous cherchons la station d’essence. Et impossible de la trouver. Pourtant elle est bien inscrite sur le GPS. Nous tournons autour de toutes les marinas et au bout d’une heure nous distinguons au loin l’enseigne Agip.

Ni une, ni deux, je prépare les bouts pour l’accostage. Et là, nous voyons la pompe mais rien pour amarrer. Pas de quai ! Incroyable ! On se demande comment c’est possible un truc pareil. Bon, on laisse tomber la station, le vent commence à forcir et il est temps de se mettre au calme. Nous restons dans cette marina même si c’est l’une des plus éloignées du centre-ville. Amarrage sans problème le long d’un quai. Il fait encore beau et nous remettons à plus tard le grand nettoyage du bateau. Après ces jours de navigation mouvementée il a vraiment besoin d’être lavé de toute l’eau salée qu’il a reçue. Je dois aussi m’occuper de l’intérieur. Mais là, pas du tout envie. La balade nous appelle. Nous suivons la longue et large passerelle en bois qui suit le bord de mer jusqu’au port principal.

Nous nous arrêtons pour observer un curieux jeu, inconnu pour nous, le kayak-polo. Deux équipes en kayak s’affrontent avec un ballon sur l’eau. Le but du jeu, mettre le ballon dans les paniers en hauteur avec les mains mais aussi pouvoir s’aider des pagaies. C’est un peu brouillon mais ils ont l’air de bien s’amuser. 

Nous continuons notre chemin et de nouveau nous nous arrêtons. Nous assistons en direct à l’une des manifestation « octobre rose » organisée dans toute l’Europe et destinée à sensibiliser au dépistage du cancer du sein et à récolter des fonds pour la recherche. Je reconnais tout de suite le ruban rose et je regarde un bon moment ces « Pink Amazon » avec, je l‘avoue, un pincement au cœur. Souvenir toujours présent de ce cancer  qui m’a volé un sein…

Bon, ce n’est pas le moment de tomber dans une petite déprime, la vie est belle ! 

Il nous faut presqu’une heure pour atteindre le centre-ville.

La Basilique de Notre Dame de Bonaria, sur l’une des collines de Cagliari, l’édifice religieux le plus important, terminé en 1926. De nombreux papes la visitèrent : Paul VI, Jean-Paul II et Benoit XVI.

​​​​​​​

Nous commençons la montée vers le Bastion Saint Remy en passant par des petites rues piétonnes ravissantes et des places charmantes.

Nous passons la Porte des Deux Lions, pour accéder au château. Elle tire son nom des deux sculptures représentant des têtes de lion au-dessus de la porte.   

 

On arrive au Bastion Saint-Remy, impressionnante fortification du XXème siècle en pierre calcaire blanche construite pour relier la partie basse et la partie haute de Cagliari à l’aide d’un escalier imposant. Un ascenseur a depuis été ajouté.

La vue est magnifique sur la ville en contre-bas et  la « Baie des Anges ».

Au fond de l'imposante esplanade Umberto I, le Theatro civico.

Encore un banc bien sympathique !

Petite anecdote : D.H. Lawrence, auteur de « L’amant de Lady Chatterley » surnomma Cagliari « la Jérusalem Blanche » en raison de la blancheur des façades du Bastion Saint Remy, édifiée sur sept collines tout comme Jérusalem.

La cathédrale Sainte-Marie construite au XIIIème siècle par les Pisans a subi de profonds remaniements tout au long des siècles jusqu’à la première moitié du XXème où elle a été rénovée en s’inspirant de la cathédrale de Pise.

En face de la cathédrale, un porche  de toute beauté.

Nous redescendons vers le bas de la ville, en passant par les rues piétonnes noires de monde. Il est 18 heures et c’est le moment de la « Passeggiata », promenade traditionnelle que font les Italiens avant de diner. Cette coutume rassemble jeunes et vieux, familles et couples pour  un moment de convivialité, ils marchent doucement, s’arrêtent boire un verre ou manger une glace,  souvent habillés de leurs plus beaux habits. En Croatie c’est la « Korza », moment privilégié de rencontres.

Nous mangerons notre première pizza italienne avant de retrouver l’Alcazar.

 

Mardi 30 octobre

  Quatre jours à Cagliari à cause de la tempête !  Des vents à 45 nœuds nous clouent au port et nous sommes drôlement  secoués ! Le vent siffle, les cordes frappent les mâts, les drisses claquent.    Les nuits n’ont pas été des plus reposantes ! Mais bon, je ne vais pas me plaindre. Nous avons un abri.

Nous sommes prudents et préférons nous arrêter pour ne pas casser quelque chose sur le bateau ou déchirer les voiles. Ça serait dommage car n’oublions pas que la traversée de l’Atlantique est notre but. Bon, j’avoue aussi qu’au-dessus de 25 nœuds je ne suis pas au mieux !

Nous avons fait notre plein de fruits et légumes au marché San Benedetto, le plus grand de la ville. (Mais certainement pas le plus économique !)

Nous remarquons une chose curieuse à Cagliari il y a un nombre incroyable de restaurants japonais ! Sushis à gogo ! Allez savoir pourquoi ?

 

Petit clin d’œil : des petites maisons-bateaux à moteur, à louer …

La tempête de ces derniers jours prend le large et nous pouvons enfin envisager de repartir. Charles profite de cette fin de journée plus calme pour faire une petite révision de ses moteurs. Tout va bien, ils sont d’attaque pour continuer notre voyage !

Bon, n’oublions pas le gazole. Puisqu’il n’y a pas de station dans les marinas, il va falloir se débrouiller. Charles fait le plein avec ses trois bidons de secours et ensuite va à la station d’essence à 500 mètres en poussant un charriot dans lequel il a posé ses trois bidons ! Il fera deux voyages. C’est vraiment un truc de fou que dans un port aussi grand il n’y ait pas de vraie station sur un quai. En fait si, il y en a une à l’autre bout du port, là où sont amarrés les très gros navires. Mais (toujours le fameux mais…) le gazole est à 2 € le litre. Déjà très cher en Italie, mais là là c’est vraiment abuser !

Et le mousse pendant ce temps, il fait quoi ? Un truc que j’adooore… la cuisine ! Je prépare un maximum de petits plats : légumes, riz, sarrasin, lentilles. Utile pour notre traversée vers les Baléares prévue pour cette fin de semaine.

​​​​​​Mercredi 31 octobre

Nous quittons Cagliari avec un beau soleil, un vent d’Est de 10-15 nœuds qui ira très bien pour continuer la pointe Sud de la Sardaigne : Pula, Teuleda…

Premier souci avec la drisse de la GV au moment de la hisser. Mais finalement résolu entre deux grosses rafales ! On prend d’entrée deux ris, on ne sait jamais. Deuxième souci avec le génois. Au moment de le dérouler, on se rend compte qu’on a oublié de détacher le bout de sécurité que Charles avait mis avant le gros de la tempête. Bon, j’y vais en marchant à quatre pattes et j’aime autant vous dire que  l’avant du bateau me semble loin, très loin. Enfin j’arrive, je me hisse jusqu’au nœud du bout et le dénoue d’une main car de l’autre je m’accroche au génois. Ce n’est pas tout, il faut revenir. Toujours à quatre pattes. Mais de quoi ai-je l’air ?

Nous atteignons au fond de la baie la raffinerie qui me semble très active. Nous ne comptons pas moins de 10 pétroliers qui ont jeté l’ancre et attendent leur tour. J’en vois aussi deux autour de la jetée qui déchargent leur pétrole et je suis étonnée de voir les cales sortir de plus en plus de l’eau. Charles se moque gentiment de moi, je lui réponds « j’observe » !

La navigation dans cette zone demande de la concentration.  En effet nous croisons de nombreuses balises délimitant le chenal pour les pétroliers.

Bon, je suis plus tranquille après avoir passé cette raffinerie. Ma tranquillité de va pas durer longtemps.

En fait de vent prévu à 10-15 nœuds on atteint très vite les 25-30 avec des vagues déferlantes qui nous aspergent et là, je sens  la peur apparaître sournoisement. Première vraie frayeur depuis notre départ de Croatie. Les vagues sont énormes et il est très difficile de les mesurer mais j’ai l’impression qu’elles vont nous engloutir. Et la peur c’est comme le doute : quand elle s’installe…

Le Capitaine n’est pas inquiet, je scrute son visage discrètement de la même façon que les passagers d’un avion, terrorisés regardent l’hôtesse de l’air. Il me réexplique qu’il en faudrait beaucoup mais beaucoup plus pour qu’un catamaran se renverse. N’empêche. Je vois les deux coques de l’Alcazar plonger (bien sûr ressortir aussi) et à chaque fois, l’intensité de ma peur prend un degré ! La côte est magnifique mais j’avoue ne pas en profiter. Ce que je me demande c’est à combien de mètres elle est. 200 mètres me dit Charles en ajoutant que « ce n’est rien pour toi, tu l’atteindras facilement à la nage ». C’est vrai mais sans compter la panique, les vagues, le vent, la température de l’eau et …les poissons !

Je m’accroche à tout ce que je peux  car nous tanguons dangereusement. Mes muscles sont en tension maximum tout comme la peur. Pour couronner le tout, le vent forcit et change d’orientation. Il nous vient de face et là, nous n’avançons pas. Heureusement, nous avons pris deux ris au départ au cas où. Bien réfléchis !

En début d’après-midi, nous passons le cap de Pula et le vent se calme et descend à la prévision de 10-15 nœuds.  

Je sens le stress et l’angoisse me quittaient. Enfin ! Je peux ouvrir de grands yeux et profiter du paysage que m’offre le sud de la Sardaigne. 

Des tours espagnoles sur des îlots couverts de figuiers de barbarie. 

Au loin, le site archéologique de Nora dont nous apercevons quelques colonnes. Mais nous sommes loin et ne pouvons absolument pas nous approcher à cause des vagues. Je lirai pour assouvir ma curiosité : des thermes, un théâtre, (accueillant aujourd’hui des concerts et des spectacles pendant l’été), de belles demeures (sur la photo on en distingue les colonnes), des traces de voies romaines, des habitations et les fondations carthaginoises du temple de Tanit, déesse punique de la fécondité.

En face, sur un pic rocheux une tour espagnole, la Tour Coltelazzo.

Entre le cap Pula et le cap Spartivento la côte est verte, parfois parsemée d’oliviers d’un vert tirant sur le gris, des villas se fondent dans la végétation, des plages, des falaises...

 

Nous voyons de loin la tour espagnole de Chia datant du XVIIème siècle qui annonce la petite ville du même nom. Station balnéaire très prisée pour ses belles plages. Les fanas de surf  y trouvent de belles vagues. Ceux qui préfèrent les sites anciens pourront se promener sur le site archéologique de Bithia.

Bientôt le phare de Spartivento, « divise-vents ». Construit en 1866, il est le cinquième plus ancien phare de Sardaigne. Depuis sa rénovation en 2006, il a été transformé en hôtel de luxe. Suites luxueuses et deux piscines au pied du phare, un cinéma souterrain et un restaurant ! Et en plus une navette gratuite vous emmène sur la plage de votre choix. Bon, il faut bien compter 500 € la nuit.

Un vol d’oiseaux, sans doute des étourneaux capte notre attention. Nous les regardons un long moment virer, prendre de l’altitude, redescendre toujours dans un même mouvement d’ensemble, parfaitement cohérent. Un véritable ballet. Tout à coup ils changent de cap et nous abandonnent.

Les rochers posés sur la mer sont beaux et purs mais certainement très dangereux la nuit pour les navigateurs.

Nous approchons de Porto di Maifatano,  baie où nous poserons l’ancre. Curieusement fermée par une petite digue, nous n’avons pas accès tout au fond. Dommage, nous aurions été plus à l’abri du coup de vent annoncé pour cette nuit. Quelques bateaux de pêche nous tiennent compagnie. Réveillés vers minuit à cause du fort coup de vent mais pas de souci, nous ne dérivons pas, nous sommes bien accrochés. Nous pouvons nous rendormir tranquillement.

Jeudi 1er novembre

Nous levons l’ancre au lever du jour pour rejoindre plus au nord, l’île de San Pietro. Cette île volcanique de l’archipel des Sulcis doit son nom, selon la légende à la visite de l’Apôtre  Pierre en l’an 46 mais nous ne la verrons jamais. En effet, après avoir bien regardé les différents sites de météo, ces trois prochains jours sont les mieux adaptés pour notre traversée. Ils annoncent une tempête sur Minorque qui doit se déplacer à l’ouest dès le samedi matin. Pas de souci, nous y serons samedi dans la journée vu les vents favorables de 12-15 nœuds prévus.

En plus, de nombreux bateaux prennent la direction des Baléares, cela nous conforte dans notre décision.

Nous profitons donc des derniers paysages de la Sardaigne, dernières tours, dernières falaises de granit escarpées tombant à pic dans la mer. Le côté sauvage de cette île et la gentillesse des Sardes nous donnent l’envie d’y revenir en voiture cette fois-ci pour la parcourir d’Est en Ouest et du Nord au Sud.

Je me fais doucement à l’idée de cette traversée qui va nous faire passer deux nuits en mer. Je me sens fatiguée par le dernier jour de navigation et je ne me voyais pas prendre la mer si vite. Les 216 miles qui nous séparent des Baléares ne seront pas de tout repos. Mais bon, la météo devrait être bonne, c’est l’essentiel.

Le temps est magnifique mais la mer houleuse déclenche le mal de mer.

Nous nous amusons à regarder un voilier croisant notre chemin qui disparaît entre deux ondulations de la mer.

Comme il m’est impossible de lire ou écrire, je ferme les yeux et mon esprit vagabonde… Je pense à Sibuljina, c’est le moment de cueillir les olives et nous n’y serons pas. Des amis Slovènes vont les ramasser pour nous mais ce moment me manque car il est toujours agréable même s’il n’est pas de tout repos.

Chaque année de cueillette nous avons eu la chance d’avoir un joli soleil, je souhaite à Blanka, Samo et Tim la même chose !

Mais voilà, nous  vivons une autre expérience, et nous ne pouvons pas être partout. Là, nous voguons vers Minorque, un bon petit vent nous pousse, la mer est un peu agitée mais tout va bien. Le pêcheur espère, mais sa canne à pêche reste silencieuse. Nous écoutons les émissions que nous avons enregistrées : Robespierre, Cléopâtre, Catherine de Médicis. On plonge dans l’histoire et le temps passe.

Quelques dauphins, une tortue que je ne verrai pas, l’Alcazar filant trop vite.

Le vent vers 18 heures gagne en intensité et nous prenons deux ris pour être tranquille. La nuit tombe et il fait vite noir car la lune est cachée par les nuages. La nuit passe et enfin le jour se lève.

Malheureusement le vent change d’orientation et de force : il nous vient de face avec des rafales à 18-22 nœuds,  la mer est de plus en plus agitée. On commence à s’accrocher partout car ça « balance pas mal aujourd’hui ». Je commence à me dire que les prévisions météo ne sont pas très justes.

Ça n’empêche pas le pêcheur de s’occuper de sa canne. Il a raison puisqu’il sent très vite une touche. Et une sacrée touche, la canne se plie sous le poids du poisson. Vite l’épuisette, mais là je me dis qu’avec la mer qui bouge et le poids du poisson je n’arriverai jamais à réussir ma mission. Charles arrive tant bien que mal à ramener l’énorme poisson jusqu’à l’arrière du bateau et là, surprise, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un petit requin. Heureusement il arrive à se décrocher, soulagement car nous ne l’aurions de toute façon pas gardé. Retirer l’hameçon de la gueule d’un requin, même petit, reste délicat. Cette mésaventure se répètera encore deux fois. Mais la troisième fois le requin beaucoup plus gros a tout arraché. Adieu à notre leurre tellement efficace.

Nous sommes vendredi 2 novembre, l’enfer va commencer ! 

Lundi 5 novembre

J’ai du mal à me remettre de ces trois derniers jours, tous mes muscles sont encore tendus, ils me font mal. Je suis épuisée, vidée. J’ai du mal à trouver les mots pour dire tout ce que j’ai ressenti pendant ce cauchemar.

Retour sur ces trois derniers jours.

Le vent forcit de plus en plus, toujours de face. Les rafales atteignent les 30 nœuds et nous avons du mal  à avancer. Nous avons un minimum de voilure pour éviter la casse. Les vagues se font de plus en plus grosses, véritables déferlantes qui arrosent le bateau avec une force incroyable.

Je pense à la nuit qui arrive, aux angoisses terribles qui m’habitent, au mal de mer qui est bien installé.

La nuit passe. Charles somnole à côté de moi en sortant dehors toutes les vingt minutes pour vérifier que le pilote automatique n’a pas de souci. Nous dérivons légèrement, il fait le point et vient me retrouver.

Samedi arrive enfin et je comprends que jamais nous n’arriverons comme prévu en fin de journée. La météo s’est bien trompée. La tempête prévue sur Minorque s’est étendue à l’Est, à mi-chemin de la Sardaigne. Nous sommes en plein dedans.

Je suis tétanisée par la peur. Des vagues de près de cinq mètres, des vents à 35 nœuds, des rafales à 38. Comment ne pas être terrorisée ? Tout valdingue dans le bateau,  notre théière en inox traverse le carré, tous nos appareils électroniques sont sortis de leur rangement et se trouvent par terre, la vaisselle dans les placards valsent, de l’eau de mer s’infiltre partout… c’est Hiroshima ! 

Vacarme terrible. Mer démontée, vagues par-dessus le catamaran,  bôme qui tape, drisses qui claquent. Je suis allongée sur la banquette et je vois ces vagues énormes qui s’abattent sur le pont du cata, les deux coques qui plongent de plus en plus.

Dans un état d’épuisement total avec l’angoisse de mourir vraiment, j’ai l’impression d’être dix ans en arrière quand je revenais de mes séances de chimio. La peur au ventre, la fatigue intense, les nausées. Je n’arrivais à rien, je n’étais qu’une petite chose terrorisée par ce qui m’arrivait et  effrayée par ce que l’avenir me réservait.

Voilà, j’en suis là. Je ne peux rien ajouter.

Charles n’est pas inquiet, il a confiance en son bateau mais il sait aussi qu’il peut y avoir de la casse à cause de ces intempéries qui poserait de sérieux problèmes.  Il est aussi et surtout très embêté et chagriné de me voir dans cet état. Mais que peut-il faire ?

Samedi vers minuit enfin on voit les lumières de Minorque. Mais le cauchemar est loin d’être terminé !  Il nous faudra encore une bonne heure pour arriver à proximité de l’entrée du port de Mahon. Je sors de ma léthargie pour affaler le peu de voilure que nous avons gardée. Je m‘accroche bien et chose curieuse le fait de sortir dans cette tourmente ne décuple pas ma peur.

Les vagues toujours aussi hautes nous cachent les lumières. Elles arrivent tel un mur sur nous et c’est le trou noir pendant quelques secondes. Une horreur. En plus de ça le moteur droit s’arrête. Nous voilà avec un seul moteur !

Nous devons passer la presqu’île de la Mola  pour rejoindre le début du chenal qui conduit au port de Mahon. Nous le connaissons depuis la terre ce port. Nous y sommes venus  voir un catamaran en 2015. Donc nous savons comment est fait le port.

Mais pour l’instant impossible de passer la presqu’île. Les vents de 28-30 nœuds, les vagues empêchent le capitaine de prendre la direction souhaitée. Il bataille pendant près de 3 heures et fait la même manœuvre. Il s’approche, veut virer à gauche et tac… il se retrouve à droite ! Je lui dis que les courants marins doivent être terribles au large de cette presqu’île.

Enfin, sans savoir pourquoi, il essaie de remettre le moteur en marche et…il redémarre. Ouf !  il réussit enfin la manœuvre et prend donc la direction de l’entrée du port. Des balises rouges et vertes partout ! De nuit il est quasi impossible de prendre le bon chemin. En plus, les rafales de vent nous font dériver et comble de malchance le moteur droit nous lâche à nouveau.

Je suis prête à lancer un message de détresse « mayday ! mayday ! mayday ! » Seulement Charles me répond que nous ne sommes pas sur le point de couler !

Le moteur redémarrera quelques minutes pour s’éteindre définitivement.

Nous n’arriverons pas à entrer dans ce fichu port. Je suggère à Charles de tourner en rond pendant la petite heure qui reste avant le lever du jour. Il a une meilleure idée, il va essayer  d’amener le bateau devant la fameuse presqu’île et jeter l’ancre dans une petite crique qu’il a vue sur le GPS. Pas vraiment abritée mais quand même bien orientée par rapport au vent. Encore une sacrée  bataille avec un seul moteur. Je me demande encore comment on y est arrivé !

Toujours est-il que nous avons jeté l’ancre, à six heures du matin. Je dois dire Charles a descendu l’ancre manuellement, puisque le guindeau dépend de ce moteur droit qui ne fonctionne plus.

Allongés habillés et  humides, nous nous sommes écroulés…jusqu’à 9 heures du matin. La faim nous a réveillés. Rien mangé pendant deux jours ça creuse ! On se rendormira jusqu’à midi. Charles endosse son costume bricoleur et met les mains dans le moteur. Quant à moi, je vais ranger et nettoyer ce bateau qui ne ressemble plus à rien !

Charles sort la tête de temps et temps pour me tenir au courant : le démarreur est HS. En plus, la tempête a tellement brassé le réservoir que toutes les impuretés ont fini par boucher le filtre à gazoil qu’il a bien fallu nettoyer et déboucher. C’est chose faite. Pendant que Charles bricole il détecte un nouveau couinement et s’aperçoit que le safran droit s’est désolidarisé de la barre. Il resserre les vis de blocage.

Voilà pourquoi il nous était impossible de nous diriger correctement devant la presqu’île : avec un seul moteur et un seul safran diriger un catamaran avec des vents violents est mission impossible.

Il ne peut donc réparer le démarreur mais il trouve une parade pour que nous puissions demain nous amarrer au port. Il va démarrer le moteur gauche, démonter son démarreur et le remonter sur le moteur droit pour pouvoir le  faire fonctionner. En plus nous pourrons utiliser le guindeau pour remonter nos cinquante mètres de chaînes et l’ancre.

Inutile de préciser que nous nous couchons presque avec le soleil… Il y a encore tellement de vent que l’Alcazar a la danse de Saint Guy, nuit et jour. J’ai besoin de calme ! Ma nuit est ponctuée de cauchemar et je me réveille moyen-moyen. Je sais bien qu’après une aventure comme celle de ces derniers jours il me faut plusieurs jours de repos, sans navigation.

Quand le jour se lève Charles fait sa petite manip et les deux moteurs ronflent. Ouf ! Enfin on va pouvoir se poser au port. Je lève l’ancre et avec toutes ces vagues et le stress que la chaine se coince je ne suis pas au top ! Mais bon, c’est parti. Pas pour longtemps !

Refaire la manœuvre à l’envers. Charles sent que quelque chose ne va pas au niveau du safran. Je suis au bout du rouleau. Chaque geste me demande un effort considérable, les larmes me brouillent le visage, pas facile d’y voir quelque chose. Redescendre l’ancre, au moins quarante mètres et attendre les nouvelles.

Je ne sais pas comment fait Charles. Il ne râle toujours pas, il ne souffle pas. Quand nous en parlons il me répond juste « mais à quoi cela me servirait ? »  En effet mais bon…

En fait, assez vite il se rend compte que la vis du safran s’est cassée en deux ! Donc la revissait ne servait à rien. Il redémonte et cogite pour trouver une parade. Il sort la disqueuse, le groupe électrogène et vas-y petit ! Je le regarde encore une fois étonnée de voir tout ce qu’il sait faire. (Mais attention, il a aussi des défauts !) Il meule les vis de blocage en forme de pointe, sachant qu’une seule sera vraiment efficace en attendant de faire la réparation définitive au port.

Pendant ce temps je regarde un aigle qui vole au-dessus de nous, je m’imprègne de notre crique où se situe la Forteresse Isabel II et je prends une décision. Je ne ramènerai pas notre Alcazar en Croatie à la fin de notre belle aventure. Rien n’était décidé mais, là, aujourd’hui je sais. Je suis tout à fait partante pour continuer le voyage mais le retour, mon retour se fera en avion. Voilà. Je ne sais pas ce que Charles décidera pour lui mais j’espère qu’il me suivra ! Trouver un convoyeur ne devrait pas poser de problème, nous verrons tout cela plus tard.

En tout cas je peux dire une chose importante : aucune tension ou dispute entre le Capitaine et son Mousse, même dans ces conditions extrêmes où nous avons parfois des réactions difficiles, irréfléchies ou irraisonnées. Ce n’est déjà pas si mal. Serions-nous un couple solide ?

Quand je réfléchis à ces moments de frayeur intense avec un certain recul, je suis étonnée d’une chose. Nous avons tous ou à peu près tous, une vraie difficulté à vivre le moment présent. Toujours perturbés soit par le passé soit par l’avenir. Un rien nous éloigne de cet instant présent et se recentrer sur lui demande souvent un véritable effort. Et là, dans un moment de stress et d’angoisse terrible je me rends compte qu’il m’était impossible de quitter cet instant présent. J’y étais accroché et aucune pensée ne me sortait de ce moment. Comme j’aurais aimé que mon esprit flâne ailleurs ! Comme j’aurais souhaité penser à autre chose qu’à ce mouvement incessant des vagues qui nous submergeaient ! Pas moyen ! Ah ! L’instant présent je l’ai vécu, je l’ai gardé au chaud, sans effort, pas besoin de concentration.

Ma seule distraction était de tenter de respirer normalement. Car je n’y arrivais pas. Le réflexe respiration semblait m’avoir quittée. Je suffoquais, je manquais d’air. Je me concentrais sur ma respiration pour la dompter à nouveau. Un peu de sophrologie mais très difficilement !

Près de trois heures après on peut lever l’ancre. Au boulot !

Le vent a encore forcit mais je sais que dès l’entrée du chenal nous serons protégés. C‘est parti  pour de bon cette fois-ci.

Nous suivrons ce trois mâts d’un autre temps…

Nous atteignons enfin le chenal ! Il est nettement moins angoissant de plein jour et nous pouvons enfin regarder le paysage. Nous longeons « notre presqu’île » où se situe la forteresse Isabel II  ou forteresse Mola, construite entre 1870 et 1875 pour défendre le port de Mahon. Elle servira plus tard de prison militaire.

Les voyageurs du début du XXème siècle subissaient la quarantaine sur l’île de Lazaret, à l’entrée du port, avant de poser un pied sur Minorque.

L’île du roi, au milieu du port, a abrité le premier hôpital militaire construit par les anglais au XIXème siècle.

Des villas et de véritables petit villages de chaque côté de ce chenal d’environ cinq kilomètres.

Nous en voyons enfin le bout et apercevons en hauteur la vieille ville de Mahon.

J’ai une petite pensée pour Patrick et Chantal. Au début du XIXème siècle, leurs ancêtres, Minorquins avaient choisi de quitter la terre aride de cette île balayée par les vents, pour l’Algérie, nouvelle colonie française. Avoir de quoi nourrir leurs familles et vivre décemment leur importaient plus que tout. Albert Camus avait lui aussi des aïeux Mahonnais partis vers cette terre nouvelle qui cherchait non seulement de la main d’œuvre mais aussi des jeunes femmes, pour fonder des familles. Les hommes étaient travailleurs, les femmes courageuses. D’ailleurs l’assiduité au travail de ces Mahonnais est mise en exergue dans un article de 1854 :« Quant au Mahonnais, à moins que vous ne passiez par là un dimanche, ne le cherchez pas dans l’habitation, ni aux alentours, ni encore moins dans un cabaret, il est au champ avec tous ses fils, travaillant sous le soleil ardent avec cette assiduité et cette persévérance sans lesquelles il n’y a pas de vrai cultivateur. »

Nous allons jusqu’à la Marina Menorca, le dernier petit port, tout au fond du canal. Les gardiens du port sont adorables et nous aident à l’amarrage, comme s’ils sentaient que nous étions bien fatigués ! Enfin, l’Alcazar ne bouge plus. Mais alors plus du tout ! Et ça, c’est un vrai bonheur !

Comme je le disais plus haut, nous avions passé quelques jours à Mahon pour voir un catamaran « L’Alcanada » qui était à vendre. Il nous plaisait beaucoup, mais son prix élevé nous en avait détournés. Nous le retrouvons aujourd’hui, amarré au même endroit ! Est-il toujours à vendre ?  

Mardi 6 novembre

Enfin, une bonne nuit, une vraie nuit. Mon Dieu que ça fait du bien ! Dormir vraiment, sans être sur le qui-vive,  sans être balader de droite à gauche, d’avant en arrière, sans stress que l’ancre lâche. C’est Byzance ! Nous récupérons doucement mais je sens que je vais mieux !

Me réveiller avec  cette jolie vue, ça remonte drôlement le moral !

Nous avons envie de marcher. Marcher ! Ça tombe bien nous avons des choses à faire. Avant de penser à la promenade, nous devons trouver un démarreur ! La marina nous a donné des adresses, espérons que nous trouverons notre bonheur. Un démarreur tout neuf et en stock ! Super. Nous rachèterons également une rame car la tempête nous en a volée une !  Charles se procurera également les outils nécessaires pour fabriquer une nouvelle vis pour son safran. En fait, il est obligé de retarauder le bras de levier du safran à une dimension légèrement supérieure. Et tout devrait aller bien !

Nous finirons cette première matinée à Mahon dans un petit resto, sur le port. Détente, enfin. Nous goûtons la fameuse soubressade (viande de porc hachée assaisonnée de poudre de piment rouge) et une soupe minorquine à base de pois chiches et de poissons. Un vrai régal. L’estomac rempli, nous sommes prêts pour une balade à travers les rues presque désertes. En effet, les Minorquins et les Espagnols en général vivent au ralenti entre 14 h et 17 h. Les magasins sont fermés et rares sont les autochtones à se promener.

Nous retrouvons avec plaisir les endroits que nous avions aimés.

L’église Santa Maria  date du XIIIème siècle mais a été reconstruit par les Anglais au XVIIIème. Ils occuperont Minorque pendant plus d’un siècle.

 

Le Roi Alphonse III d’Aragon a chassé les Arabes de Minorque au XIIIème siècle et il a fait de Mahon  un grand port commercial. Sa statue,sur la place de l’église Santa Maria a été offerte par Franco aux Mahonnais.

Flâner, sans but véritable me fait un bien fou. Je sens que je recharge mes batteries…

Une petite faim ? On s’arrête dans un endroit très sympathique. Je goûte le sablé minorquin … il fond dans la bouche, pas trop sucré mais particulièrement …beurré !

Des messages sur les murs retiennent notre attention. Comme ils disent vrai !

Quand le soleil se couche nous redescendons vers le port. Il nous faut prendre de nombreuses marches car la vieille ville de Mahon est à plus de cinquante mètres au-dessus de la mer ! Je sens la fatigue me gagner. Pas la peine d’insister… J’ai hâte de retrouver l’Alcazar.

Mercredi 7 novembre

Avant de nous balader, nous faisons tout ce que nous avons à  faire sur le bateau : Charles s’occupe de son taraudage, remonte le nouveau démarreur et prend le costume de petite couturière. En effet, le lazzy bag a beaucoup souffert pendant la tempête et il a besoin de quelques réparations. Quant à moi je remets de l’ordre. Il faut savoir que les moteurs du cata se trouvent sous les couchages des deux cabines arrières. Donc pour y accéder Charles enlève tout ce qui s’y trouve. Et ces cabines nous les utilisons pour ranger nos affaires et notre stock (droguerie, parfumerie et pharmacie) bien rangés dans des grosses boites en plastique. Donc je transporte ces boites d’une cabine à l’autre ! Pas follement intéressant mais particulièrement fatiguant !

Bon, tout est ok, nous pouvons aller nous promener et surtout marcher. Car marcher, demain, nous n’en aurons plus l’occasion puisque nous reprenons la mer.

L’église Saint François d’Assise reconstruite au XVIIIème siècle est un bel exemple de l’architecture religieuse Minorquine. Elle domine la ville et de la terrasse voisine,  nous admirons la vue sur le port et la rade de Mahon.

La mairie, néoclassique du XVIIème siècle avec une belle horloge offerte par le premier gouverneur britannique Richard Kane.

La porte Saint Roch, avec ses deux tours de défense, vestige de l’ancienne muraille d’enceinte de la ville, date du XIVème siècle.  

L’église del Carmen est dédiée à la Vierge del Carmen, Patronne des Pêcheurs . Construite au milieu du XVIIIème siècle après des négociations entre les Carmélites et le gouvernement anglais de l’époque. Les Franciscains en ont ralenti la construction, ils ne voulaient pas d’une église carmélite ! Avant la fin des travaux les Carmélites ont été expulsées. 

Son cloître attenant abrite un marché des boutiques et des restaurants.

 

Cour d’un ancien bâtiment militaire.

Charles mange, je me repose !

  

Encore une ruelle qui nous mène sur la corniche pour un autre point de vue sur le port.

Les fameuses chaussures Minorquines, les Avarcas.  La fabrication de chaussures est une tradition Minorquine depuis le XIXème siècle. Dans les années cinquante un paysan crée un modèle de sandales résistantes, pratiques,  confortables et adaptées à la chaleur. Depuis, elles font fureur jusqu’à la cour d’Espagne !

Un dernier regard sur l’ancien couvent de l’église Saint François d’Assise qui abrite aujourd’hui le musée Menorca.

 

Nous rejoignons l’Alcazar, pour une dernière nuit dans le port de Mahon, le plus grand port naturel de la Méditerranée. Demain Nous prenons la direction de Cala Agulla, petite crique au Sud de Mahon.

Jeudi 8 novembre

Bon, aujourd’hui c’est Champagne ! Charles souffle ses bougies. J’espère que nous aurons une bonne journée de navigation, ça serait un beau cadeau !

Nous partons au lever du jour, remonter le chenal va nous prendre pas mal de temps, la vitesse étant limitée à trois nœuds. 

Des sternes pêchent en plongeant dans la mer, chacune à leur tour, juste devant nous. Beau spectacle. 

Nous allons longer Minorque et la laisser derrière nous pour rejoindre Majorque. Il fait beau mais frais. C’est le moment de sortir nos vêtements chauds. 

Charles-Pêcheur se met à la confection d’un nouveau rapala. Il a acheté un petit poisson qu’il va mettre sous son faux calamar. Espérons qu’il soit aussi efficace que celui que le requin nous a mangé ! Bon nous verrons ça !

Nous avons un bon vent de 12-18 nœuds qui nous fait vite avancer. Nous naviguons à 6-7 nœuds sans être bousculés et ça c’est génial.  Les vagues sont régulières et dans le bon sens.

Je peux lire un peu sans avoir mal au cœur. 

La côte que nous longeons est faite de petites falaises, percées de grottes coiffées de petites maisons. Pas de plage.

Nous apercevons Majorque. Encore quelques miles et nous atteindrons la plus grande île des Baléares. Réputée pour ses stations balnéaires et ses falaises calcaires.

Il y a du spectacle au niveau de la canne à pêche ! Charles remonte un thon, assez gros, bien accroché, je n’ai donc pas besoin de jouer avec l’épuisette. Je prépare la petite seringue de vodka. D’ailleurs la bouteille a pris un sacré coup depuis notre départ ! Bon, le leurre a l’air de bien marcher ! Charles remet sa canne à l’eau, et dix minutes après, une nouvelle touche ! Incroyable, deux thons en une demi-heure ! Nous aurons droit non seulement à des filets grillés mais aussi à des sushis et sashimis. Le bonheur !

La cala Agulla approche, j’espère que le mouillage sera tranquille et qu’on ne sera pas trop ballotté.

En tout cas, l’endroit est magnifique et nous sommes bien protégés, nous apprécierons notre petite coupe de champagne.

Bon anniversaire, Chaaarles !

Vendredi 9 novembre

Pas besoin de partir tôt pour une fois. Nous devons faire le plein de gazole et cela n’ouvre qu’à huit heures. Et comme c’est juste de l’autre côté de la pointe, on flemmarde, comme c'est bon  

Toujours les mêmes falaises.

Nous prenons du gazole dans le petit port de Cala Ratjada. Le vent souffle à 18 nœuds et ce n’est pas simple de s’amarrer. En plus le pompiste n’a  aucune envie de donner un coup de main. Le pire arrive au moment de repartir : le vent nous pousse contre le quai et j’essaie avec la gaffe et mes jambes de le repousser. Le pompiste ne fait toujours rien. C’est comme ça.

 

 

 

Nous reprenons notre route. Le vent souffle fort et nous l’avons une nouvelle fois face à nous. Navigation difficile et fatiguante. Ça ne peut pas être le top tous les jours !

Encore quelques miles et nous nous arrêterons à Porto Cristo pour la nuit.

Une fois amarré, une petite aigrette pas farouche se pose sur l’Alcazar.

Samedi 10 novembre

Il fait à peine jour quand nous quittons Porto Cristo. Le vent devrait être bon pendant les deux prochaines heures, il faut donc en profiter. Nous hissons la GV juste à la sortie du port et effectivement un bon petit vent de 12-15 nœuds nous pousse.

Le ciel est magnifique, tout est coloré en mauve, voilà des moments magiques.

Le soleil se prépare, mais des nuages le cachent .

Nous retrouvons les paysages de falaises avec des villages de maisons blanches, des villas perchées au bord des falaises. Je me demande comment ils font pour descendre jusqu’à la mer se baigner.

Parfois (souvent) des erreurs : des immeubles énormes remplacent les jolies villas. Dommage.

Le vent est totalement tombé, nous avons affalé la GV, roulé le génois. Nous tentons un mouillage tranquille dans une toute petite anse.

Mais elle s’avère trop étroite, nous repartons vers une autre crique un peu plus au sud.

Bon œil ou mauvais œil ? Je choisis le bon ! 

Nous voilà à Calo de Marmols, une crique qui se termine par une mini plage. Comme c’est beau ! 

Nous sommes protégés du vent mais pas des vagues. Malheureusement ça bouge beaucoup. J’ai peur que la nuit ne soit pas terrible. 

On profite des rayons du soleil pour manger nos sushis sashimis avec un peu de champagne. La vie est douce…

 

Dimanche 11 novembre

« Domino, éclaire-nous ! » Nous remarquons depuis quelques jours une énorme étoile à l’Est, au soleil levant. C’est d’ailleurs la seule qui reste dans le ciel avant le lever du soleil. Est-ce bien une étoile (elle semble bien blanche) ou serait-ce une planète ?

En tout cas, elle me fait plaisir, c’est la dernière « allumée » et elle nous accompagne dans nos premiers miles.

Les falaises disparaissent pour laisser place aux forêts de pins. Le soleil se lève sur la pointe de Salinas et son phare, donnant une teinte rosée aux rochers. A ce moment précis des premiers rayons du soleil, il s’éteint. 

Le vent est bon, 15-18 nœuds, notre allure a un bon rythme. La nuit a été agitée, nous étions effectivement bien protégés du vent mais pas des vagues ! Sommeil entrecoupé et toujours à l’affût de ce qui peut arriver, en l’occurrence que l’ancre lâche. Et dans la nuit noire tout devient compliqué ! Heureusement nous n’avons pas dérivé. Bon une bonne prochaine nuit nous requinquera.

Cela nous fait deux mois de navigation, forcément nous accumulons un peu de fatigue. Mais nous voyons tellement de coins magnifiques, de lumières magiques, nous vivons tant de moments uniques que le jeu en vaut la chandelle. Avoir le temps, laisser le temps filer doucement au rythme des heures, retour sur les choses essentielles, se retrouver, reconnaître ses limites et surtout les accepter. Etre vrai.

De nouveau des falaises après la pointe Cabo Blanco. Celles-ci sont immenses et sauvages pas de maison, pas de village. Seul un vol d’étourneaux que nous regardons un long moment au-dessus du phare. Toujours fluide, dessinant des arabesques, se séparant en petits groupes pour mieux se retrouver. C’est vraiment intéressant de les voir danser, même intriguant. Comment fonctionnent-ils ? Suivent-ils un chef ?

Drôle de nuage juste au-dessus de cette falaise. Il nous fait penser à celui du Vélébit en Croatie nous annonçant la Bura, vent du Nord particulièrement violent.

Nous traversons la baie de Palma à vive allure. Immense ville, Palma (jumelée à Ajaccio) nous livre de la mer ses immeubles sans grand intérêt. Si nous nous étions arrêtés nous aurions sans doute découvert des trésors à l’arrière des buildings, mais la grande ville ne nous tente pas. Bien sûr j’aurais aimé voir l’immense cathédrale de La Seu, sur le bord de mer, longue de 109 mètres, ce qui en fait la deuxième plus grande après celle de Séville. Impressionnant.

Sentir l’atmosphère particulière du couvent Sainte Claire et pourquoi pas goûter aux petits biscuits confectionnés par les religieuses entre deux prières ? 

Me promener dans la vieille ville et peut-être passer devant la maison de Joan Miro, peintre que j’aime beaucoup qui a vécu à Palma jusqu’à sa mort.

Sortir de Palma pour nous promener dans le petit village de Valldemossa, chercher l’ancien monastère de la Chartreuse, où George Sand et Chopin ont passé l’hiver de 1838-39. Me replonger dans la vie de ce couple mythique qui a vécu quelques années de véritable passion. L’épisode « Majorque » ne fut un bon souvenir ni pour Chopin, ni pour George Sand.

Et pourtant qui ne s’en souvient pas ? Certainement pas Marcus, mélomane, qui me l’a gentiment rappelé dans un de ses mails.

Avec toujours un bon vent de 15 et 18 nœuds, nous poursuivons notre navigation et dépassons la petite île del Toro, réserve marine régie par une réglementation stricte pour la pêche, interdite entre les mois de Mai et Octobre.

Petit paradis pour les plongeurs, avec une mer transparente et une multitude de variétés de poissons.

Nous nous approchons du Port d’Andratx et nous revoyons d’immenses falaises de calcaires. Majorque, c’est vraiment l’île aux falaises abruptes qui plongent dans la mer.

Le port d’Andratx est là  et une bouée nous attend. J’espère que la nuit sera plus calme que la dernière.

Charles se prépare un whisky coca et …un bon cigare !

Lundi 12 novembre

Dès le lever du jour on « lâche » notre bouée. J’entends le vent souffler, d’après nos instruments à 15-18 noeuds. Avant d’attaquer la pleine mer, on hisse la GV et… problème. Le troisième coulisseau est sorti de sa glissière. Redescendre la voile et retourner à la bouée. Recommencer la manœuvre (j’en ai maaaarre !) Charles va chercher ses outils et répare le coulisseau et rajoute quelques petites billes qui  sont sorties de leur logement. Bon, trois quart d’heure plus tard, on est prêt ! Rebelote. Cette fois est la bonne, tout va bien.

A la sortie du port, le vent souffle à 18-20 nœuds et nous atteignons la vitesse de 9 noeuds. Jamais eu ça depuis le début de notre voyage.  Le bateau glisse sur une mer peu agitée, c’est génial. Pas de secousse, pas trop de bruit. Si ça continue comme ça nous serons à Ibiza, dernière île des Baléares en tout début d’après-midi. ​​​​​​​

Ibiza, célèbre aujourd’hui pour sa vie nocturne et ses nombreuses boîtes de nuit. Mais ne pas oublier qu’elle fût l’île des hippies il y a de nombreuses années. J’y ai passé une semaine avec une amie, Martine, l’année de mon premier divorce. Visites et souvenirs de fête surtout pour moi car Martine a eu une sérieuse insolation.

Ibiza ne sera qu’un passage pour nous pour rejoindre le continent.

Nous passons la pointe Moscarte pour arriver dans une petite crique où nous jetterons l’ancre,

Portinax, bien sympathique, bordée d’une plage. Et dans la mer, des baigneurs !

Charles, une nouvelle fois, met son costume de couturière …

 

 

 

Mardi 13 novembre

Ce matin on a traîné. Comme c’est bon de prendre son temps devant un bon café au lait et des délicieuses crêpes ! On lève l’ancre à neuf heures ! Direction Port Many, tout à l’Ouest d’Ibiza, le meilleur endroit pour rejoindre ensuite le continent.

Petite pensée pour Maman que sa famille appelait Many. « Mon Dieu que tu m’as manqué toutes ces nombreuses années, que tu me manques encore aujourd’hui moi qui ai un âge que tu n’as jamais atteint. Ton choix de quitter la vie pour rejoindre ton Amour a coupé les ailes de tes enfants.

Qu’en serait-il si les séracs de la Brenva n’avaient jamais chuté ?»
Cœur serré,   larmes au bord des yeux, là sur ce bateau, je pense si fort à vous mes frères et sœurs, à nous  cinq unis tels les doigts d’une main, pour toujours. Des hauts, des bas, des différences de caractères, évidemment, mais toujours de l’Amour.

Petit moment de nostalgie, je me reprends, je me recentre…

Ibiza et ses falaises (encore des falaises !) recouvertes parfois de pins parasols, la pointe de  Castellar, qui nous ouvre le chemin de la petite baie qui protège le village de San Antonio-Port Many.

La baie nous accueille pour un mouillage tranquille. L’ancre est jetée en début d’après-midi. Une envie de paëlla nous prend et  ni une, ni deux, nous descendons l’annexe. Nous avons remarqué une mini plage où nous pourrons l’attacher pendant notre déjeuner.

Juste au-dessus de la plage un vieux phare coincé au milieu d’immeubles. On se demande comment ils ont pu construire ces horreurs juste à côté de ce phare. J’imagine qu’il n’est plus en fonctionnement mais quand même, quel dommage !

Nous retrouvons l’Alcazar qui n’a pas bougé, après une petite promenade qui nous a dégourdi les jambes.

Demain, nous partons de bonne heure pour Xabia (en valencien) ou Javea (en castillan), notre premier point de chute sur le continent espagnol, entre Valence et Alicante sur la Costa Blanca. Le couturier Cristobal Balenciaga, surnommé le « Couturier des Couturiers » y mourut en 1972.

Traversée d’un peu plus de 40 miles. On espère un bon vent comme hier pour nous pousser. En principe la météo prévoit des vents bien orientés entre 10 et 20 nœuds, parfaits pour une bonne navigation.

Nous verrons tout cela demain.

Mercredi 14 novembre

Nous quittons Ibiza et traversons plusieurs  îles et îlots avant la pleine mer. La plus grande,  Conillera est inhabitée, juste un phare.

Le soleil dans la brume se transforme en auréole et inonde ces îlots d’une jolie douceur. C’est vraiment le plus joli coin que j’ai vu des Baléares.

Pas beaucoup de vent (encore une fois mauvaise prévision) et pas un poisson ! Charles a beau changer, rechanger de leurre, faux poisson jaune, ou bleu, ou encore gris, rien n’y fait !

En fin de journée, il remonte sa canne dépité, et que voit-il ? Plus rien au bout du fil ! Son leurre a fichu le camp. Le nœud a dû se défaire ! Pas de chance. Le budget rapala commence à grimper.

Nous arrivons sur Javea en fin d’après-midi. J’ai lu que cette ville a été désignée par l’Organisme Mondiale de la Santé comme la ville ayant le deuxième meilleur climat au monde  après Rio de Janeiro. Ce qui veut dire que nous devrions avoir chaud, même en cette période de l’année. Eh ! Bien ça commence mal. Il fait gris, de nombreux nuages couvrent le ciel, le vent du Nord est froid et la pluie est prévue.

Dommage les nuages nous cachent le Montgo, petite montagne de 753 mètres qui fait un barrage naturel et protège la ville du froid en hiver. Nous ne le verrons pas.

Pas de vraie place au port, nous accostons contre un quai réservé aux bateaux autorisés. J’imagine qu’en cette saison, à 18 heures nous ne gênerons personne.

Nous voilà sur le continent. Nous faisons le point sur les miles : il nous en reste près de 280 à faire jusqu’à Malaga et nous en avons déjà avalés 1450 !

Jeudi 15 novembre

On quitte Javea et notre quai « réservé » sous la pluie. Pas drôle, mais il fait plutôt chaud : 19° à huit heures, je pense au classement de l’OMS, il n’a peut-être pas tort.

Une belle tour de Guet au Cap d’Or, à la pointe de Moraira, a été construite au XVIème siècle au sommet de la falaise pour alerter les habitants des attaques de pirates.  Les vigiles de l’époque utilisaient une échelle de corde pour entrer dans la tour puisqu’aucune porte n’existait.

Tout le long de la Costa Blanca de gigantesques villes, tout en béton, construites devant de longues plages, succèdent aux falaises ornées de grandes villas plus ou moins cachées par les pins.

Des éboulis au pied des falaises nous laissent présager ce qui pourrait arriver si jamais…

Une cascade, la première que nous voyons, sortant de la roche une première fois, pour se cacher de nouveau et enfin sortir au grand jour se jeter dans la mer.

Benidorm, une des premières villes touristiques de la côte méditerranéenne, est un exemple parfait de ces villes qui ont explosé dans les années 60. Aujourd’hui elle compte le plus grand nombre de buildings d’Espagne. On peut facilement imaginer ses plages pendant l’été : les nombreux touristes, collés les uns aux autres, sous des parasols multicolores avec un objectif commun d’être le plus bronzé et le plus beau pour aborder la vie nocturne ! Car la nuit, Benidorm ne dort pas !

Le temps est gris et le brouillard nous empêche de voir nettement ces paysages disparates.

Nous passons encore une pointe et arrivons à Vila Joyosa en milieu d’après-midi. Une place juste à l’entrée du port nous attend. Pas de souci d’amarrage, un coup de main du gardien et un vent qui nous pousse.

Après avoir réglé les papiers, nous enfilons un jean et partons en balade. Comme ça fait du bien de marcher !

Vila Joyosa, jolie petite ville qui a en effet un air joyeux avec toutes ses petites maisons de toutes les couleurs. Serait-ce comme dans certains ports italiens  pour que les pêcheurs reconnaissent leurs maisons ?

Nous prenons une longue promenade au bord de la plage de sable, bordée de palmiers d’un côté et de restaurants de l’autre, la plupart fermé en cette saison. Vila Joyosa vivait d’une importante industrie chocolatière mais aujourd’hui il ne reste plus qu’une seule marque, la Vabor, bien insuffisant pour l’économie. La ville s’est donc tournée vers le tourisme, en transformant sa plage de galets en une belle plage de sable doré, qu’elle a appelée « Paradis », tout un programme.

Nous faisons le tour de la vieille ville en passant par d’étroites ruelles, souvent décorées à la recherche d’une boîte aux lettres. Mais nous n’en trouvons aucune. Après renseignement il n’y a que la poste qui récupère le courrier. Pas de souci, nous y allons d’un bon pas. Bien sûr elle ferme à 14h30 et il est 16h30 ! Et vous ne le croirez peut-être pas, mais aucune boîte aux lettres extérieures ! Nous avons ces cartes depuis Ibiza, elles peuvent attendre encore !

C’est incroyable cette histoire de boîte aux lettres, déjà en Italie nous avions rencontré ce problème. Finalement entre les mails et les smartphones,  la carte postale est en voie de disparition tout comme les boîtes aux lettres. Dommage… (C’est la vieille qui parle !)

Les troncs des arbres décorés de carrés de crochet, sur chaque balcon un tableau sur tissu. Les Vilajoyosans semblent avoir une âme d’artiste.

Le clocher de l’église de l’Anonciation s’élève en Maître de cérémonie.

L’ancienne muraille qui entourait la vieille ville.

Insolite ce vieux Monsieur est sorti de chez lui et a installé sa chaise ! N’est-il pas tranquille à regarder sans doute la mer ? …

Nous marchons plus de deux heures et finissons devant des « Tapas » dans un petit bistro bien sympa.

En rentrant, nous surprenons les cormorans en train de se sécher les ailes, spectacle toujours étonnant.

Vendredi 16 novembre

J’aime écrire, c’est un fait, et  partager cette aventure avec vous qui nous lisez me fait vraiment plaisir. J’ai l’impression d’emmener avec moi un petit peu de vous tous et dans les moments difficiles ça me réchauffe le cœur. Une petite pensée, aujourd’hui, pour Auxane que je n’ai malheureusement pas vue depuis des années et qui malgré tout est très attentive à nos petites aventures. J’aimerais être fidèle moi aussi à son site internet AMKOSMETIK (https://amkosmetik.com/) qu’elle a créé il y a quelques années mais je ne suis pas (et n’ai jamais été) une grande consommatrice de produits de beauté et mes commandes se font très espacées.

Nous nous approchons doucement de Malaga. Nous devrions y être vers le 24 si tout va bien et si Eole ne fait ni la tête ni la foire !

Petit vent alors que la météo nous en avait prévu un plus fort et pas dans le même sens.

Cela nous confirme que la navigation en Méditerranée est assez compliquée. On s’aperçoit qu’il y a effectivement peu de vents établis. Ils changent sans cesse d’orientation et de force. Ce qui nous oblige à des réglages de voiles permanents et fatigants. Contrairement à ce que nous devrions trouver en Atlantique. Les alizées sont (en principe) réguliers et en tous cas toujours dans le même sens. Ils nous pousseront.

J’aimerais être à Malaga quelques jours avant de retrouver notre ami Orce pour bien nous reposer et faire tout ce qu’il y aura à faire avant le départ pour les Canaries.

Et avant Orce, je vais voir ma Virginie qui vient passer trois jours avec nous. Je suis ravie. La dernière fois que je l’ai vue c’était en juillet en Croatie. Elle venait récupérer son petit Maë qui était avec nous depuis une quinzaine de jours. Et nous avions eu un gros souci de voiture en les raccompagnant à l’aéroport de Split. La séance des adieux s’est réduite au minimum, sur une aire d’autoroute, devant le taxi  qui prenait le relais pour qu’ils aient leur avion à temps. Grosse frustration ! Là, on va profiter.

Charles pense que du poisson il doit y en avoir vu tous les bateaux de pêche qui naviguent autour de nous. Il est plein d’espoir et il a raison. La pêche a repris ! Charles-pêcheur est ravi et il sort de l’eau une belle bonite. En fait, depuis notre départ, nous pensions pêcher des thons mais il n’en était rien, c’était des bonites. Bon, à notre décharge,  les deux espèces se ressemblent beaucoup. L’idée de manger des sushis en arrivant à Torrevieja nous réjouit ! Il remet vite sa canne à l’eau, il espère… Il a raison, très vite une touche. Mais malheureusement le gros poisson (car c’était un gros me dit le pêcheur) s’est décroché.

Petite information : depuis hier entre Calpe et Benidorm nous sommes passés de la longitude Est à celle d’Ouest. En effet nous avons traversé le méridien de Greenwich qui sert de référence internationale de méridien et qui définit les hémisphères Est et Ouest depuis 1884. Pourquoi « Greenwich » ? Simplement parce qu’il passe à travers l’observatoire royal de Greenwich, dans la banlieue de Londres.

Torrevieja, très grande ville, à une cinquantaine de kilomètres au Sud d’Alicante est surtout connue pour sa production de sel, une des plus importantes d’Europe. Derrière la ville, un parc naturel protégé avec deux lagunes d’eau salée, abritant une faune et une flore particulièrement riches.

Pour l’instant notre allure est bonne  entre 6 et 7 nœuds, et nous passons entre le continent et la petite île de Tabarca, au large d’Alicante. Première réserve marine d’Espagne.

Petite île avec une histoire intéressante et complexe. Avant le XVIIIème siècle elle s’appelait « île Plate » et elle était un refuge pour les pirates venant d’Alger avant qu’ils n’attaquent les côtes espagnoles. Charles III d’Espagne ordonna qu’elle soit fortifiée au milieu de XVIIIème pour contrer les attaques de ces pirates. Peuplée de Tabarquins (anciens colons génois venant de l’île de Tabarka en Tunisie et réduits en esclavage par le Bey de Tunis quand il prit d’assaut l’île en 1742.) Ces Tabarquins ont été rachetés par les Espagnols et installés sur l’île Plate. C’est ainsi que l’île Plate est devenue Tabarca.

Je souris car nous sommes allés en vacances à Tabarka, en Tunisie,  avec mes parents quand j’étais adolescente. Et nous avons vécu, ma sœur Chantal et moi une drôle d’aventure : Ali et Mohammed, deux jeunes Tunisiens qui aidaient Jean, notre père de cœur, à mettre son petit zodiac à l’eau presque tous les jours, lui ont demandé notre main à la fin du séjour contre …des chameaux ! Je me souviens d’une seule chose, la tête de Jean ! Quelques semaines après notre retour à la maison, Jean a reçu une carte postale réitérant leur demande. Ils avaient de la suite dans les idées. Etions-nous charmantes ?

La vie est drôle.

Nous affalons devant Torrevieja, face au vent comme d’habitude, et une nouvelle fois un des coulisseaux de la GV sort de sa glissière. C’est dingue. Pas le même que la dernière fois. Ils ne vont quand même pas tous nous la faire ! Charles va devoir une fois encore réparer et ajouter des petites billes. 

Revoir aussi l’une des attaches du lazzy bag qui a lâché.

Et un peu plus compliqué, faire un « pansement » sur la coque tribord avant. En effet nous avons découvert une éraflure un peu profonde qui nécessite réparation.

Et, comme toujours dans les bateaux pomper un peu d’eau en fond de cale.

Y’a du boulot !

A notre arrivée à la Marina Salinas, le vent souffle fort et nous avons du mal à nous amarrer. Pourtant un des responsables du port vient nous aider très gentiment mais il n’est pas très logique et nous fait faire les choses à l’envers. Au lieu de nous passer la pendille « au vent », il  nous demande les bouts arrières. Ce qui complique l’amarrage. Bon, une bonne demi-heure de bataille et nous finissons par être correctement amarré. Je passe un long moment à laver le bateau pendant que Charles nous connecte à l’électricité du port.

On va enfin pouvoir déguster nos sushis sashimis. Il est près de 18 heures. Fatigués, nous n’avons pas envie d’aller nous balader dans cette grande ville.

Soirée tranquille dans le bruit des drisses qui sifflent sous le vent et qui parfois semblent nous jouer des notes de musique aléatoires,

un peu comme les orgues marines de Zadar grâce aux vagues.

Zadar, ancienne cité fortifiée, installée sur une presqu’île, vestiges romains, passé vénitien, vieille porte Renaissance dominant un des ports. 

Comme j’aime cette ville !

La tranquillité de sa Place Nationale,

l’église Saint Donat, emblème de Zadar,

 et son petit port. Il y en aurait tant à raconter. Se promener dans ses ruelles étroites après l’affluence touristique est un vrai bonheur. Petit coup de blues ? Sans doute.  Charles regarde la maison avec ses caméras. Ce soir, la bura souffle et nos oliviers se penchent vers la mer. Le ciel est clair. Tout va bien.

Samedi 17 novembre

Une matinée « bricolage » : Charles, encore une fois endosse l’habit bricoleur, il répare le fameux coulisseau, bien usé, sorti de sa glissière. Il va falloir trouver de nouvelles billes, il a ajouté les dernières que nous avions. Pendant ce temps j’écope les cales du bateau.

La matinée passe vite et nous quittons la marina vers midi.

Nous n’irons donc pas jusqu’à Carthagène, qui est trop loin.  Nous nous arrêterons à San Pedro de Pinatar à une dizaine de miles.

L’amarrage se passe plutôt bien même si le vent se met à souffler fort à notre entrée dans le port. C’est incroyable. Peu de vent en navigation et là, dans le port, Eole se met en colère. Mais pourquoi es-tu si désagréable avec nous ?

Personne pour nous aider, nous nous mettons le long d’un quai. Je saute sur le quai avec mes bouts et les attache vite aux bites d’amarrage, bien rouillées. Je tire de toutes mes forces et … heureusement on vient nous donner un coup de main.

San Pedro del Pinatar est situé entre la mer Méditerranée et la Mar Menor. Je ne sais pas si vous savez ce qu’est la Mar Menor, moi en tout cas je ne savais pas. En fait, c’est « une lagune d’eau salée séparée de la Méditerranée par un cordon littoral de 21 kilomètres et une largeur variable de 100 à 1200 mètres appelé La Manga. »

La pêche et l’industrie saline sont les principales activités de San Pedro.

Passage à la capitainerie pour les papiers et petite balade le long de la marina. Des restaurants en pagaille, pas mal d’Espagnols en train de déjeuner. Il est pourtant près de 16 heures. C’est vrai, nous sommes samedi.

Au bout du chemin, une belle plage qui semble bien sauvage à cette époque de l’année.

Nous passons devant les marais salants, et apercevons les montagnes de sel, avant leur embarquement pour une destination inconnue.

Un énorme cactus qui fait des fruits ressemblant étrangement aux figues de Barbarie. Charles est bien tenté mais…un peu trop piquant. 

 

Il joue à la vigie, même loin de son bateau…

Peut-être le surveille-t-il ?

En rentrant de notre petite promenade, le Capitaine se rend compte que notre fil électrique n’est pas assez long pour le branchement. La borne est un peu trop loin. Pas de souci « Nous allons avancer le bateau de quelques mètres. En faisant bien  attention de ne pas se faire surprendre par une rafale de vent. Détacher les amarres l’une après l’autre. »

Petit coup de stress pour le mousse qui n’a qu’une trouille c’est qu’une trop grosse rafale pousse l’Alcazar et qu’on lâche les bouts. Bien sûr tout se passe bien. Juste de gros efforts ! Ne pas oublier que ce catamaran pèse son poids, cinq tonnes, c’est pas léger.

Je suis bien contente de m’installer dans le carré avec le chauffage.

Je sens mes muscles dorsaux tendus et j’ai les mains qui me font mal. Bon, rien de grave, ce n’est pas la première fois et certainement pas la dernière !

Dimanche 18 novembre

Vent de 12 nœuds pour notre sortie du port, il atteindra les 18-20 en pleine mer. Nous sommes ballottés par les vagues de côté. Pas franchement agréable. Mais heureusement au bout d’une dizaine de miles nous changeons  de cap avec une navigation « au portant », vent arrière et tout se calme. Le vent est toujours aussi fort mais la navigation est beaucoup plus douce. Nous pouvons tranquillement profiter de ces petits îlots au large de la Mar Menor qui nous éloigne un petit moment de l’urbanisation maximum sur le littoral de la Manga, pourtant bien étroit !  Mais comment ont-ils fait ?

Je vois un gros chien prêt à avaler ces immeubles incongrus dans la beauté de ce paysage. Charles reconnait un hippopotame !

Nous longeons le parc régional de Calblanque entre le Cabo de Palos et Portman, délimité par les phares du même nom.

Le promontoire où a été construit le phare de Cabo de Palos a toute une histoire. Les Romains le choisirent pour élever un temple dédié à Saturne. Par la suite, au milieu de XVIème siècle, Charles Quint y fit construire une tour de guet pour surveiller les attaques des pirates de plus en plus fréquentes sur les côtes espagnoles. Au cours du XIXème siècle, cette tour, pourtant encore en bon état, a été démolie et la construction du phare a pu commencer. Pas de petites économies, on réutilisa les vieilles pierres de la tour !  Petit clin d’œil, ce phare a été mis en service le même jour que celui de Portman, le 31 janvier 1865. 

Ce dernier fut également construit sur les ruines d’une tour de défense en en réutilisant les vieilles pierres.

Il se situe au pied de la « Sierra Minera de Carthagena- La Union ».

Région qui s’étend donc de Cabo de Palos à Portman, exploitée pour ses mines de plomb, d’argent de fer et de zinc par les Romains au IIème siècle avant JC. La splendeur de l’antique Carthage fut en partie due aux mines de La Union.

Entre la fin de l’Empire romain et le XIVème siècle les invasions barbares furent responsables du dépeuplement de La Union et de la fin de l’exploitation des mines. Mines délaissées et remises en service au début du XIXème siècle pour être totalement abandonnées à la fin du XXème.

Paysages de roches calcaires, d’ardoises et de schistes, le parc est aménagé pour les randonneurs et les cyclistes. Nous en apercevons d’ailleurs quelques-uns en promenade.

Nous nous approchons de Carthagène, cachée au fond d’une large baie, véritable port naturel de la Méditerranée, d’un côté la batterie militaire de Santa Ana Acasamatada, qui date du XVIIIème siècle et prit la forme d’un château après sa reconstruction. De l’autre la caserne de Fajardo.

Carthagène, plus de 2000 ans d’histoire, un patrimoine historique et culturel très riche, renferme des petits trésors archéologiques. 

Pendant la guerre d’Espagne, base navale républicaine, elle subit les bombardements franquistes et fut la dernière ville à être occupée par l’armée de Franco.

Dès notre entrée dans l’immense port, l’Alcazar semble vraiment tout petit entre les gigantesques paquebots et un voilier énorme, hors norme. Le croiser sur la mer doit être une expérience particulièrement étrange. Ma curiosité me pousse à aller voir sur internet si cevoilier gigantesque est répertorié. Bingo ! Je vous copie ce qu’il en est dit :

« Le Sailing est le plus grand trois-mâts jamais construit. C'est un milliardaire russe qui s'est offert ce navire imaginé par Philippe Stark pour 425 millions d’euros. Construit en Allemagne, il a rejoint Gibraltar en se frayant un chemin pour éviter les ponts, les eaux peu profondes et les couloirs aériens. Ce vaisseau mesure 143 mètres de long pour un poids de 12.700 tonnes. Ses mâts sont en carbone et le plus haut atteint 100 mètres au-dessus de la ligne de flottaison, plus haut que Big Ben ou deux fois plus grand que la Statue de la Liberté de New York. Pour fendre les flots, il dispose de voiles dont la superficie atteint 3.700 mètres carrés. Mais au cas où le vent ferait défaut, il est équipé d’un système hybride composé de deux moteurs diesel de 3.600 kW et deux moteurs électriques de 4.300 kW. Il peut ainsi atteindre une vitesse de pointe de 21 nœuds. » Et en ce moment Carthagène, grand chantier naval l’accueille et nous avons l’occasion de le voir « en vrai » ! 

Nous quittons ces géants pour retrouver nos cousins   !

Premier regard sur Carthagène avant de nous installer. Charles fait un tour pour voir les places disponibles. Je suis vraiment « esbouriffée » de voir avec quelle facilité  il manœuvre. Là, franchement, quand il fait demi-tour dans un espace si réduit, je suis sans voix, mais je garde la gaffe à la main, surveillant l’avant et l’arrière, on ne sait jamais. Mais tout va bien. Bravo, Capitaine !

Un jeune responsable du port, nous fait des signes et nous montre notre place. Il nous a localisés dès notre arrivée grâce à Vesselfinder. Pratique d’être ainsi localisé avec notre numéro MMSI et l’AIS (Système d’identification automatique). Non seulement pour une arrivée au port comme aujourd’hui mais aussi et surtout pour la sécurité en navigation.  Ce système nous indique la vitesse et la direction des bateaux environnants et détermine une éventuelle route de collision.

Donc ce jeune homme vient nous donner un coup de main et tout se passe super bien. Il me lance un « Perfecto », pouce levé qui me fait chaud au cœur.

Nous irons faire les papiers en fin de journée et nous serons agréablement surpris par le prix : le plus bas depuis notre départ de Croatie.

Ça tombe bien car vu le mauvais temps qui arrive, nous allons y rester quelques jours. En effet Eole nous la fait mauvaise tête : vents à plus de 25 nœuds et de face en plus ! Pas la peine d’en baver, mieux vaut se reposer et attendre qu’il retrouve sa bonne humeur.

J’avoue ne pas être mécontente. Repos et repos. Trop bon !

La ville trône au milieu de cinq collines, d’ailleurs elle fut surnommée « la petite Rome ». N’oublions pas Rome et ses sept collines. Nous pouvons la visiter à pieds sans aucun souci. Nous passons devant la place de la Mairie où  se tient une exposition photographique en plein air, des grands cadres accueillent des photos magnifiques de l’Arctique avec le peuple Inuit et de l’Amazonie.

Au-dessus de l’entrée de la Mairie sa date de construction en chiffres romains : « MCMVII ». Oui, c’est bien 1907.  

La Place des Héros et son obélisque en hommage aux héros de Cavite et de Santiago de Cuba, érigé en 1923. Je me demandais vraiment ce qu’était Cavite, alors je me suis renseignée et voilà : « Au cours de la guerre hispano-américaine de 1898, de nombreux soldats espagnols moururent lors de la bataille de Cavite aux Philippines, luttant contre les troupes américaines, ainsi qu'à Cuba. Ce monument commémore les marines espagnols morts dans cette guerre. 

Nous admirons des statues en marbre blanc, dans les jardins de la promenade Alfonso XII.

Notamment une que je trouve vraiment belle « Visage » de Jorge Garcia Aznar, sculpteur espagnol natif de Carthagène.

Il a réalisé plusieurs  sculptures en bronze que nous retrouvons dans les rues. ​​​​​​​

Nous avons la chance en cette fin de journée d’assister à la levée des couleurs sur le balcon du Palais de la Capitainerie Générale construit en 1740 dont la façade a été réformée au XXème siècle​​​​​​​. Très doucement le drapeau est ramené, détaché du mât, puis plié soigneusement, sous l’hymne national espagnol.

Les rues piétonnes, bordées de nombreux bars à tapas et restaurants,  sont très animées, je me sens légère et j’aime l’idée de rester à quai quelques jours. Nous reposer, trainer, regarder, profiter.​​​​​​​

Les façades des immeubles sont originales, colorées et étonnantes.

D’ailleurs ils essaient très souvent de conserver les façades originales quand ils construisent de nouveaux bâtiments.

​​​​​​​

Le « Gran Hotel », moderniste inauguré en 1916, était considéré comme le plus bel hôtel d’Espagne. Réquisitionné pendant la guerre d’Espagne jusqu’à la victoire franquiste il devint le QG de la Jeunesse Socialiste Unifiée. Rénové et transformé en bureaux, il a été déclaré « Bien d’Intérêt Culturel ».

​​​​​​​Le Palais Aguirre ressemble étrangement au « Gran Hotel ». Pas étonnant : même période et même architecte, Victor Beltri. Il est aujourd’hui le siège de la Communauté Autonome de la Région de Murcie.

​​​​​​​La nuit tombe et la pluie avec ! Avant de rentrer nous mettre au sec, nous regardons un long moment ce « Street Art » Carthaginois.

****

 A cinq heures du matin, le bateau commence à bouger surtout par « à coup ». Pourtant le port de Carthagène est naturellement très bien protégé, mais la pleine mer doit être sacrément en mouvement. Donc le Capitaine  décide de se lever pour renforcer les amarres. Moi, bien au chaud sous la couette, je lui demande s’il a besoin d’aide, en espérant très égoïstement qu’il me réponde par la négative. Ce qu’il fait. Je suis dans un demi sommeil et entend ses pas sur le bateau. Puisqu’il n’y a aucun danger, je « lâche » vite l’affaire et me rendors. Je sens Charles revenir près de moi, tout glacé, étrangement un peu humide. Il me raconte sa petite mésaventure. « Au moment de tirer la pendille arrière, un « à-coup » du cata me fait perdre l’équilibre et je tombe la tête la première dans le port, tout habillé ! 

Je remonte finir le travail en rattrapant une de mes pantoufles qui part à la dérive. Une fois les amarres en place, je laisse mes vêtements trempés sur le pont et file sous la douche bien chaude. Et me voilà ! »

Comme quoi, il faut vraiment faire attention.

Du coup, complètement réveillée, je me lève pour préparer des crêpes. Il mérite bien ça, le Capitaine malchanceux. Et quand le petit déjeuner est prêt je l’appelle gentiment et…pas de réponse. Lui qui m’avait dit ne pas vouloir se rendormir, s’est laissé prendre par Morphée. Elle ne le lâchera qu’à 8 heures 30 ! En attendant mon Héros, je bouquine et admire le ciel magnifique.

Le vent ne nous empêche pas d’aller nous balader. Nous longeons le port et passons devant le Musée National d’Archéologie Sous-marine « ARQUA ». Ce bâtiment moderne dont j’aime beaucoup l’originalité de l’enseigne avec ses  grandes lettres en inox,  est un lieu d’exposition autant qu’un  lieu de rencontre culturelle.​​​​​​​

Juste à côté, un autre bâtiment intéressant, l’Auditorium et le Palais des Congrès « El Batel ». Construit sur le quai en bordure du port. Sa façade faite de tubes en plastiques dans des camaïeux de jaune est étonnante mais je me demande comment se passe le nettoyage.

Le jardin entourant El Batel, et son accès au sous-sol protégé par un arc de fers à béton entrelacés toujours dans un camaïeu de jaune.

Nous passons devant le Campus « Muralla del Mar » situé derrière le mur d’enceinte construit par Carlos III en 1766 pour protéger une enclave militaire. L’Université Polytechnique de Carthagène a pris la place d’un ancien hôpital militaire.

​​​​​​​La Casa de Misericordia était au début du XXème siècle une institution pour les enfants défavorisés et maltraités, aujourd’hui elle accueille le presbytère de l’Université Polytechnique. Juste à côté sa petite église. 

Devant l’entrée un ensemble de statues en bronze « Le professeur et les étudiants ».

Charles a mal à la jambe et nous rentrons doucement vers l’Alcazar, une sieste s’impose. Il a dû se froisser un muscle ou se cogner lors de sa chute, pas la peine de tirer sur la corde. 

Sur l’esplanade du port nous trouvons la statue en bronze «El Zulo » du sculpteur Victor Ochoa en hommage aux victimes de l’attaque terroriste de Madrid en 2004. Saisissante. Nous en regardons un moment tous les détails et je suis impressionnée. Je m’attends à ce que cet homme immense, tellement « vrai » déplie ses bras, ses jambes pour se lever vers la lumière.

Petit clin d’œil pour ma petite fille Emma à qui je pense tout de suite en voyant cette affiche du peintre espagnol Antonio Barcelo. Car « Le Printemps » du peintre italien Arcimboldo est un tableau qu’elle aime particulièrement.  Dans cette exposition « Mémoire de la peinture » il montre les tableaux qu’il a peints sous l’influence des « Grands »  Matisse, Picasso, Klee, Kandinsky et Arcimboldo. ​​​​​​​

*****

Quelques jours au port c’est aussi s’occuper des lessives, du ménage, des courses. Rien de très excitant mais il faut bien le faire. Nous profitons de la laverie du port. Pendant ce temps nous remplissons le frigo.

Charles a vite remarqué le « Burger King » en face de notre amarrage et je le vois saliver à chaque fois que nous passons devant. Bon, le grand soir arrive : hamburger au bacon, frites et coca cola ! Je le suis dans son délire. Ça doit faire près de deux ans que je n’ai pas mangé dans ce genre de fastfood. Pour Charles c’est moins vieux. Il avait craqué un soir à Zadar en attendant que je sorte de l’hôpital.

****

Les jours passent vite, la forme est revenue. Charles a encore mal à la jambe, surtout quand il la plie mais cela ne l’empêche pas de vouloir monter sur la colline de la Conception.

On peut y accéder  par un ascenseur panoramique mais nous choisissons sans aucune hésitation nos petites jambes.​​​​​​​

La colline de la Conception où se situe le château du même nom a une longue histoire.

Le général carthaginois Hasdrubal le Beau, beau-frère d’Hannibal (vous savez le fameux général parti d’Espagne avec son armée et ses éléphants, traversant les Pyrénées et les Alpes pour rejoindre l’Italie et tenter de prendre Rome. C’est lui qui déclencha la deuxième guerre punique) posa, sur la colline, les premières pierres de Qart Hadasht (future Carthagène) en 227 avant JC. Peu de temps après, lors de la deuxième guerre punique entre Carthage et la République de Rome, le général romain, Scipion dit l’Africain, prit Qart Hasdasht qui devint Carthago Nova l’une des plus grandes cités romaines de la péninsule ibérique. 

D’ailleurs, l’empereur Auguste la dota d’un magnifique théâtre, d’un amphithéâtre et d’un forum. 

A la suite de la chute de l’empire romain, les Wisigoths détruisirent presqu’entièrement  la ville, ce fut une période de décadence. Sous la domination arabe entre 770 et 1492 la ville retrouve sa grandeur et une forteresse musulmane trouve sa place sur la fameuse colline. Au XIIIème siècle, le Roi Alphonse X, le Sage, reconquiert la ville et construit la Tour de l’Hommage au centre de l’ancienne forteresse, réutilisant les murs de l’époque musulmane et les vestiges romains.  Ce « nouveau » château devint, jusqu’au milieu du XVIIIème, le point stratégique de la ville. Il fut ensuite abandonné.

Pendant la guerre civile espagnole, un système d’alerte y a été installé pour prévenir les habitants de Carthagène des bombardements imminents.

En 2003, la Tour de l’Hommage a été restaurée pour abriter le Centre d’Interprétation de l’Histoire de Carthagène. Nous y avons trouvé une maquette,  de nombreux diaporamas, films et photos très intéressants retraçant l’histoire de Carthagène. Une vue imprenable sur toute la ville avec en prime pour nous guider, des tables d’orientation aux quatre points cardinaux.

Nous apercevons l’amphithéâtre romain qui est en cours de fouilles. Une fondation s’est constituée pour le financement de sa restauration et pour la création d’un musée sur le site même.

Nous redescendons tranquillement par un autre chemin, croisons des paons et tombons sur une ancienne tour de guet dans le « Parque Torres ». 

Nous sommes fin prêts pour la visite du Théâtre Romain, construit au 1er siècle avant JC sous l’Empereur Auguste et découvert par hasard au moment de la construction du Centre d’Artisanat en 1988. Au fil des différentes occupations (byzantine, arabe et médiévale) le théâtre fut totalement dissimulé et il n’y avait aucune certitude quant à son existence. Le fait d’avoir été recouvert a eu un effet extrêmement bénéfique. Ainsi jusqu’à 60% des matériaux originaux enterrés ont été très bien conservés. La restauration du monument s’est faite conjointement avec la construction du Musée.

Le Musée du Théâtre Romain est un ensemble fascinant composé du Palais de Pascual Riquelme, de la cathédrale de Santa Maria la Vieja et du Théâtre Romain.

​​​​​​​En entrant dans le Musée, devant la Mairie, nous suivons un parcours qui nous emmène directement sur les lieux du Théâtre. 

Après avoir traversé des salles où sont exposés tous les vestiges romains, trouvés sur le site, nous montons un dernier escalier, et longeons un couloir archéologique sous les ruines de l’église Santa Maria la Vieja.

Après ce long voyage dans le temps nous  finissons par découvrir le fameux théâtre romain et nous ne sommes pas déçus. Le spectacle est magnifique. En plus nous sommes seuls, ce qui accentue le côté magique de l’endroit. Tout est restauré d’une manière impressionnante.

On voit clairement comment ont été utilisés les différents matériaux à chaque période d’occupation. En effet, chacun reprenant les vestiges de l’époque précédente pour construire ce qu’ils avaient à construire.

Un des murs de l’église Santa maria la Vieja, datant du XIIIème siècle, fut construit avec des pierres du théâtre romain.

Détruite en 1939 pendant la guerre civile, elle attend depuis longtemps des investissements pour donner à ses ruines une dimension archéologique.

Cette visite dans un autre temps m’a vraiment plu. Elle termine notre séjour à Carthagène. 

En sortant de ce lieu chargé d’histoire nous nous arrêtons devant une belle fresque murale. Je ne suis pas toujours une grande fan de Street Art mais j’avoue que là, c’est plutôt réussi.

Avant de regagner notre maison flottante, nous passons devant la caserne des aspirants marins.

Petit clin d’œil : nous retrouvons un peu de la Croatie !

Jeudi 22 novembre

Bien reposés nous quittons Carthagène en pleine forme. Nous profitons du  petit vent à cette heure matinale pour hisser la GV dans le port, quand nous sommes encore bien protégés. Evidemment nos moteurs sont en route. Un bateau de la Garde Civile nous tourne autour et finalement nous dit de stopper, un gros paquebot arrive.  Effectivement nous ne pouvions pas le voir, caché par les rochers à l’entrée du port. Bon on se pousse le plus près d’un quai réservé à l’armée. Mais bien sûr il faut affaler car le vent nous pousse trop. Pas de souci je commence à connaître le « faire » et le « défaire » !

L’énorme paquebot entre dans le port, escorté par le bateau pilote. Au bout de plus de 20 minutes, nous pouvons reprendre notre chemin. Evidemment il faut de nouveau hisser la GV. Après cet exercice, la deuxième fois, je suis v-i-d-é-e au moins pour la journée ! Mais (encore un mais) je ne suis pas au bout de ma peine. En effet au bout d’une bonne demi-heure, le Capitaine décide d’affaler, pas assez de vent, la voile nous freine plutôt que nous aide à avancer. Ben voyons. Rebelote, j’affale. C’est moins fatiguant mais bon mes petits bras ont déjà bien travaillé.

Une heure après, Eole se décide à nous donner un coup de main, (très léger le coup de main mais il a le mérite d’exister) et …ou vous avez compris, nous levons la voile une nouvelle fois ! 
C’est dingue. Je mets un temps fou à la hisser entièrement même si nous prenons un ris, car le coulisseau nous joue des tours. Bon j’espère que cette fois-ci sera la bonne. 
La météo a prévu pour midi un vent arrière de 7-10 nœuds qui doit forcir dans l’après-midi. On attend. A 13 h on l’attendait encore. 
Nous avons bien examiné les prochains jours et une tempête se prépare pour le samedi en fin de journée avec des vents à 25 -30 nœuds, de face. Charles étudie la météo d’un peu plus près, lunettes sur le bout du nez. La meilleure fenêtre météo est programmée pour ces trois prochains jours. Il faut donc en profiter. Le Capitaine se tourne vers le Mousse (les décisions importantes sont à prendre à deux) en lui expliquant la situation. Il faut profiter de ces 3 jours pour avancer car après nous risquons d’être à nouveau bloqués pendant 3 ou 4 jours. Bon, il nous reste du temps mais la prudence est de mise. Je n’aimerais pas rater ma petite Vyn.
Donc, nous décidons de passer la nuit en mer et d’avancer. Je ne suis pas inquiète. En plus nous longeons les côtes donc si problème il y a, nous trouverons toujours un petit port.
Il fait beau, le soleil brille à nouveau, la mer est calme, le Capitaine installe un nouveau bout pour peaufiner la tension de son génois quand il le faudra et ce de chaque côté du bateau. Il prépare  aussi les amortisseurs qu’il a achetés pour nos futurs amarrages, pour éviter les « à-coup » qui l’ont jeté dans le port. Il bouche les petits trous et…il boit un whisky coca et fume un cigare ! Elle est pas belle, la vie ?  
Je lis, j’écris, en écoutant les dernières compositions de mon petit frère Christophe. Je ne sais pas comment il fait, ce que je sais c’est qu’il est très doué. Tantôt du gai, du léger, tantôt du plus « habité » comme dirait Charles. Selon ses états d’âme, sans doute. 

Nous voyons pour la première fois un sous-marin. Il est assez loin et d’après la VHF il est en manœuvre. J’espère qu’ils ne vont pas faire d’erreur  et nous envoyer un engin en pleine face !
Quelques dauphins nagent près du bateau mais apparemment plus occupés à se nourrir qu’à jouer avec nous. Dommage. 
Pas de poisson pour Charles-Pêcheur. Moral en berne !
Pas de vent à plus de 3 nœuds alors que nous sommes presqu’en fin d’après-midi. Navigation pépère.

A la tombée de la nuit nous voyons nos premiers globicéphales, dauphins océaniques. Ils sont énormes avec une face très arrondie, complètement différente de celle des dauphins. De plus ils sont beaucoup plus gros et lents. Ils ont plongé deux ou trois fois devant le bateau et ont disparu.

La nuit est là, toujours pas  de vent.   

Arrivée à Almerimar en Andalousie le 23 novembre à 7h30 il ne fait pas encore bien jour et il pleut. Les Marineros sont super sympas, aucun souci d’amarrage. On peut aller se reposer, on en a besoin.

Les bureaux de la Capitainerie ont choisi la plus jolie tour que je vois du bateau amarré. Aucun bateau devant nous mais il nous faut bien vingt bonnes minutes pour y accéder à pieds !

Nous avons trouvé un port bien « pensé ». Des quais larges et en quinconce, nous donnent l’impression qu’ils traversent la petite station balnéaire faite de petits immeubles, plutôt jolis.

Petite photo pour que vous puissiez voir les dégâts d’une nuit blanche !

Après quelques courses nous rentrons « à la maison », bien décidés à rejoindre notre lit le plus vite possible.

Nuit douce...

 

Samedi 24 novembre

Bien reposés, nous repartons vers notre dernière étape avant Malaga : Almunicar, principale ville touristique de la « Costa Tropical ». La météo est relativement bonne, très peu de vent le matin (5 nœuds) orienté ONO qui devrait en début d’après-midi venir de face, à 8-10 nœuds. Tout est prêt, allons-y.  Très vite nous nous rendons compte que la météo nous est bien plus favorable que ce qui était prévu.

 

 

C’est une chance, nous allons avancer avec un bon petit vent de 10-15 nœuds. Il fait un temps magnifique, et même chaud au soleil, je quitte ma parka et je lis à voix haute pour que le Capitaine en profite.

La côte andalouse que nous longeons est magnifique. Derrière les grandes collines souvent couvertes de serres, particulièrement bien entretenues contrairement à toutes celles que nous avons vues sur les côtes italiennes, nous apercevons la Sierra Nevada, saupoudrée  de neige.

Son plus haut sommet, le pic Mulhacen culmine à 3478 mètres, le deuxième plus haut sommet d’Europe entre le Mont-Blanc et l’Etna.

Nous naviguons maintenant sur la mer d’Alboran dont je n’avais jamais entendu parler. Partie la plus occidentale de la mer Méditerranée, elle s’étend entre le Sud de l’Espagne, l’Algérie et le Maroc et le Détroit de Gibraltar. C’est donc le point de sortie (ou d’entrée) de la mer Méditerranée pour de nombreux animaux migrateurs aussi bien terrestres que marins et pour cette raison l’Espagne, le Maroc et l’Algérie travaillent ensemble pour protéger et bien gérer cette zone. Avec de la chance on peut y voir des orques, des baleines, des dauphins, des globicéphales et des…requins.

Juste le temps de déjeuner au soleil avant que le vent ne se mette à forcir sérieusement et à changer de direction. Il nous vient maintenant de face à 20-25 nœuds avec des rafales à 30 ! Rien de prévu ! Le Capitaine est obligé de tirer des bords pour avancer un peu. Sinon, avec le vent de face et les moteurs, nous n’allons pas à plus de 2 nœuds. Ce qui nous ferait arriver au milieu de la nuit. Et là, ce n’est vraiment pas marrant. Il est près de 15 heures et nous allons vivre une après-midi sportive et fatigante.  Virer de bords, tirer les bouts du génois, avec un vent qui souffle à 25 nœuds ce n’est pas de tout repos et ce à plusieurs reprises. En plus on se prend des déferlantes  qui explosent sur le bateau en nous arrosant allègrement. Heureusement le soleil est toujours là.

L’avancée est difficile et le GPS nous indique 19h30 l’heure de notre arrivée. De nuit donc, pas vraiment une partie de plaisir. Le Capitaine décide de changer de destination. Nous nous poserons à Motril qui n’est certes pas répertorié en port de plaisance, mais 12 miles de moins, c’est toujours ça. En fait c’est le seul port de commerce de la province de Grenade, situé au pied de la Sierra Nevada.

Les ruines du château de Castell de Ferro dominent la ville posée au bord de la plage. A l’arrière, les cultures sous serres, cette ville vivant de l’agriculture intensive de concombres, avocats, courgettes et poivrons. Nous profitons de ces produits de grande qualité, nous nous gavons d’avocats absolument délicieux !

Ça bouge de plus en plus, et nous arrivons enfin près de la pointe « Cabo Sacratif » où se situe le phare du même nom. Construit sur les ruines d’une tour de vigie datant du XVIIIème siècle, il a fonctionné pendant longtemps à l’huile d’olive et a été électrifié il y a 65 ans.

Le port de Motril est juste de l’autre côté. Il nous faudra quand même près de trois heures pour y arriver ! Pas de chance le soleil disparait derrière une bande de nuage rasant l’horizon. La nuit va vite tomber. Le phare s’allume.

Nous approchons enfin du port et le moment d’affaler la GV arrive. Je m’y colle toute seule, le Capitaine ne pouvant pas laisser la barre. Ben, je suis drôlement contente de moi, parce qu’avec les vagues et le vent ça n’était pas facile. Je me suis bien accrochée et j’ai affalé en faisant attention à ce que ça ne déborde pas trop du lazy bag. Bonne chose de faite, je retourne m’asseoir à côté du Capitaine à scruter les lumières du port qui s’approche enfin ! La rouge, la verte, ok, elles sont toutes les deux bien à leur place mais nous sommes gênés par celles d’un bateau tout illuminé, accosté au premier quai, à gauche de l’entrée. On avance prudemment et heureusement nous sommes complètement protégés du vent et des vagues. Enfin le bateau est stable, pas la peine de se tenir.

On trouve le petit port réservé aux pêcheurs qu’on laisse de côté et on continue vers un grand bassin, vide de bateau. Un quai, des bites d’amarrage, tout à l’air d’être là pour nous accueillir. Je sors tous mes pare battages et les bouts d’amarrage. Nous nous approchons du quai et à ce moment-là, une voiture de police arrive et nous fait des appels de phares. Interdit ​​​​​​​de se mettre là. (Nous comprendrons pourquoi à la lumière du jour. Il s’agit d’une jetée de débarquement-embarquement pour contrôles, bien délimitée.) Bon on repart, je suis dépitée, j’avais une telle envie de me poser !

On s’approche de la marina qui nous semble petite et bien occupée. Mais au bout d’un quai, perpendiculaire une petite jetée, avec des bites d’amarrage et des protections. Voilà un endroit parfait ! Il est 20h30 quand enfin nous sommes amarrés ! Branchement de l’électricité, repas frugal et… dodo ! Je suis fourbue et les muscles du dos me font un mal de chien. Une bonne nuit et  je serai réparée. Charles est fatigué aussi, barrer dans ces conditions est éprouvant.

Coup d’œil sur la météo de demain, pas la peine de partir si le vent est de face comme aujourd’hui. Et la météo prévoit le même vent, la même force jusqu’à lundi soir. Nous resterons donc ici, à Motril, jusqu’à mardi matin.

****

L’Alcazar porte bien son nom en Andalousie !

L’Andalousie, un nom qui fait rêver. Sous domination des Maures pendant plus de 700 ans, son style architectural le prouve : Séville et son Alcazar, Grenade et son Palais de l’Alhambra, Cordoue et sa mosquée-cathédrale… Pourrons-nous nous y promener ? Je ne connais pas le nombre de kilomètres qui sépare Malaga de ses grandes sœurs mais j’ose espérer. Déjà partir à la découverte de Malaga. Mais nous n’en sommes pas là.

A partir du XIIIème siècle, Ferdinand III de Castille chasse les Maures du Sud de l’Espagne et reconquiert Cordoue et Séville. Le Royaume de Grenade ne rejoindra l’Espagne qu’en 1492 et ainsi finira la période dite « Reconquista ».

C’est d’Andalousie que partent tous les conquistadors, espagnols ou autres, souvent pauvres et exclus de la bonne société, pour la conquête du Nouveau Monde.  

Quelques souvenirs de mes cours d’Espagnol : Guadalquivir, un des plus grands fleuves d’Espagne qui se jette dans l’Océan Atlantique à l’Ouest de Gibraltar. Je me souviens avoir aimé ce nom « Guadalquivir », consonance exotique et sauvage,  traversant  Séville ville mythique puisque elle a été le départ du premier tour du monde de Magellan en 1519. On disait de Séville « La ville où bat le cœur du monde » ! En 1992, cet adage sonnait vrai puisqu’elle accueillit l’Exposition Universelle.

Quelques cours aussi sur Federico Garcia Lorca, me reviennent. Adolescente, j’étais particulièrement touchée par la vie de cet artiste Andalou complet, en mal de vivre, ne pouvant assumer son homosexualité au grand jour et tombant dans une grave dépression. Retournant au début de la guerre civile dans son Andalousie natale, il est fusillé à Grenade par les franquistes. Il avait tout juste 38 ans.  

L’Andalousie c’est aussi le Flamenco, musique et danse datant du XVIIIème siècle, inscrit par l’Unesco au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

C’est aussi, moins glorieux, la patrie de la tauromachie.

C’est aussi Malaga, deuxième ville d’Andalousie après Séville, que nous allons bientôt  découvrir. Ville de naissance de Picasso, elle abrite sans doute de merveilleux trésors malgré sa taille.

Lundi 26 novembre

Réveillés tôt ce matin par les rafales de vent qui atteignent les 30-35 nœuds. Ça fait un boucan du diable et c’est toujours impressionnant même si nous sommes bien amarrés. La pluie a laissé la place à un beau soleil. On va pouvoir envisager une petite balade parce qu’hier entre le vent, la pluie et le brouillard, sortir ne nous enchantait guère. Regarder la Coupe Davis sur Internet était une bien meilleure idée et nous étions ravis de la victoire de la Croatie. Victoire bien méritée. 

Charles décide de réparer la petite éraflure sur la coque avant droit. Il descend l’annexe et au boulot ! Pas facile avec le vent mais l’annexe est bien attachée.

Il faut que je précise quelque chose à propos de Charles. C’est un bricoleur, un manuel, tous ceux qui le connaissent le savent. Et c’est très bien. Il sait presque tout faire, ne panique jamais même dans des situations délicates et comme le disait un jour mon frère Christophe « Avec Charles on peut être perdu au bout du monde, il nous trouvera toujours à manger !». Je le pense aussi. D’ailleurs vous voyez où j’en suis aujourd’hui. Partir sur les océans à 63 ans en ayant peur des poissons, ce n’est pas une mince affaire ! Mais je dois dire qu’il est aussi capable d’autre chose. Quand j’écris, il n’est jamais bien loin (sur un bateau, c’est une évidence) et dès qu’il me manque un mot, une tournure de phrase il me fait des propositions, souvent excellentes que j’accepte avec grand plaisir. Ne pas oublier que Charles est un immigré et que par conséquent il développe un sacré sentiment d’infériorité par rapport à notre langue. Donc voilà, vous savez c’est aussi un « cérébral » !

Voilà c’est dit !

J’en profite aussi pour rectifier une erreur que j’ai commise quand j’ai raconté que Charles   

« …. s’est laissé prendre par Morphée. Elle ne le lâchera qu’à 8 heures 30 ! » Je suis vraiment désolée, Morphée de t’avoir pris pour la Déesse du Sommeil, alors que tu es le Dieu des rêves ! Quelle bêtise j’ai écrite !

Donc il répare…Et moi pendant ce temps ? Je fais le plein d’eau et je remplis toutes nos bouteilles vides.

Un énorme cargo entre dans le port et nous allons assister à son amarrage juste en face de nous. Nous sommes aux premières loges pour voir ce drôle de spectacle. Pratiquement tout le travail est fait par le remorqueur qui pousse tout seul l’énorme cargo depuis son entrée dans le port jusqu’au quai de chargement. Incroyable la puissance de ce remorqueur !

En sortant du port, nous passons devant une belle sirène. Je trouve curieux qu’elle ne regarde pas plutôt vers la mer.

Nous marchons sur la longue plage de gravier gris. Nos pieds s’enfoncent, Le vent souffle fort,   et ralentit notre promenade. La vue au loin est vraiment belle.

Les montagnes enneigées au-dessus de la mer me touchent toujours. Je ne sais pas pourquoi. D’ailleurs je pense au Vélébit recouvert de neige, chaîne montagneuse au pied de laquelle nous habitons. Allez un petit coup de nostalgie en pensant à Sibuljina. Comment va la maison ? Le jardin ?  Nos abeilles ? Bientôt trois mois que nous sommes partis, déjà.

Motril , au pied de la colline, est éloignée du port. Son climat privilégié lui permet de cultiver certains fruits exotiques ainsi que la canne à sucre.  Elle n’a pas encore joué la carte du tourisme et garde son côté authentique.

Une petite rue bien sympathique nous le confirme.

Demain, le vent se calme, nous allons pouvoir rejoindre Malaga, si tout va bien !

Mardi 27 novembre Un nouveau beau lever de soleil après ces deux jours de mini tempête. Nous quittons Motril avant un cargo chargé d’immenses pales d’éolienne. L’Espagne, nous semble-t-il, en installe de plus en plus.  En effet, nous avons remarqué plusieurs parcs sur la côte. Il faut dire qu’ils ont du vent les Espagnols !

La Sierra Nevada nous suit pendant de longs miles, villes et villages sur les collines, se suivent mais ne se ressemblent pas. La Costa del Sol est nettement mieux protégée au niveau de l’urbanisation que la Costa Blanca !

Un bateau de pêcheurs nous accueille à Caleta de Vélez, dernier port avant Malaga. Enfin, on espère ! J’ai l’impression que nous mettons un temps fou à arriver dans ce fichu port ! Le vent de face nous contrarie dans nos prévisions. Bon, nous avons du temps, c’est un fait. Mais quand même je deviens impatiente.

Le port de Caleta de Vélez a une particularité que nous n’avons vue nulle part ailleurs. Tous les pontons sont bordés de cordes qui pendent, assez serrées. Très vite nous en comprenons la raison : de nombreuses mouettes et sternes survolent continuellement le port et se posent sur les bateaux. Elles font des dégâts considérables avec leurs déjections. Les bateaux même couverts de housses sont dans un état lamentable. Aussi pour protéger les pontons fallait-il trouver une astuce.  Ça a l’air de bien marcher.

Jamais vu autant de mouettes dans un même endroit !

Un cormoran pour se reposer, passe un long moment sur l’Alcazar pour notre plus grand plaisir.

Une perruche grignote tranquillement.

Mercredi 28 novembre

Départ tardif à cause de la clé que nous devons rendre à la capitainerie qui n’ouvre qu’à 9 h. (Les Espagnols ont des horaires particuliers. La journée commence souvent à 8 ou 9h pour se terminer à 14h et reprendre à 16 jusqu’à 20 voire 21 heures !) Direction Benalmadena à environ 4 miles au sud de Malaga. Nous devons aller voir le concessionnaire de Fountaine Pajot pour le coulisseau qui nous pose problème. Charles l’a démonté car il n’arrêtait pas de sortir de son axe. Maintenant il est dans le sac à dos du Capitaine, il n’embête plus. Mais il reste un problème qu’il faut régler. Jusqu’à présent aucun magasin d’accastillage n’en avait. On espère que le concessionnaire pourra nous dépanner. Mais l’Alcazar n’est plus tout jeune…est-ce qu’on peut trouver encore ce genre de pièce ?

Un immense taureau, emblème de l’Andalousie, se pavane au milieu d’une colline à la sortie de Caleta de Velez. Dans les années 50, ces taureaux (on en trouve 91 sur tout le territoire espagnol dont 23 en Andalousie !) jouaient un rôle publicitaire en représentant  le brandy « veterano » du groupe « Osborne ». Depuis, l’Andalousie l’a décrété comme « Bien culturel ».

Navigation tranquille, peu de vent, la douceur du soleil, nous avançons doucement. Je suis déçue de ne voir aucun animal marin, Charles aimerait attraper un poisson. Mais, rien !

Sauf une pauvre mouette qui, après avoir happé le « rapala » dansant sur l’eau,  se débat tout en volant pour se décrocher de l’hameçon. Après quelques efforts elle y arrive enfin. Ouf !

Nous passons au large de Malaga, et arrivons enfin dans la Marina de Benalmadena. Tout de suite à l’entrée un quai d’attente, juste en face de la Capitainerie. Super pratique. Ce n’est pas pour rien que cette Marina a été deux années de suite classée meilleure Marina du monde ! Je crains un peu le coût de la nuit ! Bon, on verra bien… En tout cas un Marineros nous donne un coup de main. Vite fait, bien fait amarrage au top. Papiers faits, carte visa donnée et  20 € la nuit ! Douce surprise, c’est l’un des tarifs les moins chers depuis notre départ. Une place nous est attribuée : re-amarrage sans souci.

Petit tour très agréable, tapas et vin blanc…

Nous décidons finalement de rester les dix prochains jours ici. Non seulement le prix est intéressant mais la marina est calme et propre, très bien organisée. Pas la peine de retourner sur Malaga. 

Je suis heureuse d’être enfin arrivée au bout de la première partie de notre voyage. Fatiguée mais tellement riche de tout ce que j’ai vécu et vu. Je ne regrette rien. Je ne souffre pas du confort relatif du bateau, le bonheur est là, il m’enveloppe et me tient chaud.

Jeudi 29 novembre Douce et longue nuit. Aucun bruit, aucune vague qui nous bouscule, comme c’est bon.

La marina a beau être le plus grand port de plaisance de toute la côte avec ses 1000 places, elle est calme et tranquille. Bien sûr au centre de la marina de nombreux restaurants et attractions s’agitent, mais de notre ponton aucun bruit ne nous atteint. Bon je pense qu’en pleine saison cela doit être bien différent.

Petit café au soleil. Je savoure chaque minute et je suis dans un état de conscience absolue. Je sais ma chance, notre chance de vivre ce que nous vivons. Ces moments me touchent et m’émeuvent et je sens que nous les partageons Charles et moi au plus près.  Nous avons fait les bons choix à un moment de notre vie et nous en récoltons les fruits aujourd’hui. Mais je ne sais que trop bien que faire les bons choix n’est pas toujours facile. Nous sommes là, prêts à de nouvelles aventures, cette fois-ci accompagnés. Nous ne serons plus seuls, donc le voyage sera différent mais je suis heureuse à l’idée de partager des moments uniques avec Nathalie ma petite sœur qui nous rejoindra aux Canaries.

Je voudrais que la vie ne s’arrête ...jamais !

 

 

 

Samedi 1er décembre

Un soleil radieux nous accompagne pour visiter Malaga. En une vingtaine de minutes le train nous y emmène. Pratique, bon marché et aucun stress pour se garer ! La gare de Benalmadena se trouve à une bonne demi-heure de la marina, en haut de la colline. Bon exercice matinal.

A notre arrivée à Malaga, il fait déjà chaud et le bruit nous assomme dès notre sortie de la gare. Surprenant, pour nous qui vivons dans le quasi silence depuis pas mal de temps. Nous avons un mini plan qui devrait nous aider à nous diriger, même si très peu de rues sont mentionnées et pas la gare ! Mon sens d’orientation n’étant pas ce que j’ai de plus développé, je fais confiance à Chaaarles qui me dit « la mer est là-bas ».

En effet, quelques minutes de marche et nous apercevons la grande roue (eh ! oui ! là aussi, elle tourne…) installée sur le quai, devant le port.

La capitainerie de Malaga, beau bâtiment du XXème siècle, bien en évidence sur le port, débute la promenade du front de mer, sous une longue pergola en bois blanc qui serpente le long du quai et protège les touristes des rayons du soleil parfois trop chauds.

Une famille en bronze nous invite à commencer la promenade en longeant les nombreux bars et restaurants et les boutiques « mode ».

Beaucoup de promeneurs s’arrêtent sur le bord du quai pour admirer « La Farola », (la Lanterne) le phare de Malaga, construit au début du XIXème siècle, il est devenu l’un des symboles de la ville. Pendant la guerre civile, en 1936, les Républicains décidèrent de l’éteindre et de le camoufler en le peignant d’une couleur terre avec des taches plus ou moins foncées. Malgré ces précautions il subit de très gros dommages et sera reconstruit en 1939. Nous continuons notre chemin avec pour objectif de monter la colline pour visiter le château de Gibralfaro.

Mais avant,  nous découvrons le Musée d’art moderne et contemporain de Malaga. Surprise de voir qu’il s’agit du « Centre Pompidou ». En effet, c’est en quelque sorte une annexe du Musée de Beaubourg, inaugurée en 2015 et installée à Malaga pour cinq ans renouvelables. En février 2018, Malaga et Paris ont signé leur collaboration pour cinq nouvelles années. Situé dans un bâtiment rectangulaire blanc, surmonté d’un cube coloré « El Cubo » dessiné par l’artiste français Daniel Buren, (Oui, oui, celui qui a créé les fameuses colonnes pour la cour d’honneur du Palais-Royal à Paris) ce musée Pompidou reçoit les collections de son grand frère parisien !

Au bout du front de mer, nous traversons une jolie place décorée d’énormes boules de Noël. En effet, Noël approche et les Espagnols, comme les Français ne sont pas en retard !

Les Rois mages et la crèche ont quelques semaines d’avance !

Et les sapins ont oublié leurs épines. Je déteste cette période depuis fort longtemps. La mort précipitée de mes parents m’a enlevé l’insouciance et la joie de cette fête. J’ai fait des efforts pour mes enfants pendant de nombreuses années et je ne le regrette pas, mais là je serai au milieu de l’Atlantique loin de tout ce barouf et j’en suis bien contente.

Nous nous arrêtons devant  l’ancien hôpital Noble, construit en briques, qui a une jolie histoire. Il tient son nom d’un médecin britannique qui mourut pendant l’épidémie de choléra de Malaga en 1861. Ses filles consacrèrent leur héritage à la construction d’un hôpital, en mémoire de leur père, dédié aux habitants de Malaga et aussi à tous les marins débarquant à Malaga. Aujourd’hui il abrite des bureaux administratifs.

La montée commence, rude et chaude !  Tout de suite nous avons une superbe vue.

Inauguré au début du XXème siècle, l’Hôtel de Ville est un magnifique bâtiment néo-baroque au pied du parc de Malaga. Nombreuses tours, petits clochers, horloge, colonnes… Tout y est !

Je n’imaginais pas du tout le parc aussi grand et joli en le longeant.

C’est fou comme la vision change dès qu’on s’élève et je n’ai aucun regret de monter et d’en baver. La récompense est là : une vue à couper le souffle.

Les arènes de la Magueleta, inaugurées en 1876 avec une corrida du meilleur matador de l’époque « El Lagartijo ». Le style « néo-mudejar » typiquement espagnol utilise de la brique et pour certains il n’est qu’une variation du style néo-mauresque.

Quelques polémiques...Les arènes ont la forme d’un polygone à seize côtés et son diamètre est de 52 mètres. Deux grandes manifestations y ont lieu chaque année : la Foire Taurine avec de nombreuses corridas et la Corrida Picassienne à Pâques où les toréros portent des costumes inspirés des peintures de Picasso. La corrida, considérée comme un art, existe depuis le XVIIIème siècle et a été déclarée en 2013 « Bien d’intérêt public » par le Parlement espagnol. J’avoue avoir un peu de mal avec ça et  je n’irai jamais voir ce genre de spectacle que je qualifierai de barbare. Et pourtant un grand nombre d‘artistes s’en sont inspiré tant en peinture (notamment Picasso) qu’en littérature (Alexandre Dumas et Mérimée étaient de grands fans) ou en musique (Pasqual Marquina et son « Espa(g)na ca(g)ni » jouée à chaque corrida). Ole !

Plus qu’un édifice religieux pour les Malaguènes, la cathédrale Notre Dame de l’Incarnation, est le témoin de nombreux évènements qui se sont déroulés dans leur ville. Construite sur les vestiges d’une mosquée, à partir du XVIème siècle elle ne fut jamais complètement terminée.

Nous arrivons, haletant, au sommet de la colline à la rencontre du château de Gibralfaro.

Bâtie pour protéger l’Alcazaba au XIVème siècle par Yusuf 1er  de Grenade, un arabe nasride, cette forteresse fut assiégée par les Rois catholiques à la fin du XVème et Ferdinand II d’Aragon la choisit comme résidence. Avec ses doubles murailles et ses huit grandes tours elle a été longtemps considérée comme la forteresse la plus imprenable de toute la péninsule ibérique.

La vue est imprenable sur l’Alcazaba (que nous allons voir en redescendant) et sur toute la ville.

La descente vers l’Alcazaba (Citadelle en arabe)  est moins fatigante ! Palais fortifié datant du XIème siècle, construit sur les vestiges d’une forteresse romaine, il est indépendant du château de Gibralfaro mais relié à lui par un couloir (La Coracha) protégé par des murailles. Fait de briques et de pierres, il nous offre des petits chemins

où se cachent de nombreuses fontaines, d’une utilité certaine lors des grosses chaleurs.

Nous y entrons par la « Puerta de la Boveda » et nous nous baladons dans les jardins et les anciens palais.

Nous voyons que les Arabes ont récupéré des colonnes romaines pour la construction de certaines parties du palais.

Ombre et lumière, maîtres mots de l’architecture arabe.

En redescendant, nous tombons sur une statue de Juan Temboury Alvarez. Qui est-il ? Que fait-il là ? Évidemment ma curiosité me pousse à en connaître davantage sur ce brave homme qui a l’air d’avoir un rapport direct avec la citadelle. Homme d’affaire espagnol, de père français, il connaissait bien Malaga et s’est investi dans différents projets culturels. Il participa à la rénovation et la conservation de l’Alcazaba et de plusieurs autres bâtiments et il eut l’idée d’un Musée Picasso en 1953, qu’il mit  en œuvre avec Picasso lui-même.  

Au pied de l’Alcazaba, le théâtre romain, découvert seulement en 1951 lors de la construction d’un jardin attenant à une maison de culture immédiatement démolie. Théâtre construit à l’époque d’Auguste et utilisé jusqu’au IIIè me siècle. Ses matériaux, colonnes et pierres de taille furent utilisés par les Arabes pour la construction de l’Alcazaba.

Une pause déjeuner s’impose. Moi qui n’ai jamais mangé de taureau je me dis que c’est le bon moment. Sans hésitation nous nous asseyons en terrasse, au soleil.

Un bon verre de vin blanc et nos « rabo de toro » arrivent, baignant dans une sauce au xérès andalou. Plat espagnol typique traditionnellement servi après les corridas. Jamais je n’ai mangé quelque chose d’aussi dur ! Impossible de couper le peu de viande accrochée à l’os, nous avons été obligé de manger avec les doigts. Oui, oui, comme de vrais cochons, avec de la sauce (très bonne d’ailleurs) dégoulinant sur chacun de nos doigts. Pas franchement une bonne expérience ! Tout ce que j’ai lu par la suite sur ce plat ne correspond pas du tout à ce qu’on nous a servi. D’abord c’est rarement une queue de taureau. Plutôt une queue de bœuf, voire de vache et surtout une longue, très très longue cuisson pour que la viande finisse par fondre autour de l’os et…dans la bouche ! Restaurant à touristes qui ne prend pas son temps ! Bon, c’est comme ça, pas dramatique, juste encore faim en sortant ! Pour digérer (Hi ! Hi !) petite marche à travers les rues piétonnes de Malaga, direction la Place Merced, une des plus belles places de la ville où se trouve la maison natale de Pablo Picasso.

En son centre, un obélisque dédié à Jose Maria Torrijos et à ses 48 compagnons fusillés en 1831 suite à une tentative de coup d’état contre le régime absolutiste de Ferdinand VII. Le socle du monument abrite les dépouilles de ces défenseurs de la Liberté.

De très nombreux bars et restaurants au pied des beaux immeubles de la fin du XIXème siècle animent cette ancienne place de marché populaire où se côtoyaient vendeurs de poulets, vendeuses de jasmin et fabricants de guitares.

La visite de la maison natale de Pablo Ruiz Picasso n’est pas inintéressante. Pièces aménagées, portraits des parents du petit Pablo né en 1881, résumé et photo de son enfance, quelques une de ses peintures. Remonter le temps…moment bien agréable.   

Et retrouver ce célèbre Malaguène, sur un banc, pour me remettre de mes émotions.

La fondation Picasso dont le siège se trouve dans la maison  natale a pour but de promouvoir et diffuser l’œuvre de Picasso en organisant des conférences et des expositions temporaires tout au long de l’année.

Le théâtre de Malaga porte le nom du grand Cervantes, auteur du  célèbre « Don Quichotte de la Mancha ». Bâti à la fin du XIXème siècle il a été petit à petit abandonné jusqu’à ce que la mairie le rachète et décide de le réhabiliter. C’est chose faite depuis 1987 date de son inauguration par la Reine Sophia.

Je commence à avoir les jambes fatiguées et nous décidons de retourner à la gare prendre notre train. Mais (le fameux « mais ») ce matin, en sortant de la gare nous n’avons ni l’un ni l’autre fait attention au chemin. Charles « sentait la mer » mais là, il ne « sent » pas la gare ! Notre plan est décidément trop petit…

Par contre Madame Google map sur mon téléphone devrait nous aider même si nous ne sommes pas des plus doués. Nous démarrons l’itinéraire mais tout de suite un souci, la flèche ne se met pas à l’endroit, donc tout est plus compliqué. On avance mais en fait on s’éloigne de notre gare.

Bon, on a la chance de passer devant le grand marché de Malaga, fermé à cette heure de fin d’après-midi. Beau bâtiment du début du XXème dans un style néo-arabe. Dommage, nous aurions bien aimé voir ses 48 étals toujours utilisés. Madame Google map nous dirige vers les bords de la rivière Guadalmedina, bien asséchée d’ailleurs, que nous longeons en espérant être sur le bon chemin. Je vois ma batterie fondre comme neige au soleil, je sens la gare nous échapper !

Mais quelques très beaux immeubles tentent de me sourire. Il nous faudra plus d’une heure pour la trouver cette gare. Madame Google étant devenue muette définitivement, nous avons demandé notre chemin dans un mélange anglo-espagnol, pas très convaincant.

Enfin, la gare, le train et… poser mes fesses .

Je pense juste à la bonne demi-heure de marche qui nous attend pour retrouver l’Alcazar !  

 

Mercredi 5 décembre

Voilà, nous venons de passer trois jours avec ma Virginie. Trois bons jours à profiter d’elle et à me faire des bons petits souvenirs avec à la clé deux jours à Grenade. Bon, tout n’avait pourtant pas super bien commencé. Elle devait arriver dimanche à 14 h 30 après avoir fait un Lyon-Nantes-Malaga ; Pas très simple mais bon les low-costs c’est comme ça, il ne faut pas être trop exigeant ! Coup de téléphone dimanche à midi de ma Vivie en larmes. Elle n’avait pas pu atterrir à Nantes à cause d’une tempête et son avion était retourné à Lyon ! Elle ne savait pas si elle arriverait à en avoir un autre mais la chance étant avec elle, (en quelque sorte), elle a fini par atterrir à Malaga à 17h ! Ouf ! J’aurais vraiment été déçue si elle n’avait pas pu venir mais bon tout est bien qui finit bien.

Petite balade dans la marina, apéritif dehors et soirée tranquille sur l’Alcazar.

Le matin vers 10 heures nous partons pour Grenade qui se trouve à un peu plus de 120 kilomètres. Nous passons par Malaga, Charles ayant besoin de faire authentifier sa signature au consulat de France pour donner un pouvoir à son notaire.

Pendant ce temps nous allons nous balader dans les rues piétonnes.

Nous passons devant « Points of view »  sculpture étonnante en bronze, d’un artiste anglais Tonny Cragg qui entretient une relation privilégiée avec Malaga.

Nous nous arrêtons prendre un café et un « pitufo » (mini sandwich) et Charles nous rejoint et ne peut résister à une énorme part de gâteau aux amandes.

Je suis contente de rouler en voiture. Ça change du bateau et je vois enfin ce que j’essayais d’imaginer en longeant les côtes andalouses.

Encore le fameux emblème de l’Andalousie, au sommet d’une colline. Un des frères de celui que nous avions vu en sortant du port de Motril.

Et puis des champs d’oliviers à perte de vue. Je n’en ai jamais vu autant. Nous comprenons pourquoi l’Andalousie est la première région productrice d’olives en Europe. D’ailleurs elle propose depuis peu « l’Oléotourisme ». Les touristes suivent la route de l’or vert et deviennent incollables sur les diverses variétés d’olives et sur la qualité des différentes huiles. Acheter son huile d’olive en toute connaissance, voilà une bonne idée.

Quelques jolis petits villages nous distraient des oliviers.

Depuis longtemps je désirais connaître Grenade, son Alhambra et ses couleurs dorées, son histoire riche de ses différentes cultures et civilisations.  De Romaine, elle devient  byzantine et même Wisigothe avant de subir la domination musulmane pendant près de huit siècles. Les Arabes transforment la ville et la rendent florissante en construisant le palais forteresse l’Alcazaba, puis les palais nasrides de l’Alhambra. Les Rois Catholiques reprennent la ville à la fin du XVème siècle et Grenade change de nouveau d’aspect avec la construction d’églises et de palais. En 1978 elle est la première ville espagnole à ouvrir une mosquée lors de la loi du rétablissement de la liberté de cultes.

Aimerai-je autant la ville que le fruit qui y est associé ?

Moment où je me sens vraiment bien. Ma fille, à l’arrière de la voiture s’est endormie, j’aime la sentir là, avec nous et je savoure chaque minute de cette petite escapade. Je souris à ce que je suis en train de vivre. Petit coup d’œil à Charles qui conduit, mon amour est intact et mon cœur bat la chamade.

 Nous déposons nos affaires à l’hôtel, très bien situé, et partons nous promener à travers la ville. L’Alhambra sera pour demain.

En plein centre, nous passons devant « l’Aliatar » édifice historique et sa façade originale de losanges roses où se retrouvent jusqu’au bout de la nuit les Grenadins fêtards.   

Petit tour vers la cathédrale de l’Incarnation, monument majestueux de la Renaissance, construit à partir du XVIème siècle sur le site d’une ancienne mosquée. Le chantier a été tellement long que les styles gothique et baroque se mélangent à celui de la Renaissance.

La chapelle royale qui lui est adossée, est un mausolée où sont enterrés les « Rois Catholiques », Ferdinand II d’Aragon et Isabelle de Castille.  Ils tenaient à être enterrés dans la ville où avait eu lieu leur plus grande victoire contre les musulmans en 1492. En effet, la reprise de Grenade a mis fin à la présence musulmane en Espagne.

Juste à côté l’ancienne bourse de commerce.

Le Palais de la Madraza, ancien hôtel de ville, était une université coranique bâtie au milieu du XIVème siècle sous le règne de Yusuf 1er, sultan nasride. Après la Reconquête de Grenade, les Rois Catholiques l’offrirent à la ville.  Le palais, au cours des siècles fut presque entièrement détruit. Sa façade actuelle date du XVIIIème. Il appartient aujourd’hui à l’Université de Grenade.

Au hasard des rues, nous tombons sur la maison natale de Fédérico Garcia Lorca. J’ai retrouvé le titre d’une de ses pièces de théâtre que j’avais étudiée en espagnol : « Noces de sang », l’histoire d’une passion impossible qui m’avait particulièrement touchée. Alors forcément un peu d’émotion m’étreint en flânant dans sa maison.

Des lampadaires originaux et ma fille s’envole !

Des Jambons sur le mur et Charles salive !

Des jolies places et je souris !

La belle entrée de la faculté de droit,  faite de colonnes torsadées, sur la place de l’Université attire notre attention et nous ne regrettons pas d’y entrer.

Le calme du patio et des couloirs nous rappelle que c’était un ancien couvent jésuite, cédé au XVIIIème à l’Université. Etudier dans de si jolis locaux doit faire le bonheur des étudiants grenadins.

Nous continuons d’avancer et d’autres jolies surprises nous attendent. Notamment l’église Saints Just et Pastor. Edifiée par les Jésuites au XVIème siècle elle fut tout d’abord consacrée à Saint Paul.  Quand l’Ordre de la Compagnie de Jésus fut aboli, l’église fut fermée pendant de nombreuses années. Au début du XIXème elle fut rebaptisée paroisse de Saints Just et Pastor, frères chrétiens martyrisés pendant les persécussions ordonnées par l’Empereur romain Dioclétien.

Le collège San Bartolome y Santiago, ancien palais transformé au XVIIème en collège universitaire, est l’un des plus prestigieux collèges de l’histoire de l’Espagne. Il accueille encore aujourd’hui des étudiants du monde entier. Dans la niche au-dessus de l’arche les statues de Saint Jacques et  Saint Bartolomé.

La basilique San Juan de Dios, datant du début du XVIIIème siècle est un petit bijou de l’art baroque.

Le jardin attenant nous offre une collection de jougs, d’anses et de battants de cloches. Mais où sont donc passées les robes ?
La fin de journée approche et nous décidons de repérer le cabaret où nous irons voir en début de soirée un spectacle de Flamenco.

En chemin, nous tombons sur la place Isabelle la Catholique. Ferdinand II d’Aragon et son épouse Isabelle de Castille (la Catholique) formaient un couple très uni jusque dans la Reconquête du royaume d’Espagne. C’est eux (mais je me répète) qui prirent le dernier bastion musulman de Grenade. C’est eux, aussi, et c’est sans doute moins glorieux qui ont instauré l’Inquisition. Le pape leur avait donné le titre de « Rois Catholiques ». En tout cas la place est magnifique de ce côté-ci. Dommage, Isabelle de Castille est de dos.

Bon là c’est mieux. On la voit sur son trône recevant Christophe Colomb, qui tente de la convaincre de financer une de ses futures expéditions. La Reine fut emballée par le projet mais le navigateur devra attendre quelques années que le Royaume de Grenade soit à nouveau espagnol. Une fois les musulmans chassés, la construction des trois navires put commencer.

Nous arrivons dans le centre historique de Grenade, au pied de l’Alhambra où se trouve « l’Alborea ». Finalement à une vingtaine de minutes de notre hôtel. Super ! Nous avons le temps d’aller nous reposer un peu, Virginie et sa montre « miracle » nous annonce que nous avons parcourus près de huit kilomètres. Pas si mal.

Je suis très excitée d’aller voir mon premier spectacle de Flamenco, c’est aussi une première pour ma fille. Petit salon VIP, tapas et bouteille de vin blanc en arrivant. Et le spectacle vraiment superbe, très professionnel.

La musique, les mains, le regard, les pieds, tout était parfait ! Nous avons passé tous les trois un moment très  sympa.

Le retour à l’hôtel se fait doucement, porté par la magie de ce que nous venons de voir.

Mais un retour à la réalité s’impose : des policiers partout, des barricades, des rues fermées... On se demande pourquoi.

Nous aurons la réponse en regardant les infos espagnoles. Les élections au parlement régional andalou ont donné 12 sièges à l’extrême droite. Il semblerait qu’ici aussi, comme dans de nombreux pays européens, la montée du populisme devienne inévitable.

****

Après un copieux petit déjeuner, nous partons d’un pied ferme visiter l’Alhambra dont j’ai tellement entendu parler.

Il fait un temps magnifique, la chance est encore avec nous. Nous découvrons une mini rue de Rivoli avec des lampadaires cossus ! Peu de monde dehors à cette heure matinale.

La place de la mairie est occupée par une trentaine de manifestants, avec tentes et couvertures, protestant contre les dernières élections et faisant savoir leur peur d’un retour au franquisme.

La mairie est un ancien couvent carmélite dont il reste juste le cloître du XVIème siècle. Sur le toit  un cavalier en bronze dont les sabots du cheval sont en équilibre sur des sphères dorées.

C’est de la Plaza Nueva, au pied de l’Alhambra, que nous débutons réellement notre promenade « Alhambresque ». Cette place a été la première de Grenade construite sous le règne chrétien.

Place politique importante, la Chancellerie Royale y fut installée. Bâtiment du XVIème siècle, avec une balustrade du XVIIIème, il abrite aujourd’hui le Palais de Justice.

Nous passons à côté du Corral del Carbon, seul caravansérail nasride conservé en Espagne datant du XIVème siècle. Après la « Reconquête »  il se transforme en cour pour les vendeurs de charbon de bois.

Avant d’atteindre le chemin qui nous montera à l’Alhambra, nous passons devant l’église Santa Ana du XVIème et son très joli clocher orné de  mosaïques.

Nous quittons la vraie ville pour marcher le long de la Carrera del Darro, petite rue charmante qui longe la rivière. Des ponts en pierre enjambent la Darro pour rejoindre la colline où se trouve l’Alhambra.

Avant d’arriver au bout de la rue, sur le Paseo de los Tristes, nous croisons une nouvelle église, celle de San Pablo et San Pedro. Là, Charles commence à gentiment craquer !

Il préfère de loin le petit magasin insolite que nous trouvons au bord de la rue.

Ou celui du fabriquant de guitares…

C’est par le Paseao de los Tristes que passaient les cortèges funéraires, aujourd’hui la tristesse a laissé la place à la joie des restaurateurs. Mais il garde quand même un côté charmant, désuet et calme. La montée se passe dans la fraicheur des remparts.

En haut de la colline,  l’Albaicin, quartier le plus important sous la domination arabe, nous montre la blancheur de ses maisons et au loin l’église San Cristobal.

Enfin l’Alhambra et ses mystères, les Palais Nasrides, le Generalife, résidence d’été des sultans, les jardins, l’Alcazaba et le Palais de Charles Quint.

Nous sommes en décembre et pourtant nous croisons de nombreux touristes. L’été la visite doit être infernale entre le monde et la chaleur !

 

Le Palais des Myrtes avec au fond la tour de Comares. Toujours de l’eau partout : des fontaines, des vasques, tout un système d’irrigation sans doute pour la fraicheur et peut être aussi pour le doux murmure de l’eau frémissante ?

Vasque, détail murs et plafonds, tout l’art nasride et …les faux plafonds !!

Travail de nettoyage (vous savez comme j’y suis sensible !)

Avec un petit pinceau, l’artisan passe et repasse dans chaque dessin. Travail minutieux qui nécessite une sacrée patience.

 

Les motifs et les arabesques peuvent représenter  des feuilles et des fleurs, des figures géométriques et des phrases entières de textes religieux.

Le Patio des Lions, autrefois comparé au Paradis, compte un nombre incroyable de colonnes très fines en marbre entourant le palais. L’eau (encore) circule dans des rigoles et douze lions supportent une superbe vasque centrale. Quand on regarde de très près les dessus de colonnes on s’aperçoit de leurs différences. Chaque dessin qui ressemble à de la dentelle est unique. C’est prodigieux. Ce patio des Lions abritaient les appartements particuliers du monarque nasride (dynastie arabe).

Le Mirador et les jardins de Daraxa.

La tour de la Rauda communique avec le palais des Lions

L’église Santa Maria édifiée sur les ruines de la moquée royale, au XVIème siècle.

En 1526, Charles Quint ordonna la construction de son futur palais à côté de l’Alhambra. Ainsi il pourrait jouir de toute sa beauté ! Pas fou le Charles ! Mais ce palais Renaissance resta inachevé.  La toiture ne sera terminée qu’au milieu du XXème siècle !   Deux musées sont installés dans ce palais : le Musée de l’Alhambra représentant l’art et la culture islamique en Espagne et le Musée des Beaux-Arts. Une vidéo super intéressante sur l’art nasride. On nous montre la méthode de fabrication des mosaïques qui recouvrent certains murs des palais. Etonnant par exemple la vitesse à laquelle ils sculptent les petits motifs avec un mini couteau… Nous étions avec Virginie épatées !!

Une cour circulaire impressionnante de trente mètres de diamètre reçoit aujourd’hui grâce à son acoustique excellente le Festival de Musique et de Danse de Grenade.

Nous commençons doucement à redescendre par l’autre chemin et nous nous arrêtons devant le « Pilier de Charles Quint ». Immense fontaine dont les becs d’eau représentent les trois fleuves de Grenade : Beyro, Darro et Genil.

La vue de l’Alhambra sur la Sierra Nevada est magnifique. Charles et Vivie pensent à la bonne journée de ski qu’ils auraient aussi pu faire ! Mais voilà, il y a des choix à faire les petits !

Dans le parc une statue de Washington Irving, écrivain américain (1783-1859), ayant beaucoup vécu en Europe et particulièrement en Espagne. Fasciné par la culture et la langue espagnoles, il s’installe pour quelques mois dans le palais du gouverneur de l’Alhambra et il y écrit  « les Contes de l’Alhambra ».

L’après-midi est déjà bien avancé et la faim nous tenaille. Nous nous arrêtons déjeuner dans l’un des restaurants du Paseo de los Tristes. Au soleil, quel bonheur !

La visite de Grenade se termine, ma Virginie repart demain à six heures du matin. C’est passé si vite… mais c’était si bien !

Dimanche 9 décembre

Avant de retrouver Orce mardi matin, nous faisons toutes nos courses. Cela nous prend un bon moment et je crois que nous sommes prêts !

Le rangement a été bien étudié,

Charles a fignolé l’Alcazar et je l'ai monté au mât pour changer une drisse. J’ai quand même un petit pincement au cœur, je m’interroge sur ce qui va se passer. Mystère.   

Je nous souhaite de bons moments…

Avant de quitter définitivement Benalmadena nous décidons de prendre le téléphérique qui monte jusqu’à 800 mètres. La vue doit être magnifique et il faut en profiter tant que le temps est superbe. Nous essayons de voir l’Alcazar dans la marina sans succès. C’est trop loin…

Par contre la vue est magnifique que cela soit du côté de Malaga ou de Gibraltar. Nous apercevons les côtes marocaines et le fameux rocher.

Nous avons eu la surprise en arrivant en haut de voir qu’il y avait un refuge de rapaces. Des spectacles sont organisés l’é

J’aime voir les rapaces c’est un fait mais les voir privés de liberté me fait mal au cœur. C’est compliqué tout ça.

La chouette est merveilleuse, ses plumes brillent et la voir tourner sa tête à presque 360° est très impressionnant.

Nous ne sommes pas déçus de notre petite escapade et finissons la journée en nous baladant sur la jetée du port.

Dernier regard de loin sur notre Alcazar et sur la capitainerie de Benalmadena.

Et juste pour nous et notre plaisir un cormoran, nous fait un signe !

A suivre…

Vous êtes plusieurs à vous interroger sur le comment faire pour aller directement et plus rapidement aux dernières pages lues. Je pense avoir une solution pour la suite.  Ne vous énervez pas !!!

Nous partons pour les Canaries. J’espère que je pourrai vous faire partager ces premiers moments de traversée. Il me faudra juste une petite connexion !

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :